Les accélérateurs de startups, entre hype et réel besoin

[Dossier spécial French Tech Bordeaux] Chargés de booster des startups prometteuses, les accélérateurs se multiplient, si bien que certains évoquent déjà la naissance d'une mini-bulle. Ces structures privées répondent en tout cas à un besoin et ont chacune leurs spécificités et des modèles économiques très différents. A Bordeaux, Digit-Halles et 33Entrepreneurs existent déjà, Héméra est en voie de finalisation. Y a-t-il de la place pour tous ?
Le modèle des accélérateurs vient souvent des Etats-unis ou d'Israël, deux pays qui ont faire leurs preuves dans l'accompagnement des startups

Sélectionner des startups, leur faire suivre des sessions intensives en compagnie d'experts, et les "relâcher" ensuite, lancées à pleine vitesse en direction de leur marché... Voilà comment résumer, de manière lapidaire, le rôle des accélérateurs. Un peu partout en France, les initiatives privées de ce type se multiplient. De quoi en faire la nouvelle hype, voir une mi-bulle comme l'évoquent certains à demi-mots ? Ce n'est pas si simple.

"Leur émergence répond effectivement à un effet de mode, de communication, mais aussi à une réalité économique, analyse Thomas Baudin, directeur délégué de French Tech Bordeaux. Le modèle de l'accélérateur a fait ses preuves aux Etats-Unis ou en Israël auprès de nombreuses startups. Ce type de structures est en train de devenir, en France, une véritable étape à part entière dans la vie des jeunes pousses qui ont de l'ambition."

Le fait que ces structures soient généralement portées par des entrepreneurs semble plaire au plus grand nombre.

"La phase amont, celle de la création de l'entreprise, de l'incubation, restera sans doute essentiellement du ressort de la puissance publique, poursuit Thomas Baudin. Mais pour la suite, le travail de recherche de clients et de financements, le secteur privé me semble le mieux à même de remplir cette mission."

A côté de ces accélérateurs portés par des entrepreneurs coexistent d'autres structures portées par des grands groupes. A titre d'exemple, le Crédit agricole a lancé à Paris le Village by CA, qui devrait être dupliqué à Bordeaux et d'autres métropoles en 2016 pour former un réseau.

>> Lire le portrait de l'accélérateur 33Entrepreneurs

>> Lire le portrait de l'accélérateur Héméra

"Il existe indéniablement un appel d'air, ça va très vite, et il y aura fatalement des gagnants et des perdants, ce qui est tout à fait naturel. Le seul moyen de juger de la pertinence du projet, ce sera la réussite des startups accompagnées », assure Julien Parrou.

Le PDG fondateur du groupe bordelais ConcoursMania, spécialiste des jeux marketing en ligne, porte avec d'autres entrepreneurs le projet d'accélérateur Héméra. Le dirigeant qui observe et constate que parmi les accélérateurs, on trouve de tout :

"Des structures bien pensées, mais aussi des projets biberonnés par des fonds publics ou privés sans logique économique fiable derrière. Si l'on veut former des startups au développement économique, il faut d'abord s'appliquer ces principes à soi-même. C'est d'ailleurs notre obsession à Héméra, depuis le début nous sommes dans une logique de rentabilité, sans quoi ce n'est pas viable."

>> Lire : French Tech Bordeaux, le bilan

"L'accélérateur est un modèle qui est économiquement compliqué à mettre en place et qui nécessite qu'il soit mixte, avec des revenus annexes tirés de la location d'espaces, de facturation de services, de prestations pour le compte de grands groupes, d'événementiel...", estime pour sa part Thomas Baudin.

Il suffit de regarder les stratégies respectives de 33Entrepreneurs, d'Héméra et de Digit-Halles pour se convaincre de l'hétérogénéité des dispositifs.

Une enveloppe de 200 M€

Dans le cadre du Programme d'Investissements d'Avenir, l'État (via la Caisse des Dépôts, opérateur de l'Action French Tech) peut co-investir en fonds propres ou quasi-fonds propres dans des accélérateurs via une enveloppe totale de 200 M€ sur 5 ans, le Fonds French Tech Accélération, géré par Bpifrance. Le ticket d'entrée est d'environ 1M€ et pourra dépasser les 10 M€. Au rythme estimatif de 4 à 6 investissements par an, le nombre de projets financés sur les 4 prochaines années devrait atteindre une vingtaine au total. L'appel à manifestation d'intérêts a été publié par Bpifrance, et le Fonds a réalisé son premier investissement en avril dernier lors de la levée de fonds d'Axeleo.

Au-delà du modèle économique, un autre enjeu de taille pour les accélérateurs sera la capacité à lever des fonds, privés mais aussi publics, pour se financer et éventuellement investir dans les startups accompagnées. Sur ce point, tous les avis se rejoignent : il faudra taper fort.

"En matière d'investissement, l'Etat ne doit pas être timide s'il veut faire émerger des champions, martèle Vincent Prêtet, fondateur de 33Entrepreneurs. Les USA apportent un soutien public colossal dans les startups. En Israël idem. Dès que de l'argent public est investi, l'Etat prend des tickets d'investissement. L'Armée joue aussi un rôle considérable en poussant à chercher de nouvelles technologies. Ce sont deux pays où la porosité est très forte entre l'administration, les entrepreneurs, les capitaux risqueurs. Les compétences tournent, il suffit de voir qu'Obama recrute pour son staff chez Facebook par exemple."

Directeur général d'AT Internet, Mathieu Llorens appelle lui aussi "à éviter le saupoudrage. La compétition est rude et on voit bien que dès que ça décolle, les montants deviennent stratosphériques."

La sélection sera drastique

Face à l'émergence des accélérateurs, les incubateurs pourraient aussi se remettre en question et évoluer.

"Les barrières sont souvent floues, note Thomas Baudin. Le constat partagé est qu'aujourd'hui, quand un projet même viable sort de l'incubateur, il n'est souvent pas prêt à intégrer un accélérateur. Les gens qui travaillent dans les incubateurs sont très bons mais il y a entre les deux types de structures un petit fossé qu'il faudra combler."

"Je ne vois pas l'émergence des accélérateurs comme une remise en cause des incubateurs, ajoute Philippe Bourdier, délégué innovation de Bpifrance Aquitaine. Ils vont offrir des opportunités différentes à des projets parfois moins technos, alors que la technologie est souvent un des points d'entrée en incubateur."

Reste qu'il n'y aura pas de place pour toutes les jeunes pousses.

"Le nombre de demandes d'entrée en incubateur est en très forte hausse, appuie Thomas Baudin. Et comme les ressources sont au mieux stables, nous irons vers une sélection plus drastique des projets."

Ce qui est tout aussi vrai pour les accélérateurs selon Philippe Bourdier :

"Ils devront nécessairement être des outils très sélectifs, liant appui financier, accueil d'entreprises et mentorat. Ce dernier point est essentiel. Il faut un véritable mentorat avec des intervenants de haut niveau, qui ont prouvé sur de longues périodes, et qui s'investissent auprès des startups au-delà d'une fois par trimestre."

Le portrait-robot de l'accélérateur est ainsi dessiné.

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