Régionales : cinq listes face à l'abstention au second tour en Nouvelle-Aquitaine

ENJEUX. Un premier tour bis ? Cinq listes s'affronteront dimanche en Nouvelle-Aquitaine au 2nd tour d'élections régionales marquées au fer rouge d'une abstention extrêmement élevée. En tête au 1er tour avec dix points d'avance sur le RN, le socialiste sortant, Alain Rousset endosse le costume du favori mais son véritable enjeu sera de disposer de la majorité absolue. Pas évident tant la mobilisation des réserves de voix de chaque candidat pour cette quinquangulaire est imprévisible.
En Nouvelle-Aquitaine, chacun des cinq candidats espère mobiliser les très nombreux abstentionnistes dimanche 27 juin pour conforter sa position voire renverser les rapports de force.
En Nouvelle-Aquitaine, chacun des cinq candidats espère mobiliser les très nombreux abstentionnistes dimanche 27 juin pour conforter sa position voire renverser les rapports de force. (Crédits : Agence APPA)

Quel sera le niveau de la participation dimanche 27 juin au second tour des élections régionales ? C'est la question qui taraude les cinq équipes de campagne engagées au second tour en Nouvelle-Aquitaine. Marqués par une abstention historiquement élevée de plus de 64 %, les équilibres du premier tour pourraient en effet être chamboulés par une participation ne serait-ce qu'un peu plus élevée. Seule certitude à ce stade : 1,6 million d'électeurs néo-aquitains sont allés voter ce 21 juin 2021, contre 2,2 millions au premier tour des élections régionales de décembre 2015. Pour les cinq candidats, le réservoir potentiel de voix se compte donc a minima en centaines de milliers de bulletins.

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Le prisme déformant de l'abstention

Un ordre de grandeur qui n'a rien d'anodin puisqu'en arrivant largement en tête au soir du premier tour avec 28,83 % des suffrages exprimés, dix points devant l'extrême droite, Alain Rousset a recueilli 430.000 bulletins, soit 200.000 de moins qu'il y a six ans. Une érosion assez marquée de son électorat alors que dans le même temps, en Occitanie voisine, la socialiste sortante Carole Delga a, elle, gagné 100.000 de plus pour atteindre 600.000 voix.

Pour Edwige Diaz, la candidate du RN en Nouvelle-Aquitaine arrivé en deuxième position, le bilan du 1er tour est encore pire puisqu'avec un score 18,20 % elle n'a réuni que 270.000 bulletins contre 480.000 pour le candidat FN en 2015 ! Un résultat très défavorable qu'elle entend retourner en motif d'espoir rappelant que Marine Le Pen a réuni 600.000 voix dans la région à l'élection présidentielle de 2017. De quoi constituer d'important renforts théoriques ? Encore faudra-t-il que ces électeurs se déplacent et qu'ils glissent effectivement un bulletin RN dans l'urne. Rien n'est moins sûr puisqu'Edwige Diaz est la candidate qui a proportionnellement le plus souffert de l'abstention et que son parti est en proie à d'importantes querelles internes dans la région avec notamment l'implosion de la direction du RN dans les Deux-Sèvres. Pour convaincre, la candidate d'extrême-droite se présente résolument comme "le seul vote utile pour battre la gauche".

Seuls les verts ont convaincu plus d'électeurs en 2021

A droite et au centre, l'érosion de l'électorat est un peu plus limitée. Partis chacun de leur côté, Geneviève Darrieussecq (205.000 bulletins), Nicolas Florian (185.000) et Eddie Puyjalon (110.000) ont réuni, à eux trois, 60.000 électeurs de moins que la candidature commune de Virginie Calmels en 2015. Arrivé seulement en 4e position avec 12,48 % des suffrages, le candidat LR Nicolas Florian se félicite du score de sa famille politique qu'il présente désormais comme "la seule force d'alternance face au duel annoncé entre LREM et le RN". En confiance, il n'a pas envisagé une minute de fusionner avec les Marcheurs et le Modem, probablement refroidi par les consignes nationales et par la funeste fusion opérée à l'entre-deux-tours des élections municipales à Bordeaux il y a tout juste un an.

Mais Nicolas Florian n'a pas non plus fusionné avec le Mouvement de la Ruralité d'Eddie Puyjalon, avec qu'il était allié dès le 1er tour en 2015, estimant qu'il s'agit là d'un réservoir naturel de voix ne nécessitant pas d'alliance d'appareils. Difficile pourtant de lire ce que fera au second tour cet électorat tant il semble issu de différentes tendances et attaché d'abord à la ruralité et au nom du député béarnais Jean Lassalle. Finalement, dans ce paysage laminé et déformé par l'abstention, la seule des cinq listes présentes au second tour à avoir réuni davantage d'électeurs en 2021 qu'en 2015 est celle de Nicolas Thierry. Avec 12,09 % et 180.000 bulletins, les écologistes ont réuni 65.000 électeurs de plus qu'il y a cinq ans malgré une abstention plus élevée.

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Divorce consommé entre socialistes et verts

Une belle performance qui leur permet de couver des ambitions plus importantes qu'il y a cinq ans. Mais les discussions avec les socialistes, avec qui ils étaient alliés tout au long du mandat qui s'achève, ont fait long feu. Les négociations tenues dans un hôtel bordelais dans la nuit du 20 au 21 juin se sont conclues par un divorce assaisonné de communiqués salés de part et d'autre. "Exigences et ton employé incompatibles avec une possibilité de négociation", "otage de personne", "climat de défiance", "obstination", "fermeture et brutalité", "marchands de tapis" : les amis d'hier semblent irréconciliables, chacun accusant l'autre de n'avoir pas voulu aborder les questions de fonds pour se limiter à marchander un nombre de vice-présidences et de places éligibles. Fort de leur progression, les écologistes demandaient 32 places éligibles et six vice-présidences que les socialistes, rassérénés par leur nette avance au 1er tour, n'ont pas souhaité leur céder.

Dans le même temps, Clémence Guetté (LFI/NPA), qui avec 5,67 % a réuni 85.000 bulletins, soit 15.000 de moins que le Front de gauche en 2015, a regretté le choix de Nicolas Thierry "de s'adresser à Alain Rousset, l'amenant à être finalement éconduit", et pointe "le sectarisme" des Verts à qui elle assure avoir "à de nombreuses reprises tendu la main". Pour le second tour, la candidate insoumise ne donne qu'une seule recommandation : "pas une voix ne doit aller vers le Rassemblement national."

Prime au sortant et prime majoritaire

Loin du scénario d'union qui prévaut en Ile-de-France, la gauche partira donc divisée en Nouvelle-Aquitaine, comme c'est le cas en Bretagne et en Occitanie, et affronteront trois autres listes. Une configuration de quinquangulaire qui pourrait compliquer les plans d'Alain Rousset. La faible mobilisation du premier tour a fait office de prime aux sortants dans la quasi-totalité des régions françaises et il est d'usage de considérer que le second tour conforte la dynamique du premier, particulièrement pour le candidat arrivé en tête, si bien que le président sortant peut afficher sereinement sa confiance. Mais pour disposer de la majorité absolue au sein du futur conseil régional, il devra non seulement arriver en tête mais aussi dépasser la barre fatidique des 33,6 %. La liste arrivant en tête récupère en effet une prime majoritaire d'un quart des sièges - soit 46 des 183 conseillers régionaux - et pour atteindre la majorité absolue de 92 sièges, le président sortant devra impérativement réunir au moins 46 autres sièges, ce qui correspond à 33,6 % de suffrages exprimés. Pas forcément évident avec quatre concurrents.

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Avec l'ampleur de l'inconnue liée à l'abstention et aux éventuels reports de voix, le suspense reste donc entier et si les socialistes n'obtiennent pas la majorité absolue, la future assemblée régionale sera contrainte de fonctionner avec des coalitions. Ce scénario ravirait les écologistes qui entendent constituer un groupe charnière, c'est-à-dire indispensable pour voter les décisions à la majorité absolue. "Fort de son avance sur le RN, Alain Rousset souhaite porter son programme seul sans s'embêter avec des alliés écologistes au sein de sa majorité. C'est une faute politique qui amènera au statu quo climatique. Mais nous serons désormais en dehors de la majorité dans un groupe distinct et cela nous donnera en réalité plus de poids pour peser sur les décisions et imposer un virage écologique. On va lui demander encore plus de comptes", fait-on valoir dans l'entourage de Nicolas Thierry.

"Mobiliser massivement les électeurs"

Mais les trois autres listes en lice au centre, à droite et à l'extrême droite auront aussi leur mot à dire et comptent bien tirer leur épingle du jeu pour disposer chacune d'un groupe d'élus et participer au potentiel futur jeu de négociations à géométrie variable dans la future assemblée. "Avec si peu de participations et autant d'incertitudes, c'est une nouvelle élection qui commence, notre seul sujet c'est de mobiliser massivement les abstentionnistes et d'aller au-delà de notre score du 1er tour pour être le plus haut possible dimanche soir et être le premier groupe d'opposition", commente l'équipe de Geneviève Darrieussecq, tout en soulignant que "le Modem aime bien disposer d'un groupe capable de faire bouger les majorités", en référence à sa position d'allié de LREM à l'Assemblée nationale.

Au sein de l'équipe de campagne d'Alain Rousset, le sujet de la future gouvernance du conseil régional a bien sûr été identifié mais il n'est pas question de le commenter à l'approche du second tour : "Notre objectif c'est de mieux mobiliser, de convaincre encore davantage de notre bilan et de notre programme pour qu'il y ait moins d'abstention de manière générale. On a été placé largement en tête et on veut confirmer et amplifier ce résultat. Il peut y avoir de la mobilité des électorats mais l'amplification est le scénario le plus probable. Nous avons dix points d'avance sur le RN et il faut mettre encore plus de distance entre eux et nous. C'est une motivation forte !", explique un proche du président sortant, appelant, comme tous les autres candidats, tous les électeurs à aller voter dimanche 27 juin.

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