Deux tiers des artisans s'estiment en fragilité économique en Nouvelle-Aquitaine

Plusieurs centaines de taxis ont manifesté leur exaspération lundi 29 janvier sur la rocade bordelaise. Une mobilisation qui illustre une conjoncture compliquée pour l'ensemble des artisans et commerçants. Deux tiers d'entre-eux se considèrent ainsi en situation de fragilité économique, selon la Chambre de métiers et de l'artisanat de Nouvelle-Aquitaine. Une conjoncture difficile à laquelle s'ajoute la réforme problématique du guichet unique. Le désarroi des artisans vient s'ajouter à la colère du monde agricole.
La baisse du pouvoir d'achat de leurs clients est le premier motif d'inquiétude exprimé par les artisans et commerçants néo-aquitains.
La baisse du pouvoir d'achat de leurs clients est le premier motif d'inquiétude exprimé par les artisans et commerçants néo-aquitains. (Crédits : P.R)

« Ça fait longtemps que les taxis font du transport de malades partagés. Aujourd'hui, ça deviendrait une obligation, on a des CPAM [Caisses primaires d'assurance maladie] qui imposent et ne discutent plus. C'est pour ça que les taxis sont en colère ! », fait valoir Gérard Gomez, président de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Nouvelle-Aquitaine. Également artisan taxi au Pays basque, il ne cache pas son agacement face à la réforme du transport sanitaire qui les contraindra à convoyer plusieurs patients au lieu d'un seul, lors des trajets vers les hôpitaux par exemple. Un mouvement qui reflète aussi la situation difficile de l'ensemble des artisans et commerçants. 63 % des artisans se disent ainsi en fragilité financière, c'est près de 80 % pour les entreprises de l'alimentaire, selon une enquête de conjoncture réalisée ces derniers mois par la chambre consulaire (*).

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Les effets de l'inflation

Les différents secteurs - alimentaire, production, services, bâtiment - considèrent que leur principale difficulté réside dans la baisse du pouvoir d'achat de leurs clients, devant le coût des matières premières et le coût des déplacements. Le défi identifié majoritairement par les acteurs pour les prochains mois concerne le développement commercial et la relation client, justement pour essayer de relancer une dynamique positive.

Autre chiffre qui interpelle, 70 % des entreprises de l'artisanat ne connaissent pas les dispositifs d'aides contre la crise énergétique. Néanmoins, les dirigeants font bloc, seulement 11 % envisagent une réduction de leurs effectifs, un chiffre stable par rapport à la dernière étude. Et en ces temps particulièrement rudes pour les artisans, une nouvelle méthode de création d'entreprise a fait son apparition depuis un an. Censé simplifier les choses, c'est en fait tout l'inverse selon la CMA.

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Lorsque la simplification complexifie

Il y a un an, le guichet unique de formalité des entreprises a remplacé le répertoire des métiers tenu par la CMA. Toute la partie inscription d'entreprises se fait désormais en ligne. Mais la plateforme numérique ne permet pas d'identifier clairement les professionnels de l'artisanat comme c'était le cas avec le répertoire. Résultat : les chiffres sont faussés. L'Insee relève aujourd'hui 174.000 entreprises artisanales en Nouvelle-Aquitaine contre 194.000 l'année précédente. Pourtant près de 15.000 créations ont été enregistrées en 2023. Que s'est-il passé pour les entreprises manquantes ? « Elles sont passés dans le répertoire unique, c'est celles qu'on a du mal à raccrocher à notre activité parce qu'elles ne sont pas toutes identifiées en tant qu'entreprise artisanale. C'est impossible qu'il y ait eu une chute de 10.000 ! Donc il y a clairement un problème. En réalité, on a très probablement dépassé les 200.000 entreprises dans la région. » explique Gaël Kohn, responsable de l'intelligence économique.

Un rapport de la Cour des Comptes de décembre 2023 porte également un jugement accablant sur cette réforme du guichet électronique : « Les conséquences d'une réforme insuffisamment préparée et mal conduite pourraient donc se faire encore sentir pendant plusieurs années sans avoir apporté aux entreprises la simplification attendue. »

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Agriculteurs : « On ne peut qu'entendre cette colère et la soutenir »

Interrogé sur l'importante mobilisation des agriculteurs, Gérard Gomez a souhaité réagir à titre personnel : « C'est un mouvement que je comprends. Et qui va peut-être permettre à nos artisans bouchers par exemple de pouvoir continuer d'exister. [...] On ne peut qu'entendre cette colère et la soutenir. » Gérard Gomez évoque une éventuelle propagation du mouvement à l'échelle de l'artisanat et réclame des actions du gouvernement. « Il y a certaines catégories d'artisans qui sont en grande difficulté et qui peuvent dans cette détresse, se retrouver à essayer de crier leur colère. ». Il poursuit : « La ministre de l'Artisanat devait s'atteler à une simplification de la vie des artisans, des entrepreneurs. Maintenant j'attends des preuves ! On nous dit tout le temps qu'on nous aime, il faut qu'on nous donne des preuves d'amour de temps en temps. »

(*) Enquête menée sur les bases d'un questionnaire ouvert de novembre 2023 à janvier 2024. 729 réponses ont été choisi aléatoirement parmi les réponses complètes pour former un échantillon représentatif.

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