Crise viticole : un millier de vignerons bordelais candidats à l'arrachage sanitaire

L'annonce faite ce jeudi 20 juillet par la préfecture de la Gironde montre que le plan d'arrachage définitif de la vigne dans le Bordelais pour des raisons sanitaires a suscité l'intérêt des viticulteurs. Malgré une situation tendue, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux croit au rebond des vins rouges, tandis que la filière a résisté au vent du changement incarné par le collectif Viti33.
Des revendications qui semblent voir un début de commencement de réponse.
Des revendications qui semblent voir un début de commencement de réponse. (Crédits : Agence APPA)

Lors de la dernière assemblée générale du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), le 10 juillet, son président, Allan Sichel, est revenu sur un premier semestre 2023 très chargé, dont on pourrait dire qu'il a commencé le 6 décembre 2022 avec la manifestation dans les rues de Bordeaux des vignerons et des élus qui les accompagnaient. Initiée par le collectif Viti33, cette démonstration de force avait pour objectif d'alerter sur la situation économique catastrophique qui est devenu le quotidien de centaines de vignerons bordelais.

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Pour permettre aux viticulteurs concernés de sortir de ce piège sans issue, l'État - accompagné par le CIVB - a accepté de procéder à l'arrachage définitif de 9.500 hectares de vigne avec une prime de 6.000 euros à l'hectare. Soit beaucoup moins que les 15.000 hectares primés à 10.000 euros l'hectare demandés par les vignerons en colère. Le désespoir l'a-t-il emporté sur la colère ? En tout cas les viticulteurs bordelais en difficulté ont finalement accepté cette proposition.

Les demandes d'aides à l'arrachage à la mi-septembre

C'est ainsi qu'ils ont validé un plan à 57 millions d'euros financé par l'État à hauteur de 38 millions d'euros et abondé pour un montant de 19 millions d'euros par le CIVB. La Région Nouvelle-Aquitaine intervenant dans un second temps à hauteur de 10 millions d'euros sur plusieurs années pour aider en particulier au reclassement des viticulteurs. La crise du vignoble bordelais, marquée par des méventes à répétition est profonde et ne date pas du 6 décembre 2022 comme l'a rappelé Allan Sichel pendant l'assemblée générale du CIVB du 10 juillet.

« Voilà plus d'un an que nous travaillons à réduire durablement notre capacité de production, en réponse à une crise devenue structurelle. En quelques mois nous avons largement avancé : un plan d'arrachage sanitaire a été lancé le 5 juin dernier. Une campagne de pré-candidatures est en cours, qui vise à recenser et localiser les parcelles qui pourront être accompagnées, et connaître leur destination post-arrachage : échange, fermage, diversification ou vente... Le dépôt final de la demande d'aide à l'arrachage sanitaire se fera à la mi-septembre, pour des arrachages effectifs à la fin de l'automne et des paiements dans la foulée », a précisé le président du CIVB.

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Cessation totale d'activité pour 300 viticulteurs

Ce 20 juillet, la préfecture de la Gironde a annoncé que la plateforme de pré-candidatures pour l'arrachage sanitaire, ouverte du 5 juin au 17 juillet inclus, avait recueilli 1.000 dossiers représentant près de 9.300 hectares à arracher. Ce qui est un succès compte-tenu du plan annoncé. Jusqu'au début du mois de juillet certains s'inquiétaient du nombre relativement faible de dossiers déposés (584 demandes représentant près de 5.000 hectares) mais les commentateurs les plus prudents ont eu le dernier mot. Il suffisait d'attendre que la date butoir du 17 juillet soit atteinte pour y voir plus clair. La préfecture souligne que 300 viticulteurs se sont inscrits dans ce plan pour « cesser totalement leur activité, viticole comme agricole ».

Comme le relève la préfecture ce résultat a tout de même de quoi inquiéter :

« Ces premiers chiffres démontrent à la fois l'ampleur des difficultés pour un grand nombre d'exploitants, et la nécessité d'agir au plus vite pour leur venir en aide. »

Un marché qui a besoin de reprendre des couleurs

Le financement du plan d'arrachage va obliger l'interprofession a faire des économies a confirmé Allan Sichel qui entend mettre l'accent sur le rebond des ventes, dans des conditions plutôt difficiles.

« Face à nous le marché ne reprend pas comme nous l'avions espéré en sortie de crise sanitaire. À l'export, sur un an (données arrêtées à fin mars), nos volumes expédiés s'établissent à 1,71 million d'hectolitres et sont en retrait de 9 % en volume et 2 % en valeur. Ces résultats, a tenu à temporiser le patron du CIVB, s'inscrivent dans un contexte tout aussi défavorable pour l'ensemble des vins tranquilles français à l'export, qui reculent de 10 % ».

Les résultats des ventes de vin sur un an (à mars 2023) ne sont pas non plus très brillants sur le marché français, avec des sorties de propriété en baisse de 9 %, à 3,7 millions d'hectolitres, une chute de -18 % des ventes en vrac et un recul de -2 % pour celles en bouteilles.

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Quand « Bordeaux fête le vin » met du baume au cœur

Allan Sichel reste optimiste. Notamment parce que l'édition 2023 (du 22 au 25 juin sur les quais) de la manifestation « Bordeaux fête le vin », désormais annuelle, qui bon an mal an draine 800.000 personnes sur les quais pendant quatre jours, a été un succès. Ainsi 40.000 Pass dégustation (contre 38.000 l'an dernier) ont été souscrits, 326.000 dégustations (+9 % sur un an) enregistrées, ainsi que 15.000 participations à l'École du vin de Bordeaux (+7 %).

Bernard Farges a conservé son fauteuil

Malgré des moyens d'intervention en baisse, le CIVB va communiquer sur des bordeaux rouges « de toutes les couleurs », histoire de relancer leur image. La crise qui s'est soldée l'an dernier par la montée en première ligne du collectif Viti33, présidé par Didier Cousiney, lors de la manifestation du 6 décembre à Bordeaux, a marqué les esprits. Ce collectif n'a pourtant pas, comme certains connaisseurs avertis du secteur s'y attendaient, réussi à renverser la table le 7 juillet dernier lors de l'assemblée générale du Syndicat viticole des Bordeaux et Bordeaux supérieurs, qui reste la plus grosse organisation du département, avec près de 5.000 producteurs.

Bernard Farges, vice-président du CIVB, qui a déjà présidé l'interprofession plusieurs fois, et qui intervient au sein de plusieurs grands organismes nationaux de défense de la viticulture (qui n'a pas pu répondre à notre demande d'interview), était une cible toute désignée pour les opposants à la gouvernance de la filière. Il a pourtant été réélu dans un fauteuil. Alors que le leader naturel des opposants, Didier Cousiney, était battu.

La faute à un scrutin confié à des délégués ?

Les opposants n'ont pu faire élire que trois candidats pour un total de seize sièges. C'est ainsi qu'Olivier Metzinger, à classer parmi les opposants, a été élu.

« Cette élection se fait au suffrage indirect avec un système de grands électeurs que sont les délégués cantonaux, qui n'avaient aucune envie de semer le trouble. Si l'on avait demandé aux viticulteurs, le résultat aurait été différent. Certains responsables ont essayé d'alerter, Jacques Lurton (PDG des Vignobles André Lurton/issu d'une très grande famille du vignoble bordelais -Ndr) l'a dit : on s'est trompés mais rien n'y a fait », déplore Olivier Metzinger.

De son côté le président du collectif Viti33 est un peu amer.

« Nous avons perdu mais le résultat a été très serré. Notre collectif va sûrement bientôt changer pour prendre une autre forme et devrait se transformer en Association collective de défense de la vigne et des viticulteurs », confie Didier Cousiney à La Tribune.

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Commentaire 1
à écrit le 22/07/2023 à 11:06
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C'est énorme et il est bien dommage que ces viticulteurs se soient fait avaler par les méthodes obscurantistes agro-industrielles car en permaculture ils auraient pu sauver leurs vins mais comme ils ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas ben ils so...

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