Régionales : peut-on financer la LGV Bordeaux-Toulouse et les trains du quotidien ?

La partie du débat politique organisé avant les Régionales par La Tribune consacrée aux mobilités et à l’aménagement du territoire a beaucoup porté sur le sujet conflictuel du déploiement ou non de la ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse. Cette dernière pourrait-elle être financée alors qu’il va falloir en même temps rénover le réseau des TER (train express régional), relancer des petites voies ferrées à l’arrêt, mais aussi s'occuper d'un réseau routier en souffrance ? Beaucoup de candidats ont répondu par l'affirmative. Le débat a également traité des écarts de développement entre les départements maritimes et ceux de l’intérieur.
Geneviève Darrieussecq, Alain Rousset, Nicolas Thierry, Nicolas Florian, Clémence Guetté, Edwige Diaz.
Geneviève Darrieussecq, Alain Rousset, Nicolas Thierry, Nicolas Florian, Clémence Guetté, Edwige Diaz. (Crédits : Agence Appa)

Tandis que les écologistes (EELV-Génération.s) et la gauche radicale (LFI-NPA) s'opposent à la création de la ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse, tous les autres partis, de l'extrême droite (RN) à la gauche traditionnelle (PS-PCF-PRG), en passant par le parti présidentiel (LREM) et la coalition du centre et de la droite (LR-NC) y sont favorables. Un sujet ferroviaire qui est beaucoup plus lourd qu'il n'y paraît au premier abord. Ce deuxième volet consacré aux interventions au cours du débat politique organisé par La Tribune ce jeudi 3 juin est également composé d'une synthèse des interventions des candidats, dont l'ordre de prise de parole avait été préalablement tiré au sort.

LA PAROLE AUX SIX CANDIDATS

Nicolas Thierry (EELV-Génération.s) dont le parti milite contre l'extension de la ligne à grande vitesse entre Bordeaux-Toulouse préfère investir dans la rénovation de la ligne actuelle et dans les déplacements du quotidien. Il condamne l'impact écologique de la création d'une nouvelle voie ferrée.

"La proposition politique que je porte pour la Région c'est de concentrer notre effort sur les déplacements du quotidien plutôt que vouloir relier les grandes métropoles entre elles. Je suis pour un investissement public entre Toulouse et Bordeaux mais pas avec la solution qui est proposée, c'est-à-dire la création d'une nouvelle voie. Parce qu'il y a une différence de budget. Une nouvelle voie c'est 8 milliards d'euros au bas mot, la rénovation de la voie c'est entre 2 et 3,5 milliards d'euros.

Et je pense que ces 5 ou 6 milliards d'euros de différentiel seraient plus utiles, notamment pour les trains du quotidien. Je précise aussi que la création d'une nouvelle voie c'est 2.500 à 3.000 hectares d'espaces naturels ou agricoles qui seraient bétonnés ou qui disparaîtraient. Et ce à un moment où l'on vise la souveraineté alimentaire. Nous rénovorons la ligne actuelle Bordeaux-Toulouse, tout en faisant attention aux deniers publics, et l'on investira aussi en rénovation des voies".

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Edwige Diaz (RN), elle est favorable à la réalisation d'une nouvelle ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, mais aussi au développement du réseau TER et au lancement d'un grand plan pour les routes.

"Oui la LGV on y va. Moi je n'oppose pas les trajets du quotidien avec les TER et les grandes infrastructures qui contribuent à notre rayonnement régional. Je pense que nous avons la possibilité d'investir sur les deux tableaux, c'est une question de volonté politique. Moi j'assume ce choix. Par ailleurs je ne suis pas là pour imposer aux Néo-Aquitains leur mode de transport. Il y en a qui préféreront le ferroviaire mais il y en a aussi qui préfèreront la route, parce qu'ils n'auront pas d'autre choix.

C'est la raison pour laquelle je propose un grand plan de rénovation et de sécurisation des routes. De manière par exemple à désengorger la métropole bordelaise : ce qui passera par le Grand contournement de Bordeaux. Mais j'entends aussi le Limousin, qui dit qu'il veut se rapprocher de Poitiers. Donc oui aussi à la mise à deux fois deux voies de la route Limoges-Poitiers".

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Geneviève Darrieussecq (LREM), favorable à la création de la LGV Bordeaux-Toulouse comme à la rénovation des dessertes fines : voies ferrées à trafic réduit qui pénètrent dans le tissu rural, elle propose d'aménager certaines petites lignes avec des standards différents de ceux de la SNCF.

"La LGV bien sûr c'est une infrastructure que j'ai toujours soutenue et que je vois comme un progrès, pas du tout comme quelque chose de destructeur. Y compris dans déplacements du quotidien si l'on veut bien réfléchir aux TER à grande vitesse. C'est aussi un moyen potentiel de désengorger Bordeaux. Et c'est aussi un moyen de pouvoir enfin mettre quelques camions sur des trains, ce que nous n'arrivons pas à faire. Il faut également rénover les dessertes fines et les autres voies.

L'objectif c'est de mailler le territoire et de relier les villes moyennes entre elles par le meilleur moyen, que ce soit une voie ferrée ou une route. Je crois qu'il y aurait une diminution des coûts importante en ne rénovant pas les petites lignes aux standards SNCF, et en mettant des matériels roulants différents. Et je pense qu'avec ces économies nous pourrions effectivement faire les deux : les trains du quotidien et la LGV".

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Nicolas Florian (LR-NC) favorable à un rapprochement avec l'Occitanie, il défend la réalisation de la LGV vers Toulouse, mais rappelle fort à propos que cette dernière est structurellement liée à l'arrivée du TGV à Dax et ensuite Hendaye : écueil illustré de façon très claire par l'échec du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO).

"Quand on parle de la LGV ce n'est pas que pour Toulouse, même si c'est essentiel. Il faut que l'on regarde vers l'Occitanie. Nous nous sommes raccroché au nord, à Paris, et c'était important de le faire. Il faut aujourd'hui que nous regardions au sud : vers la Péninsule ibérique, et que l'on se raccroche à Toulouse. J'en profite pour remercier les élus de cette région et le maire de Toulouse, c'est grâce à eux qu'on a pu obtenir péniblement du Premier ministre, monsieur Castex, de dire oui on va y aller.

Alors il oublie de parler de Dax. Il faut rajouter Dax. Moi j'ai en mémoire le rapport Duron, il n'est pas très vieux, il est de février 2018. Il prévoyait la partie pour aller au-delà de Dax à partir de 2036, ce n'est pas possible ! Si on s'engage vers Bordeaux-Toulouse en LGV, il faut aussi qu'on raccroche la partie sud, pour aller après vers l'Espagne".

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Alain Rousset (PS-PCF-PRG) président régional sortant, explique que financer la ligne à grande vitesse en même temps que les lignes du quotidien n'est pas vraiment un problème, étant donné le peu d'efforts que fait l'Etat dans ce domaine.

"Je crois que j'ai été un peu seul à un moment donné pour la réalisation du tronçon de LGV Tours-Bordeaux, qui était la plus grande ligne ferroviaire qui ait été faite en France. C'est un succès populaire, je le rappelle. L'Etat français est l'un de ceux qui intervient le moins dans sa compétence ferroviaire. Sur les lignes ferroviaires ici on est à 35 %, en Angleterre, qui pourtant est un pays libéral, ils sont à 50 % et en Allemagne à plus de 60 % !

Donc le problème du financement est accessible. J'ai signé cette convention de 1,6 milliard d'euros sur les petites lignes, avec des tas d'études et des travaux qui sont en cours... Nous sommes en train de travailler sur la liaison Limoges-Angoulême. Sur les routes il y a aujourd'hui un problème d'enclavement : c'est Limoges. Il faut démarrer au plus vite la RN 147 à deux fois deux voies au nord de la ville. La Région a d'ailleurs proposé de faire l'avance à l'Etat".

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Clémence Guetté (LFI-NPA) : opposée à la création de la LGV Bordeaux-Toulouse, elle défend le principe de l'instauration de la gratuité des transports en commun dans toute la Nouvelle-Aquitaine, en commençant par les publics prioritaires.

"Non la LGV nous n'y allons pas. Je crois que là, dans le débat public c'est intéressant, parce qu'il y a un clivage clair : la droite est unie sur cette question de la LGV. Je crois au contraire qu'il faut que l'on récupère suffisamment de marge de manœuvre financière pour financer les trains du quotidien. Ce projet de ligne à grande vitesse n'est pas populaire. Par ailleurs les maires qui voient potentiellement leurs villages coupés en deux par cette ligne ne sont pas ravis non plus. Nous proposons une alternative.

C'est la LGV ou la gratuité des transports publics et locaux pour tous les Néo-Aquitains. Car ce n'est plus possible que la mobilité contrainte en voiture soit un frein aux déplacements, que cette situation entraine des renoncements à se soigner ou à accéder aux services publics. D'où notre demande de gratuité totale, en commençant par les publics prioritaires. La SNCF doit à nouveau investir dans les voies ferrées qui existaient auparavant".

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  • Leurs propositions pour l'aménagement du territoire

Concernant l'aménagement du territoire les candidats ont tous réagi au différentiel de croissance économique et démographique qui cisaille la région Nouvelle-Aquitaine en deux. Avec les territoires les plus à l'ouest toujours en croissance, qu'il s'agisse de départements maritimes, comme la Charente-Maritime, la Gironde, les Landes et Pyrénées-Atlantiques, ou encore les Deux-Sèvres, département le plus au nord mais peu éloigné de la côte vendéenne.

Clémence Guetté a souligné qu'à l'échelle régionale la forte concentration de richesses en Gironde n'était pas un problème en soi, mais qu'il fallait agir. Y compris dans des zones littorales, comme l'ile d'Oléron où des familles très appauvries en sont réduites à vivre dans des cabanes. Alan Rousset, de son côté, a expliqué que pour qu'un territoire puisse vivre il fallait y amener des entreprises et que pour y arriver il fallait les aider à investir. Geneviève Darrieussecq a estimé que l'aménagement du territoire recouvre une myriade de sujets et regretté que l'aménagement numérique néo-aquitain soit encore insuffisant. Nicolas Florian s'est félicité du travail fait à la mairie de Bordeaux sur l'attractivité quand il en était le maire, dans le sillage de l'équipe d'Alain Juppé, à laquelle il a appartenu. Nicolas Thierry a observé que désormais huit salariés sur dix ne veulent plus travailler comme auparavant et qu'ils sont à la recherche de solutions hybrides, conjuguant présentiel et télétravail. Edwige Diaz a expliqué qu'elle militait pour le désenclavement des territoires ruraux, ce qu'elle appelle "démétropolisation" pour en finir avec une région à deux vitesses, avec de meilleurs moyens de transport et un retour des services publics en zone rurale.

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