Régionales : la Nouvelle-Aquitaine, entre résilience économique et fracture territoriale

ZOOM MACRO. Grâce à un tissu économique très varié dans ses douze départements, la Nouvelle-Aquitaine limite l'impact de la crise qui frappe pourtant les trois secteurs clef de l'aéronautique, du tourisme et du vin. Au total, son activité et son marché de l'emploi font preuve d'une résilience bien réelle même si le littoral continue de concentrer le dynamisme économique régional.
Face à la crise, la Nouvelle-Aquitaine oscille entre résilience et défis territoriaux tant le contraste est important entre son littoral, ici La Rochelle, et les départements ruraux plus à l'Est.
Face à la crise, la Nouvelle-Aquitaine oscille entre résilience et défis territoriaux tant le contraste est important entre son littoral, ici La Rochelle, et les départements ruraux plus à l'Est. (Crédits : PC / La Tribune)

"La Nouvelle-Aquitaine est numéro un dans peu de secteurs mais on est très souvent numéro deux ou trois. C'est souvent méconnu mais c'est une vraie force pour le territoire, particulièrement en période de crise", observe le consultant Thibaut Richebois, qui a été directeur général adjoint en charge de l'économie et de l'emploi pendant six ans au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Au-delà de ses marqueurs historiques que sont l'hôtellerie-restauration et le tourisme (140.000 emplois), l'industrie métallurgique (104.000 emplois dont 45.000 pour l'aéronautique et le spatial) et la viticulture (54.000 emplois), ce territoire né de la fusion de l'Aquitaine, du Poitou-Charentes et du Limousin offre en effet une réelle diversité économique. Industrie et manufacture, chimie, agriculture et agroalimentaire, bois, numérique, nautisme, spatial, santé et biotechnologie, matériaux avancés, assurances : la grande région ne manque pas d'atouts avec ses 332.000 entreprises.

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Même au sein de la filière aéronautique, l'équilibre entre les activités civiles et les applications militaires, a permis de relativement mieux encaisser le choc de la crise qu'en Occitanie voisine, notamment en limitant les destructions des emplois au sein de la chaîne stratégique des sous-traitants. Néanmoins, si le segment militaire résiste bien, il ne parvient pas à compenser la baisse d'activité sur le civil.

Un marché de l'emploi résilient

De manière plus structurelle, avec un produit intérieur brut (PIB) de 177 milliards d'euros en 2018, selon l'Insee, la Nouvelle‑Aquitaine est la 3e région française la plus créatrice de richesse. La région contribue à hauteur de 7 % au PIB national, ce qui est inférieur au poids relatif de sa population et de ses emplois (9 %). Avec 29.950 €/hab., la grande région se situe ainsi au 5e rang en termes de PIB par habitant en 2018, soit peu ou prou la moyenne nationale hors Ile-de-France (30.350 €/hab). Sa structure de création de valeur est dominée aux trois quarts par les services marchands et non marchands mais laisse 25 % pour l'industrie, la construction et l'agriculture.

Le taux de chômage y est depuis plusieurs années inférieur à la moyenne nationale : au 4e trimestre 2020, il s'établissait ainsi à 7,2 % en Nouvelle-Aquitaine contre 8 % en France entière, selon l'Insee. Et les derniers indicateurs du marché de l'emploi sont plutôt encourageants en Nouvelle-Aquitaine par rapport au reste du pays. Alors qu'il y a eu moins de licenciements économiques enregistrés en 2020 qu'en 2019, l'Urssaf a recensé au total une perte nette de 12.200 emplois en 2020 dans la région. Si ce chiffre peut paraître important, et il l'est, la région n'affiche cependant qu'un repli de -0,8 % de ses effectifs salariés sur un an, soit une résistance significative en comparaison de la France entière (-1,7 %). Et Alain Rousset, le président du conseil régional, peut se targuer d'avoir accueilli en Nouvelle-Aquitaine près d'un tiers des créations nettes d'emplois industriels en 2019 tandis que le nombre d'emplois tous secteurs confondus y progressait de +1,9 %, contre +1,4 % France entière.

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Et pour les mois qui viennent, Pôle emploi fait état, dans son enquête annuelle sur les besoins de main d'œuvre, d'une baisse de -3,4 % des intentions d'embauche dans la région, soit cinq points de mieux que la tendance nationale de -8,4 %. Surtout, ces 297.000 intentions d'embauche prévues en 2021 en Nouvelle-Aquitaine, c'est 15 % de plus qu'en 2019, signe de l'optimisme et de la vitalité du tissu économique régional. La tendance est similaire pour l'emploi des cadres. Le dernier bilan de l'Apec montre ainsi que la Nouvelle-Aquitaine affiche un repli annuel des recrutements de cadre en 2020 contenu à -15 % contre -29 % en Occitanie et -19 % en France métropolitaine. Et les intentions pour 2021, sont en baisse de -9 % par rapport à 2019 contre -12 % en moyenne nationale.

Une région qui reste coupée en deux

Malgré ces résultats encourageants, la diversité des douze départements néo-aquitains qui représente une vraie force cache aussi de fortes disparités territoriales. La grande région reste ainsi schématiquement coupée en deux. A l'Ouest, une façade littorale, à laquelle on peut ajouter les Deux-Sèvres, qui affiche un dynamisme insolent de La Rochelle à la frontière espagnole en passant par la métropole bordelaise - qui concentre un quart de l'activité économique régionale - et la cote landaise et basque. Le marché de l'emploi et la démographie y sont dynamiques et les prix de l'immobilier élevés quand ils n'y sont pas prohibitifs. A titre d'exemple, la Gironde concentre, à elle seule, 27 % de la population régionale, 27 % des établissements, 33 % des emplois privés et 38 % des créations d'entreprises. Ce département concentre aussi 40 % des emplois de cadres et cette part grimpe à 71 % si on y ajoute les Pyrénées-Atlantiques, les Landes, la Charente-Maritime et les Deux-Sèvres.

Chiffres emploi Nouvelle-Aquitaine

L'évolution de l'emploi total par départements de 2002 à 2018 illustre bien les deux dynamiques territoriales bien différentes entre l'est et l'ouest de la Nouvelle-Aquitaine (crédits : Dreets Nouvelle-Aquitaine, juillet 2020). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Les sept départements qui constituent l'autre moitié de la grande région (Lot-et-Garonne, Charente, Dordogne, Vienne, Haute-Vienne, Creuse et Corrèze) sont nettement plus ruraux et, pour beaucoup, dépourvus de l'attrait d'une métropole de premier plan, si ce n'est l'agglomération de Limoges et ses 200.000 habitants. Le taux de chômage y est plus élevé, l'économie moins diversifiée et la population plus âgée qu'à l'ouest de la région. De 5 à 7 % à Bordeaux, Bayonne et La Rochelle, le taux de logements vacants était ainsi estimé en 2015 par l'Insee à 15 % à Pau et Tulle et à plus de 12 % à Marmande, Guéret, Bergerac, Châtellerault, Périgueux, Villeneuve-sur-Lot, Brive-la-Gaillarde et Agen. La moyenne nationale étant de 8 %. Dans six de ces sept départements, le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne régionale de 13,6 % et dans cinq d'entre eux il y est même supérieur ou égal à la moyenne nationale de 15,1 %. L'impact de la crise sanitaire et sociale y est donc aussi mécaniquement plus important.

Un enjeu politique

"La création de la Nouvelle-Aquitaine a redistribué les cartes avec une région très grande, diverse et éparse dans laquelle la ruralité et l'agriculture ont pris un poids plus important", soulignait en 2018 Claude Lacour, professeur émerite en sciences économiques à l'université de Bordeaux et spécialiste des dynamiques régionales. "Il y a un éclatement territorial plus marqué avec une concentration de forces favorables à Bordeaux ; des territoires comme le Pays basque, Poitiers et Angoulême qui s'en sortent bien et un sentiment de relégation aggravé pour les autres."

Et si, sous l'impulsion d'Alain Juppé, la métropole bordelaise a affiché ces dernières années ses ambitions de davantage coopérer avec Angoulême (2016), Libourne (2017), Marmande et Saintes (2018), Mont-de-Marsan et Limoges (2019) puis le Médoc (2020), l'impact reste faible sur le terrain. Cette fracture territoriale sera donc l'un des enjeux politiques de cette campagne électorale. Les décideurs économiques, du Medef au réseau des Chambres de commerce et d'industrie, sont désormais les premiers à appeler de leurs vœux un développement plus équilibré au sein de la grande région. Et les candidats aux élections régionales des 20 et 27 juin sillonnent sans relâche les douze départements pour démontrer leur attachement à ces problématiques d'aménagement du territoire : l'implantation et l'accompagnement d'entreprises en zones rurales, le soutien à la rénovation des villes moyennes et le renforcement du réseau de TER figurent ainsi en bonne position dans les programmes des uns et des autres.

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