Installée à Angoulême, ez-Wheel, petite entreprise très innovante dans le secteur industriel, qui emploie une vingtaine de salariés, vient d'ouvrir son capital au groupe japonais Idec Corporation, à Osaka. L'innovation développée par la société angoumoisine fera facilement rêver les profanes. Mais même si elle décoiffe aussi les pros, cette roue magique développée par ez-Wheel, capable de se déplacer toute seule, d'accélérer et de freiner, d'éviter les obstacles... était attendue en particulier dans le secteur de la logistique industrielle.
« Nous intervenons dans le secteur de l'assistance à la manutention manuelle depuis que nous avons créé l'entreprise il y a quinze ans. Marché qui se situe entre le monde des petits chariots manuels et celui de la manutention lourde. Nous nous intéressons à ce secteur intermédiaire où les opérateurs sont obligés chaque jour de manipuler un grand nombre de chariots à la main ou de faire de la manutention lourde. C'est ainsi que nous nous sommes lancés depuis des années dans la motorisation des robots mobiles. C'est un marché de masse qui concerne les entrepôts, la logistique industrielle, les usines... », rembobine pour La Tribune Antoine Juan, cofondateur et président d'ez-Wheel.
Une mutation foudroyante dans la longue évolution des roues
Les robots filoguidés circulant dans les ateliers de production en suivant des bandes magnétiques, qui forment une mini-voie spécifique visible sur le sol, existent depuis des années, en particulier dans l'industrie automobile. C'est un peu de ce substrat technique qu'est partie ez-Wheel pour lancer sa révolution.
« Notre gamme est unique au monde parce que nous avons réussi à intégrer dans les roues toutes les fonctions nécessaires. Nos roues sont intelligentes, elles disposent de la fonction traction pour se déplacer d'elles-mêmes, et là nous venons de les équiper de deux gros pavés techniques : avec le contrôle de vitesse et la capacité d'éviter tout risque de collision par la détection des obstacles. C'est une première mondiale ! Nous sommes aujourd'hui en train de rajouter une surcouche logicielle de guidage afin de rendre nos roues capables de lire une carte, de faire de la navigation », détaille Antoine Juan.
Encore plus fort : cette roue connectée à un serveur central, qui n'a besoin de presque personne, peut se fixer à peu près où l'on veut...
« Elle peut se monter sur tout ce qui roule, n'importe quel type de châssis. Et ça, ce n'est pas plus compliqué que de monter des roulettes ! », s'amuse le dirigeant de l'entreprise.
Une fois montée, comme la roue jaune au centre, qui a sa jumelle de l'autre côté, le chariot peut se déplacer tout seul (crédits : ez-Wheel).
Un groupe japonais très implanté en France
Autant de caractéristiques qui font que cette roue sur-vitaminée a commencé à rencontrer le succès en Europe même si ez-Wheel, qui a bénéficié de l'aide financière des pouvoirs publics, fonctionnait jusqu'ici largement comme une unité de recherche et développement, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 500.000 euros. Mais les cofondateurs d'ez-Wheel voient plus grand pour leur invention. D'où leur rapprochement avec Idec Corporation.
« Idec a pris 80 % du capital de notre société et avec mon associé Florian Garde, avec qui j'ai créé l'entreprise, nous conservons 20 % des actions. Idec prend la majorité des parts dans l'entreprise parce que nous l'avons décidé. Nous avons étudié de nombreuses autres propositions avant d'accepter ce marché. Mais tous les autres candidats européens avaient dans leurs gammes des produits qui auraient pu entrer en compétition avec les nôtres ou poser des problèmes », étaye Antoine Juan, qui a minutieusement épluché les catalogues produits des divers industriels intéressés.
Et puis pour lui Idec Corporation n'est pas un groupe industriel venu de la planète Mars et appelé à y retourner...
La roue d'ez-Wheel a réussi son examen au Japon
Dirigé par Toshiyuki Funaki, Idec Corporation a réalisé un chiffre d'affaires de 83,8 milliards de yens (près de 600 millions d'euros) lors de son dernier exercice et emploie un peu plus de 3.100 salariés dans le monde.
« Ce groupe a beau être japonais, cela fait deux ans que nous travaillons avec lui. Il est très bien implanté chez nous et le siège de MMI, sa holding de tête en France, se trouve à Montauban ! Sur ses 600 millions d'euros de chiffre d'affaires consolidé, le groupe Idec en réalise 150 millions en France, soit 25 % ! Nous les avons choisi pour commencer à vendre nos roues au Japon, où la robotique industrielle est très avancée, avec beaucoup de concurrence. Et il se trouve que nos roues s'y vendent très bien, ce qui est notre ticket pour le marché mondial », explique Antoine Juan.
Ingénieurs chez Saft à Angoulême, lui (Angevin) et son associé (Toulousain) se sont posés la question de savoir où ils allaient créer leur entreprise quand ils ont décidé de se mettre à leur compte.
« Nous avons finalement décidé de rester ici parce nous travaillons déjà avec le groupe Leroy Somer, passé sous le contrôle du groupe japonais Nidec, et puis il y a autour d'Angoulême des plasturgistes, des fondeurs, des spécialistes de la mécanique de précision, de l'électronique.... Bref de tout ce dont nous avons besoin ! », se réjouit Antoine Juan.
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