Nouvelle-Aquitaine : en ce début de 2023, l'optimisme des artisans ne tient qu'à un fil

Le grand secteur de l'artisanat, encore orienté à la hausse et en mal de recrutements en janvier 2022, a fini lui aussi par être touché par l'impact de la crise inflationniste. Si l'optimisme n'a pas encore déserté l'avenir des artisans, il s'est amenuisé. Moteur le plus puissant de la filière, le bâtiment reste bien orienté quand celui de l'alimentaire est en perte de vitesse. Pour la première fois, des chefs d'entreprises artisanales estiment être dans une situation critique.
La Chambre de métiers et de l'artisanat de Nouvelle-Aquitaine a directement contacté près de 2.400 boulangers pour les aider à passer le cap de la crise énergétique.
La Chambre de métiers et de l'artisanat de Nouvelle-Aquitaine a directement contacté près de 2.400 boulangers pour les aider à passer le cap de la crise énergétique. (Crédits : DR)

C'est à l'occasion des vœux pour l'année 2023, ce mardi matin au siège bordelais de la chambre consulaire, que Gérard Gomez, président de la Chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) de Nouvelle-Aquitaine, a présenté le bilan annuel de ce secteur d'activité, qui compte 198.386 artisans patrons de leur entreprise. Pour tirer sa photo de groupe 2022, la CMA de Nouvelle-Aquitaine a réalisé une enquête par messagerie électronique du 28 novembre au 8 décembre dernier, au cours de laquelle 86.745 dirigeants de l'artisanat régional ont été contactés et qui a généré un peu moins de 3.000 réponses.

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Premier constat : les artisans conservent, malgré la crise qui ne les épargne pas, un niveau de confiance statistiquement positif sur l'avenir de leur entreprise. Sans la moindre trace d'euphorie tout de même, puisque ils ne sont globalement que 50,6 % à se dire confiants (46,9 %) ou très confiants (3,7 %) dans l'avenir de leur entreprise...

En tête la hausse du coût des matières premières

C'est dans le secteur de l'alimentation que le moral est au plus bas, avec seulement 40,9 % d'artisans confiants (38,7 %) ou très confiants (2,2 %). Et dans celui du bâtiment qu'il est le plus élevé, avec 58,4 % d'artisans confiants (51,4 %) ou très confiants (3,4 %) dans l'avenir de leur entreprise. Les deux autres secteurs d'activité constituant l'artisanat : les services et la production, enregistrent respectivement 50,3 % et 47,7 % d'artisans confiants et très confiants. Par chance les dirigeants des plus jeunes sociétés (moins de trois ans) sont aussi les plus optimistes puisqu'ils sont 58,6 % à se dire confiants (53,2%) ou très confiants (5,4 %) pour l'avenir de leur entreprise artisanale.

Les deux premiers problèmes rencontrés par les artisans néo-aquitains dans leur ensemble sont la montée du coût des matières premières, pour 66,2 % des sondés, et celle du prix des déplacements (essence, gazole) pour 61,3 % d'entre-eux. La baisse du pouvoir d'achat arrive en troisième place, à 47,7 %, devant la hausse des coûts de l'énergie (gaz, électricité), à 40,1 %, et les problèmes d'approvisionnement, en cinquième place à 24,9 %.

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 Près de 70 % d'entreprises en situation financière fragile

« Les deux secteurs de l'alimentation et du bâtiment retiennent toute notre attention. Parce que dans l'alimentaire 90,4 % des problèmes vient de la flambée du coût des matières premières et, en deuxième position, des difficultés provoquées par la hausse des coûts de l'énergie (gaz, électricité). La baisse du pouvoir d'achat occupe pour le moment la troisième position dans l'alimentaire, soit 50 % des problèmes », a ainsi déroulé en substance Gérard Gomez.

Le bâtiment est de son côté principalement touché par deux phénomènes à l'impact presque équivalent : tout d'abord la hausse du coût des matières premières (79,9 %) et celle des déplacements (76,4 %) alimentée par la flambée de l'essence et du gazole, devant la baisse du pouvoir d'achat (44,5 %). L'autre grande question posée dans le cadre de ce sondage a porté sur la fragilité financière des entreprises artisanales de Nouvelle-Aquitaine. Et dans ce domaine encore, la photographie de la situation est sans équivoque : 66,6 % des artisans dirigeants trouve que leur entreprise est en situation de fragilité financière.

Cette fragilité financière atteint un pic pour 77,4 % des sondés dans l'alimentaire, secteur le plus nettement sous pression devant celui de la production (70,8 %), des services (66 %) et du bâtiment (62,6 %). Pour la première fois, ce sondage identifie par ailleurs 38,2 % de dirigeants ayant répondu qui estiment se trouver dans une situation critique, c'est-à-dire dans une position financière si mauvaise qu'elle engage la survie de leur entreprise artisanale. Une ligne déclarative qui n'existait pas l'an dernier mais qui témoigne, malgré son côté subjectif, de situations face auxquelles les artisans n'ont plus de réponse à apporter.

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Points de repères régionaux de l'artisanat

À fin 2022, la Chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) de Nouvelle-Aquitaine comptabilisait 193.312 entreprises artisanales employant 184.696 salariés. Ces entreprises artisanales comptabilisent 198.386 dirigeants. Ces derniers appartiennent d'abord au bâtiment (36,7 %), qui s'impose ainsi comme le plus important des quatre secteurs de l'artisanat, devant celui des services (32 %), de la production (14,9 %) et de l'alimentation (11,1 %). L'âge moyen de l'artisan néo-aquitain, qui est un homme dans 71 % des cas, est de 45,7 ans. Si le nombre de création de nouvelles entreprises artisanales a été légèrement moins élevé en 2022, avec un total de 24.791, qu'en 2021 (25.033), il est supérieur de 13,3 % à celui de 2019 (21.813). Avec la normalisation de la vie économique post-confinement le nombre de radiations est également remonté à 8.273, soit une hausse de +12,3 % par rapport à 2019.

Conserver voire développer le niveau des effectifs

Il n'est reste pas moins que globalement 88 % des dirigeants de l'artisanat régional qui ont répondu au sondage annonce vouloir maintenir et développer le niveau de leurs effectifs dans les six prochains mois.

« Je rappelle que l'an dernier à la même époque, l'embauche de nouveaux salariés était au cœur des discussions. La préoccupation majeure des artisans c'était l'emploi mais on ne trouvait personne à embaucher. Aujourd'hui, tout ça c'est fini mais malgré les difficultés les artisans veulent préserver leurs effectifs. Sommes-nous en face d'un paradoxe ? Je ne le crois pas. En formulant ce genre d'observation les artisans montrent qu'ils veulent se maintenir à flot. Licencier un collaborateur c'est perdre du savoir-faire et risquer d'entrer dans le cercle vicieux du recul de la production et du chiffre d'affaires », éclaire Gérard Gomez, qui rappelle que nous sommes dans une séquence économique où s'accumulent les crises.

En particulier à cause de l'inflation et d'une flambée des prix qui n'épargne ni les produits alimentaires ni la production industrielle ou encore les pressings, avec la hausse des prix de l'énergie.

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Faire remonter les cas qui n'entrent pas dans les cases

Face à cette situation potentiellement critique, le réseau des CMA se mobilise en Nouvelle-Aquitaine pour aider les artisans à trouver les aides gouvernementales dont ils ont besoin.

« Beaucoup d'entreprises artisanales ont droit à des aides mais n'y pensent pas forcément. Nous sommes dans l'après fêtes, avec les galettes qui viennent d'être commercialisées, et pour beaucoup les premières factures vont tomber début février, si ce n'est pas déjà fait. Notre réseau est mobilisé pour bien informer les artisans sur les aides, le bon dispositif.

D'autant que la plupart des entreprises artisanales que nous voyons peuvent entrer dans des dispositifs de boucliers tarifaires. Globalement les aides répondent à une très grande partie des cas. En tant que chambre consulaire nous essayons de faire entrer les entreprises dans toutes les cases. Et les services de l'Etat attendent de nous que nous fassions remonter les dossiers qui n'entrent pas dans des cases » recadre ainsi le président de la CMA de Nouvelle-Aquitaine.

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60 % des 4.000 boulangers de la région contactés

Stratégie qui ne pourrait pas se déployer sans les actions de terrain lancées auprès de ses ressortissants par la CMA dans les territoires.

« Nous avons envoyé des mailings, pris de la publicité pour dire aux chefs d'entreprises d'entrer en contact avec notre réseau consulaire. Et nous avons lancé une campagne de phoning, qui nous a par exemple  permis d'entrer en contact avec 60 % des près de 4.000 boulangers existants en Nouvelle-Aquitaine. Avec pour objectif de faire baisser la fièvre dans la filière en permettant aux artisans de renégocier leurs contrats de fourniture énergétique » illustre Gérard Gomez.

Ce dernier se montre très modérément optimiste pour l'année qui débute, même si le pire n'est jamais sûr.

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