Les centrales nucléaires du Sud-Ouest peu vulnérables à la sécheresse selon l'ASN

L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) révèle à travers son bilan de l'année 2022 que les trois centrales du Sud-Ouest n'ont pas été impactées par les sécheresses. Les infrastructures de stockage des rejets de Civaux pourraient même inspirer les sites des autres régions. Mais le gendarme du nucléaire pointe les irrégularités récurrentes de fonctionnement du côté de Golfech et dans une moindre mesure du Blayais.
Maxime Giraudeau
La centrale Civaux dans la Vienne est particulièrement bien armée pour affronter les sécheresses selon l'ASN.
La centrale Civaux dans la Vienne est particulièrement bien armée pour affronter les sécheresses selon l'ASN. (Crédits : ASN/Sipa/J.M. Nossant)

Blayais, Civaux et Golfech. Pour les trois centrales nucléaires du Sud-Ouest et leurs huit réacteurs, c'est une année toute particulière qui s'est écoulée. L'activité des sites a tout d'abord été perturbée par les visites décennales réglementaires survenues sur certains réacteurs et les contraignant à l'arrêt. Résultat : la production d'électricité a diminué sur les trois installations. La centrale de Civaux dans la Vienne n'a même pas produit un kilowatt puisque ses réacteurs, qui subissaient une maintenance pour cause de corrosion sous contrainte depuis 2021, n'ont été redémarrés qu'à partir de janvier 2023. Ensuite, les épisodes de canicule et de sécheresse ont imposé un nouveau cadre réglementaire qui restreint les possibilités de production électrique pour les sites nucléaires.

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Un ralentissement qui n'a pas empêché l'Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN) d'effectuer ses traditionnelles inspections. La division territoriale Sud-Ouest, qui contrôle les trois sites mentionnés ci-dessus, a mené 75 visites en 2022 et a recensé huit événements significatifs de niveau 1 (le plus bas niveau de gravité), soit quatre de moins que l'année précédente. Les inspecteurs ont eu un œil particulier sur l'activité des centrales durant les sécheresses puisque la production est désormais réglementée en ces périodes. En-dessous d'un certain niveau de débit du fleuve entre le 15 juillet et le 11 septembre, l'ASN impose à EDF une régulation des rejets d'effluents. Une mesure qui permet de limiter le réchauffement des cours d'eau et l'impact sur la faune et la flore. Mais qui contraint les centrales à stocker une partie des rejets non-radioactifs. Ou du moins quand elles disposent de capacités de stockage suffisantes.

Stocker les rejets en période de sécheresse

Sur les deux centrales en fonctionnement en 2022 dans le Sud-Ouest, l'ASN révèle que seule celle de Golfech a sollicité une demande de rejets en période de sécheresse pour une durée de six jours afin de maintenir sa production d'électricité. Une dérogation validée puisque le pays anticipait alors une situation de tension énergétique pour l'hiver. L'étude d'impact menée sur le site a montré que le réchauffement de la Garonne, qui s'écoule devant la centrale, s'est élevé à +0,3 degré. Mais cette situation dérogatoire ne doit pas devenir la règle prévient l'ASN, qui compte sur EDF pour questionner le dimensionnement des cuves de stockage de ses sites nucléaires. Alors que les capacités de Golfech doivent être revues à la hausse, l'autorité prend l'exemple de Civaux, dernière centrale mise en service en France, qui avait pu en 2011 stocker durant plusieurs mois ses rejets, face à un déficit persistant du débit de la Vienne. L'infrastructure dispose en plus de circuits de refroidissement particuliers, implémentés dès sa construction, qui permettent d'atteindre la température de rejet réglementaire.

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« Pour les centrales situées en bord de fleuve, on peut s'adapter en agrandissant la taille des réservoirs », pointe Paul de Guibert, adjoint au chef de division Sud-Ouest de l'ASN. « C'est un choix de l'exploitant qui se fait par une étude au cas par cas, on ne peut pas généraliser. Chaque site a des capacités et des conditions propres de refroidissement », complète Bertrand Fremaux, chef du pôle réacteurs à eau pressurisée.

Les quatre réacteurs de la centrale du Blayais, eux, ne sont pas concernés par les contraintes de sécheresse puisque la disponibilité et la température de l'eau de l'estuaire de la Gironde n'est pas impactée de façon significative. Néanmoins, il a été demandé au Blayais comme à tous les autres sites français, d'anticiper les difficultés liées aux rejets thermiques pour l'été 2023. Dans un contexte de réchauffement climatique et d'amplification des phénomènes extrêmes, l'ASN questionne la possibilité d'une durée de vie des centrales étendue à 60 ans. « Ce n'est qu'une hypothèse et elle nécessite d'actualiser les connaissances scientifiques des impacts sur le milieu naturel », indiquent les représentants. D'autant qu'avant d'étudier leur prolongement, les centrales du Sud-Ouest devront convaincre le gendarme du nucléaire quant à la conformité de leur fonctionnement.

Golfech inquiète, Civaux en tête

En effet en 2022, il y a eu trois situations différentes pour trois sites. Et l'ASN attribue, comme en 2021, le statut de mauvais élève à Golfech, sur le plan environnemental en raison de déversements liquides non-radioactifs sur le site et sur le plan de la sûreté à cause de défauts de respect des procédures, un phénomène récurrent depuis 2019. L'Autorité salue des efforts engagés mais « qui ne se traduisent pas encore par des résultats ». Le réacteur 1 a achevé en 2022 sa troisième visité décennale et un plan d'amélioration de la gestion du site est toujours mis en œuvre.

Le fonctionnement de la centrale du Blayais est quant à lui conforme aux observations nationales, aussi bien en matière de sûreté, de radioprotection que de protection de l'environnement. Mais si la maîtrise des activités de maintenance, nombreuses en raison des visites décennales et du grand carénage, est saluée, la sûreté du site est jugée en léger retrait en raison d'un manque de préparation. La centrale dirigée par Charlotte Maes, l'une des deux seules directrices en France, a progressé sur la radioprotection malgré des non-respects ponctuels des procédures de la part des personnels, observe l'ASN. L'Autorité pointe aussi une situation dégradée de la nappe d'eau captive en raison d'une fuite de tritium identifiée en 2015 qu'EDF doit toujours résorber. La contamination ne se propagera pas aux autres nappes selon l'ASN.

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Et c'est donc la centrale de Civaux et ses deux réacteurs qui s'affirment comme le bon élève de la région. Un statut plus facile à obtenir sachant que l'ASN n'a pas évalué les conditions du sûreté nucléaire du site en raison de l'arrêt de l'activité en 2022. L'Autorité souligne les dispositifs de radioprotection particulièrement bien appliqués, davantage que la moyenne nationale, malgré certains comportements inadaptés et isolés. La centrale doit encore accueillir un bassin de confinement ultime pour ses effluents non-radioactifs afin d'améliorer son impact sur l'environnement.

Une production nucléaire en recul

Outre l'arrêt des réacteurs de Civaux, les deux autres centrales du Sud-Ouest ont moins produit d'électricité en 2022 : 22,2 TWh pour le Blayais et 12 pour Golfech. Un ralentissement qui s'est traduit par une baisse globale de la production électrique de 30 % au niveau national l'an passé selon RTE. En Nouvelle-Aquitaine, un tiers de l'électricité a été produite par des énergies renouvelables, un niveau jamais vu.

Maxime Giraudeau

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