À Bordeaux, le CIVB vote à l'unanimité une levée de 19 millions d'euros pour sauver le vignoble

Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a voté à l'unanimité le déblocage de 19 millions d'euros pour venir au secours du vignoble bordelais dans le cadre du plan de 57 millions d'euros adopté par le gouvernement. Une mobilisation qui va passer par l'emprunt. En plus de la Région, les vignerons bordelais vont pouvoir compter sur l'intervention d'Alliance Forêt Bois. Numéro un national dans sa catégorie, la coopérative girondine a besoin de foncier pour planter des arbres et va récupérer des parcelles à l'abandon.
La manifestation des viticulteurs à Bordeaux en décembre dernier a marqué les esprits.
La manifestation des viticulteurs à Bordeaux en décembre dernier a marqué les esprits. (Crédits : Agence APPA)

Lors de son assemblée générale ce lundi 17 avril, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a validé par un vote à l'unanimité sa participation, à hauteur de 19 millions d'euros, au financement du plan national d'arrachage sanitaire de parcelles dans le vignoble bordelais d'un montant de 57 millions d'euros. Comme l'a souligné le président du CIVB Allan Sichel lors de son intervention, pour financer cet apport au plan d'arrachage adopté en février dernier, le CIVB va contracter un emprunt de 14 millions d'euros garanti par l'État et mobiliser 5 millions d'euros de sa réserve de trésorerie. Cet engagement financier du CIVB était absolument nécessaire pour que l'État valide le plan de financement. Encore fallait-il trouver le bon outil pour agir.

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« Certains viticulteurs se trouvent dans l'incapacité matérielle et financière de poursuivre l'entretien et l'exploitation de leur vignoble. Les parcelles abandonnées deviennent des foyers de maladie qui contaminent les vignes avoisinantes. Lors de notre précédente assemblée générale, en décembre dernier, nous explorions plusieurs pistes de financement, dont la plupart s'avéraient sans issue réglementaire..» a rappelé en substance Allan Sichel.

D'où l'importance de trouver un cadre adéquat : domaine dans lequel l'impératif sanitaire a finalement permis de faire la différence.

L'option sanitaire était celle qu'il fallait cocher

« La dernière modification de la politique agricole commune (PAC), fin 2022, rend désormais possible l'intervention des interprofessions dans le domaine phytosanitaire. L'engagement du CIVB dans un plan préventif de lutte contre la flavescence dorée a été déterminant dans les discussions avec l'État. Fin février au Salon de l'agriculture, aux côtés d'Alain Rousset, notre président de Région, de Bernard Farges (vice-président du CIVB -Ndlr) et de moi‐même, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a annoncé que des outils allaient être mis en place pour financer un arrachage sanitaire » a rembobiné le patron du CIVB.

Bien entendu l'annonce faite alors par Alain Rousset reste valable et la Région va contribuer au dispositif à hauteur de 10 millions d'euros. Une somme qui sera consacrée à la reconversion des terres après arrachage, grâce à l'apport de fonds Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural). Comme prévu en février dernier, le dispositif négocié à hauteur de 57 millions d'euros avec l'État doit permettre d'arracher 9.500 hectares primés à hauteur de 6.000 euros l'hectare.

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Alliance Forêt Bois pourra couvrir les parcelles abandonnées

Les parcelles qui sont déjà à l'abandon ne pourront pas entrer dans ce dispositif : il faudra avoir récolté en 2022 pour être dans les clous. Mais une solution semble avoir été trouvée pour ces situations sans issues puisque Alliance Forêt Bois, qui est à la recherche de foncier pour planter des arbres, se propose de dédommager les propriétaires de vignes abandonnées à hauteur de 2.000 euros l'hectare.

« Dans ce dispositif au bout de dix, vingt ou trente ans le propriétaire pourra récupérer ses terres » éclaire-t-on au CIVB.

Le vote du plan d'arrachage sanitaire ayant eu lieu ce lundi, tous ses détails n'ont pas été arrêtés et les services de l'État attendaient la décision financière du CIVB avant de passer à l'action.

« Pas mal d'éléments de ce plan restent dans le flou et il y a une réunion avec les représentants de l'État pour y voir plus clair ce mercredi 19 avril. Par exemple sur les critères d'éligibilité ou même le calendrier » souligne cette source très proche du dossier.

Allan Sichel, qui a confirmé hier cette nécessité d'y voir plus clair, a annoncé la mise en place de ce plan d'arrachage sanitaire « après la récolte 2023 » pour qu'il s'échelonne sur les hivers 2023-24 et 2024-25.

Relancer l'attaque commerciale du marché

Le déblocage par le gouvernement d'une enveloppe de 160 millions d'euros destinée à financer sur deux ans une importante campagne de distillation de vins en France démontre, a rappelé le président du CIVB, que Bordeaux n'est pas le seul vignoble touché. Pour partiel que cet arrachage de 9.500 hectares puisse paraître à certains viticulteurs, qui estiment qu'il ne se passera rien de définitif pour la relance du vignoble en-dessous de 20.000 à 25.000 hectares arrachés, Allan Sichel y voit de son côté une restructuration lourde qui ne pourra fonctionner qu'accompagnée d'une ambitieuse stratégie commerciale.

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En luttant tout d'abord contre la déconsommation de vin en France, qui touche en particulier les rouges. Ce qui ouvre en particulier la voie aux blancs et crémants, mais aussi à des propositions plus originales (nouveaux cépages, packagings innovants, etc.). En labourant le terrain ensuite, avec par exemple la Tournée des vins de Bordeaux, lancée l'an dernier, avec 1.400 animations réalisées dans plus de 560 villes de toute la France.

Malgré son profil inquiétant la Chine reste un objectif majeur

Malgré les attaques récurrentes dont il a pu faire l'objet, le vignoble bordelais reste « le vignoble numéro un en termes de notoriété, d'achat et d'image auprès des consommateurs, quelle que soit leur génération » a appuyé Allan Sichel, citant le dernier baromètre de l'institut d'études de marchés Wine Intelligence. Et à la rentrée prochaine le CIVB va remettre le couvert sur les rouges (85 % de l''ensemble des appellations en bordeaux) au travers d'une campagne nationale intitulée « Terroirs de Bordeaux, des rouges de toutes les couleurs ».

L'accélération des ventes à l'export est également au programme et le tropisme chinois des Bordelais reste aussi fort qu'avant la brutale annexion de Hongkong, la crise du Covid et les menaces d'invasion de Taïwan.

« Du côté du marché chinois, nous sommes aussi déterminés à regagner du terrain. Fortement pénalisée par les confinements successifs de 2020 à 2022, la Chine est le principal contributeur de la baisse en volume de nos expéditions ; c'est aussi un marché hautement concurrentiel. Mais grâce à son bureau de représentation à Shanghaï, notre interprofession a un temps d'avance sur les autres vignobles, notamment ceux du Nouveau Monde ; temps d'avance sur lequel nous devons et allons capitaliser à la faveur de la réouverture du pays » a ainsi souligné Allan Sichel.

Autant dire que malgré les difficultés du moment, rien ne semble perdu.

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