En Gironde, Michelin présente son démonstrateur pour biosourcer le pneu

REPORTAGE. Après plus de dix ans de recherches, Michelin a dévoilé ce 19 janvier à Bassens, en Gironde, son démonstrateur pour produire du butadiène biosourcé. Un hydrocarbure qui est le composant principal des pneumatiques et dont la production à partir d'éthanol sera industrialisée à horizon 2030.
Issu de son programme de recherche Biobutterfly, le démonstrateur industriel de Michelin est entré en service en 2023 à Bassens.
Issu de son programme de recherche Biobutterfly, le démonstrateur industriel de Michelin est entré en service en 2023 à Bassens. (Crédits : MG / La Tribune)

Michelin, c'est Clermont-Ferrand. Mais pas que. À quelques kilomètres en aval de Bordeaux, entre Garonne et Dordogne, le fabricant de pneumatiques emploie plus de 450 salariés pour produire du caoutchouc sur un site de 60 hectares. Et Michelin, ce sont des millions de pneus faits chaque année de matières pétrosourcées. Bientôt, l'on pourra aussi dire « mais pas que ».

L'industriel français a présenté ce 19 janvier à Bassens son démonstrateur à ciel ouvert capable de produire du butadiène biosourcé. Cet hydrocarbure est l'ingrédient principal dans la fabrication d'un pneumatique et il est obtenu aujourd'hui à partir de pétrole. Un procédé que Michelin veut changer en remplaçant la matière fossile par du bioéthanol.

« En 2050, 100 % de nos matières seront d'origine renouvelable ou recyclé. Aujourd'hui, l'industrie du pneumatique est plutôt autour de 30 %, donc une vraie révolution est devant nous, présente Eric-Philippe Vinesse, directeur recherche et développement de la marque. Avec ce démonstrateur, nous ne sommes plus seulement à l'échelle du laboratoire mais désormais à celle du pilote industriel. »

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« Maison minimaliste »

L'objet en question se découvre tel un petit palais de tuyauteries anarchiques. Sur quinze mètres de hauteur, l'hydrocarbure circule sous haute pression. La structure, fruit du programme de recherche à 80 millions d'euros Biobutterfly engagé en 2012, est alimentée par du bioéthanol issu du sucre de betterave. Après des processus chimiques de réaction, séparation et purification, au cœur d'un dispositif à 150 degrés (contre 800 degrés pour le procédé conventionnel) alimenté par des chaudières à gaz, le démonstrateur offre un butadiène vert. Un composant qui entre à hauteur de 14 % dans la composition d'un pneumatique.

michelin bassens

Le démonstrateur tourne en continu grâce à une vingtaine de personnes qui officient en relais. (crédits MG / La Tribune).

Une façon de décarboner le procédé pour Michelin, puisque la production par tonne de butadiène biosourcé émet 1,6 tonne de CO2 en moins que pour le butadiène classique. Ce labyrinthe vertical mis en service en 2023 a déjà délivré une tonne de produit alors que les premiers caoutchoucs à base de butadiène biosourcé doivent être fabriqués le mois prochain.

Le pilote de Bassens ne constitue qu'une première marche. « On a fait une maison minimaliste pour faire en sorte que si le process fonctionne à cette échelle, il puisse fonctionner à grande échelle », indique Ludovic Raynal, chef du projet pour l'IFP Energies Nouvelles, co-porteur du programme avec Michelin et Axens.

Une future filière lucrative

D'ici 2030, celui qui se dispute le titre de premier fabricant mondial avec Bridgestone veut produire la matière biosourcée à cadence industrielle. Soit 100.000 tonnes par an contre une capacité annuelle de 20 tonnes pour le démonstrateur. L'usine de Bassens, qui dispose de foncier disponible, est l'une des trois usines de Michelin dans le monde qui fabrique du caoutchouc et fait donc figure de candidate sérieuse. Le président de région Alain Rousset n'a pas manqué de le rappeler aux dirigeants de Michelin présents pour la visite, sous l'œil du préfet de Nouvelle-Aquitaine, directeur régional de l'Ademe et maire de Bassens notamment.

L'implantation sera déterminée par la proximité d'approvisionnement avec les producteurs de bioéthanol. « Ce sera le critère le plus important  », indique le directeur de l'usine girondine Guillaume Bouquant. Une filière régionale émerge d'ailleurs entre le bassin de Lacq et les Landes avec le traitement de la cellulose du pin.

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Au-delà, Michelin ne compte pas garder l'exclusivité technique de l'innovation. « On ne le voit pas forcément comme un avantage compétitif. On veut se réserver une partie des volumes produits mais notre intérêt c'est que l'ensemble de la profession bascule vers l'industrie durable », renseigne Christophe Moriceau, directeur de la recherche avancée de Michelin. Et surtout de faire de la production une activité lucrative.

Le mirage du pneu vert

L'IFP Energies Nouvelles est titulaire des brevets et c'est l'entreprise de la pétrochimie Axens qui sera chargée de commercialiser la propriété intellectuelle. Si les coûts de production du butadiène biosourcé ne promettent pas d'être inférieurs à ceux du conventionnel, les industries y voient un intérêt évident de décarbonation. Et en le produisant, Michelin pourra diversifier ses débouchés au-delà du transport.

« Le butadiène biosourcé offre des opportunités dans le pneumatique mais pas seulement : dans le secteur automobile, la construction, le textile, les industries utilisent le butadiène et ce sera pour elles l'occasion d'avoir accès à un composant biosourcé », lance Eric Vinesse, le directeur R&D.

Côté pneu, le fabricant travaille sur d'autres composants biosourcés, comme l'écorce de riz. Mais pour atteindre son objectif de 100 % de composants renouvelables ou recyclés en 2050, il mise surtout sur le second levier. Réutiliser le styrène pétrosourcé ou le noir de carbone par exemple. Autrement dit, la friction des gommes sur les routes rejetteront toujours des particules polluantes en masse. Pas de quoi résoudre une situation déjà intenable pour l'environnement puisque 28 % des microparticules plastiques rejetées dans l'océan sont issues des pneumatiques selon l'Ademe.

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Commentaires 4
à écrit le 20/01/2024 à 7:41
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Il faut imposer à tous les producteurs de pneus de chercher des méthodes pour les réemployer, quitte à nous faire des chaussures s'il le faut !

le 20/01/2024 à 11:52
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Cela existe déjà , voir les activités d'Aliapur qui collecte et recycle les pneus usagers .

le 20/01/2024 à 12:25
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Et le principe libéral du pollueur payeur ? C'est quand même ceux qui produisent qui normalement connaissent le mieux leurs produits.

à écrit le 19/01/2024 à 19:04
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"rejetteront toujours des particules polluantes en masse" gomme pétrolière ou bio, fabriquées avec des plantes, ça sera pareil. Sauf si les particules sont biodégradables, mais pas trop rapidement si on veut rouler avec nos pneus. 28%, donc si on re...

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