
La guerre en Ukraine, le dérèglement climatique, la post-crise sanitaire, le gel. Rien ne semble atteindre cette filière : le Cognac marche sur l'eau(-de-vie). En 2022, le vignoble charentais a acté sa troisième meilleure année jamais enregistrée grâce à 212 millions de bouteilles vendues dans le monde. Malgré une baisse très limitée de 4,8 % des ventes en volume, le Cognac a généré 3,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Du jamais vu. Sous l'effet de l'inflation, pour la première fois, le chiffre d'affaires progresse malgré une légère érosion des ventes.
Interrogé par La Tribune, le Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC) approuve sobrement : « la filière reste confiante dans ses perspectives à long terme. » Et veut garder le cap, en dépit des crises qui reconfigurent les modèles économiques et environnementaux, en s'affirmant comme « un repère dans un monde instable ».
Les ventes de Cognac sur 10 ans
Cliquez sur les graphiques pour les agrandir. (crédits : MG / La Tribune)
En dix ans, le chiffre d'affaires de la filière a quasiment doublé, passant de 2,2 à 3,9 milliards d'euros l'an dernier. Une tendance qui s'explique en partie par l'inflation sur les deux dernières années puisque l'augmentation du nombre de bouteilles vendues est contenu à 30 %. Mais ce sont bien les États-Unis qui dopent les résultats : entre 2017 et 2022, le premier importateur de Cognac est passé de 75 à plus de 110 millions de bouteilles achetées.
Derrière, l'Asie constitue le second marché en volume et en valeur, et certainement le plus gros potentiel de développement. « Des signaux positifs sont perçus aujourd'hui sur différents marchés comme l'Asie suite à l'ouverture de la stratégie zéro Covid [en Chine, ndlr]. Cela soutient nos perspectives d'expéditions », indique le BNIC.
Top 5 des pays consommateurs de Cognac
La Chine s'affirme depuis trois ans à la deuxième place des pays importateurs, en flirtant l'an passé avec les 30 millions de bouteilles achetées. Elle pèse tout de même trois fois moins que les États-Unis. En ajoutant Singapour, qui a réduit ses importations de 30 % par rapport à 2017, le trio représente 75 % des ventes de Cognac à travers le monde. La France elle représente moins de 5 % des ventes.
Les chiffres de production de Cognac
La production ne faiblit pas, bien au contraire. Malgré des épisodes de gel et les effets du changement climatique, la vigne résiste. Surtout, les larges campagnes de plantation lancées depuis 2018 vont permettre d'accroître encore les capacités du vignoble.
Une augmentation accrue des nouvelles plantations
Le vignoble du Cognac a dépassé les 80.000 hectares de plantation mais l'interprofession veut profiter du business florissant pour étendre encore ses surfaces. Pour 2023, ce sont 3.129 hectares de nouvelles plantations qui ont été demandés et accordés. « Ce chiffre est le fruit d'un calcul précis qui prend en compte l'estimation sur quinze ans des rendements et les besoins des marchés, pour soutenir le dynamisme de l'exportation du Cognac vers 150 pays », précise la direction du BNIC.
Mais depuis la fin de l'année 2022, l'interprofession dit observer un ralentissement global des exportations, en raison d'« un contexte économique mondial délicat, marqué par l'inflation ». De quoi nourrir des interrogations quant à la politique de croissance du vignoble, alors que d'autres font les frais d'une chute de la consommation.
Quand le Cognac amasse, le Bordelais aux abois
La croissance du territoire charentais, qui pousse sa spécialisation à l'extrême dans le domaine des spiritueux, détonne avec la situation du voisin bordelais. En Gironde, les viticulteurs ont conclu en mars dernier un plan d'arrachage de 9.500 hectares soutenu à hauteur de 67 millions par l'État, la Région et la profession, pour faire face à la chute des ventes de vin. Pour permettre aux viticulteurs bordelais de diversifier leur activité, le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux) a lancé un appel du pied au cognaçais. Objectif : inciter les producteurs de Cognac à racheter les droits de plantation des viticulteurs bordelais en souffrance.
Un mécanisme qui contournerait le système de demande groupée effectuée chaque année par l'interprofession du Cognac. « Les initiatives individuelles et opportunistes qui iraient dans ce sens ne pourraient qu'être condamnées », avait réagit le BNIC en février dans un communiqué. Deux vignobles aux récits conjoncturels bien différents mais qui doivent l'un comme l'autre aborder concrètement les nécessités de transition environnementale.
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