Comment les entreprises vivent-elles le télétravail en Nouvelle-Aquitaine ?

Alors que le gouvernement annonce ce jeudi un assouplissement des règles, le télétravail s'est à nouveau invité dans le quotidien des entreprises depuis le 1er novembre dernier. Mais pas forcément avec la même force qu'au printemps 2020 tant les salariés comme les managers plaident pour un modèle hybride tandis que l'inspection du travail veille au grain sans oublier de contrôler également l'activité partielle.
(Crédits : DR)

Selon l'Apec, la moitié des cadres télétravaillaient de façon régulière en septembre 2020 et un tiers comptaient une majorité de télétravailleurs au sein de leur équipe, toujours en septembre 2020. Dès les premiers jours du reconfinement, début novembre 2020, de nombreux salariés ont recommencé à travailler entièrement depuis chez eux. "Le télétravail est la règle !", martelait alors le gouvernement prenant dès le 3 novembre une instruction pour demander à l'inspection du travail de veiller au respect de cette règle. Ce jeudi, le gouvernement desserre néanmoins la bride en indiquant que les salariés en télétravail pourront revenir une journée par semaine sur la base du volontariat, même si, dans les faits, le télétravail est aujourd'hui rarement appliqué à 100 % au profit d'une organisation hybride avec deux ou trois jours de présentiel par semaine.

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Si les contrôles spécifiques au télétravail ont été limités en Nouvelle-Aquitaine à une vingtaine d'entreprises de plus de 1.000 salariés, l'application des mesures de travail à distance a également été scrutée lors des contrôles de routine, au nombre de plusieurs centaines depuis début novembre 2020 dans des entreprises de toutes tailles.

Des situations extrêmement diverses

"Nous avons constaté sur le terrain des situation extrêmement diversifiées, sans rapport avec la taille ni le secteur d'activité. Il y a des grandes entreprises qui jouent le jeu, d'autres non ; des entreprises de services qui sont au rendez-vous du télétravail, d'autres pas du tout. Quand le télétravail n'est pas mis en place, il n'y a pas vraiment d'explications, si ce n'est une forme d'hostilité de principe", synthétise Pierre Fabre, inspecteur du travail à la Direccte de Nouvelle-Aquitaine (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi).

Pour le fonctionnaire, "la difficulté du téléravail c'est qu'il ne se décrète pas si facilement, particulièrement dans les entreprises qui n'ont engagé aucune réflexion sur les postes éligibles ni sur les modalités d'organisation. Si bien qu'on a des entreprises parfois très semblables mais où, dans l'une, la question du télétravail n'est pas posée tandis que, dans l'autre, elle fait partie du dialogue social et a été parfaitement anticipée !"

Le 100 % télétravail rarement appliqué

Mais globalement, la Direccte de Nouvelle-Aquitaine estime que les entreprises ont joué le jeu. Néanmoins, si une proportion équivalente de salariés a eu recours au télétravail au 1er et au 2e reconfinement, c'était beaucoup plus rarement à 100 % lors du second confinement qui a été moins bien accepté. C'est ce que font ressortir les témoignages recueillis par la Tribune, notamment parce que salariés et managers sont nombreux à confier vouloir eux-mêmes revenir au bureau au moins quelques jours par semaine. Dans les services, l'ingénierie, le BTP ou l'immobilier, plusieurs raisons sont invoquées de manière persistante : lassitude du travail à domicile, sentiment de solitude, logement inadapté au télétravail entraînant des mal de dos, envie de renouer un lien social avec les collègues, besoin de sortir de chez soi, nécessité de tenir des réunions autrement qu'en visioconférence ou par téléphone, responsabilités hiérarchiques qui justifieraient d'être au bureau, etc.

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A l'opposé, d'autres salariés, supportent mal, par exemple, de s'être vus assigner des jours de présence obligatoire au bureau, voire même des réunions de tout l'effectif en présentiel au 1er jour du reconfinement ! "On nous a demandé début novembre de justifier nous même pourquoi on ne pouvait pas télétravailler afin que l'entreprise dispose de justificatifs et puisse se couvrir en cas de contrôle et on nous a ensuite imposé un planning à mi-temps en télétravail pour des tâches pourtant parfaitement réalisables en télétravail. Résultat, les gens se sentent piégés par leur employeur et peu appliquent le 100 % qui était pourtant la règle à l'époque", raconte ainsi ce salarié d'un groupe d'ingénierie girondin.

Et les situations sont parfois singulièrement contrastées : quand certaines PME appliquent strictement le 100 % télétravail et imposent des mesures sanitaires, y compris avec prises de température, d'autres tiennent à tous prix à maintenir des déplacements et des rendez-vous en présentiel.

L'importance du dialogue social

Mais globalement, un modus operandi semblent se mettre en place dans de nombreuses entreprises, petites et grandes, autour de deux jours de présence et trois jours de télétravail, ou l'inverse. Entre temps, un accord national interprofessionnel sur le télétravail été conclu le 23 novembre. Il impose des obligations en termes de prise en charge des frais ou de mise en place du télétravail en situation de crise, mais se limite à des incitations sur le handicap, la prise en compte des alternants et nouveaux salariés ou encore les aidants familiaux, l'égalité femmes-hommes.

Mais tout ou presque reste encore à faire dans les entreprises, comme le souligne, Pierre Fabre, à la Direccte Nouvelle-Aquitaine :

"Cet accord et le sujet du télétravail renvoie les entreprises à leur propre capacité de négociation. Il laisse une marge de progression pour améliorer le volume et le contenu des accords d'entreprises et le télétravail constitue une vraie opportunité de bâtir un dialogue social plus consistant : comment faire, qui est concerné pour quel durée, qui doit être formé, etc. C'est une occasion à saisir pour lancer débattre de sujets de fonds !"

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Une vision partagée par cette DRH d'une grosse PME girondine qui assure néanmoins avoir les plus grandes difficultés à convaincre à la fois ses dirigeants et ses managers de la pertinence du télétravail, sans compter les demandes des salariés pour revenir au bureau. "La question cruciale du télétravail c'est la confinance entre le manager et le collaborateur et il faut donc former le manager aux méthodes de management à distance. Et le télétravail à 80 % ou 100 % est souvent mal vécu. Il faut trouver un équilibre qui peut alors être un réel atout, notamment pour recruter des profils très recherchés", considère cette DRH, qui poursuit : "Malgré les consignes, il y a eu des managers qui ont imposé des présences au bureau et des salariés qui n'ont pas voulu travailler." Selon l'Apec, 70 % des cadres managers expriment en effet des besoins de formation au travail à distance.

"La clef du travail à distance ce sont les managers qui doivent apprendre à faire confiance. Tous les managers doivent être capables de gérer des gens à distance : que ce soit des clients, des fournisseurs ou des salariés. Mais, une fois qu'on a dit ça, il faut rappeler que le télétravail ce n'est pas tout noir ou tout blanc et que tout le monde n'est pas fait pour le télétravail. Cela dépend de beaucoup de facteurs personnels et professionnels et il n'y a pas d'approches monolithiques", abonde Elie Sloïm, le fondateur et dirigeant d'Opquast.

>> Retrouvez le dossier de la rédaction : Télétravail, la nouvelle donne

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Quel bilan pour le chômage partiel ?

Selon la Direccte de Nouvelle-Aquitaine, entre le 25 mai et le 15 décembre 2020, 18.400 contrôles ont été effectués pour vérifier l'application du dispositif de chômage partiel et 4.200 contrôles sot toujours en cours. Cela a donné lieu à 513 corrections favorables aux entreprises et à 1.126 corrections défavorables. La Direccte relève également 315 suspicions d'escroquerie et d'usurpation d'identité et cinq procédures pénales sont en cours. Au total, 1,5 milliard d'euros ont été versés à 121.000 établissements de la région Nouvelle-Aquitaine depuis le mois de mars 2020. Le secteur des cafés hôtels restaurants figurent évidemment parmi les plus gros bénéficiaires.

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