Electronique : « Le neuf n'est plus obligatoire, le reconditionné peut même être cool » (EcoMicro)

INTERVIEW. C'est le fil rouge du stand de la Région Nouvelle-Aquitaine tout au long du salon Viva Technology. Prenant le contre-pied de l'ébriété technologique ambiante et des dernières innovations plus ou moins utiles venues du monde entier, EcoMicro répare simplement des smartphones. Cette PME familiale reconditionne des équipements électroniques depuis 1996 et va contribuer à ouvrir à Bordeaux un diplôme dédié à ces métiers. Trois questions à Julien Maranon, le dirigeant de cette entreprise qui valorise 900 tonnes de déchets électroniques par an.
Mathieu Hazouard, le conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine en charge du numérique, et Julien Maranon, le dirigeant d'Ecomicro, sur le stand de la Région le 15 juin au salon Viva Technology, à Paris.
Mathieu Hazouard, le conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine en charge du numérique, et Julien Maranon, le dirigeant d'Ecomicro, sur le stand de la Région le 15 juin au salon Viva Technology, à Paris. (Crédits : PC / La Tribune)

LA TRIBUNE - Quel est le cœur de métier d'Ecomicro ?

Julien MARANON - C'est une structure de l'économie sociale et solidaire, une PME familiale qui emploie 30 personnes, dont un tiers en état de handicap psychique et mental. Notre métier c'est la collecte, le reconditionnement et le recyclage des D3E, les déchets d'équipements électriques et électroniques, que l'on récupère auprès des entreprises et collectivités de Nouvelle-Aquitaine et au-delà. On récupère leurs flottes d'ordinateurs, de smartphones et autres pour reconditionner et revendre ceux qui fonctionnent ou déconstruire et valoriser ceux qui ne peuvent pas être reconditionnés. Notre objectif c'est de réduire au maximum l'impact environnemental de ces équipements électroniques en travaillant en local. On priorise les professionnels pour l'approvisionnement en équipements électroniques mais notre site e-commerce est également ouvert aux particuliers.

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Quelles sont les perspectives de ce marché ?

Nous comptons plus d'un millier de clients et on devrait réaliser autour d'un million d'euros de chiffre d'affaires en 2023 sur un marché qui est encore peu connu mais déjà très concurrentiel. Il y a notamment beaucoup d'acteurs étrangers et de grandes plateformes bien connues. Nous on se positionne comme une vraie entreprise avec de vrais humains dedans qui travaillent à Saint-Loubès, près de Bordeaux, et qui partagent un vrai souci environnemental et d'accessibilité au numérique. Nos smartphones sont reconditionnés en France et seulement 5 à 10 % de nos pièces détachées sont commandées neuves à l'étranger. On essaie au maximum de s'auto-approvisionner en pièces détachées issues des appareils déconstruits. Pour faire face à la hausse de l'activité, on lancera en octobre prochain, avec l'IUT de Bordeaux, la Région Nouvelle-Aquitaine et les clusters du numérique, la première promotion d'un diplôme 3R (réparer, reconditionner, recycler) sur les métiers du reconditionné et des métiers du numérique responsable.

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Avez-vous le sentiment de nager à contre-courant alors que plus d'un milliard de nouveaux smartphones sont achetés chaque année dans le monde, sans même compter l'océan de gadgets connectés présentés encore cette année à Viva Technology ?

Je ne sais pas si on prend le contrepied de la technologie actuelle mais on est convaincu que l'innovation technologique ne doit pas être contraire à une action responsable et une prise de conscience de l'environnement et des utilisateurs. Chez EcoMicro, on apporte une coloration verte très concrète, très palpable. Nous valorisons 900 tonnes de déchets par an, soit environ 70.000 ordinateurs et smartphones. C'est presque rien, c'est une goutte d'eau, mais c'est déjà ça ! On a clairement nagé à contre-courant pendant 25 ans. Mais, aujourd'hui, on sent que le flux change et qu'on a une écoute bien plus attentive des acheteurs qui cherchent du reconditionné. On a collectivement pris conscience que dans le numérique et l'électronique aussi le neuf n'est plus une obligation, que le reconditionné peut être utile et même cool !

Il y a aujourd'hui une effervescence incroyable sur ce marché du reconditionné même si la dimension écologique n'est pas forcément au cœur des motivations de tous les acteurs, notamment quand le reconditionnement se fait à l'étranger, parfois à l'autre bout du monde. Nous militons pour que le reconditionné ce soit de l'économie circulaire et des emplois locaux. Cela passera par la certification de reconditionneurs français qui créent des emplois un peu partout en France.

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La Nouvelle-Aquitaine s'empare du sujet

« La présence d'EcoMicro sur le stand de la Région symbolise notre volonté de soutenir la filière recyclage, reconditionnement et réparation des équipements numériques avec d'autres acteurs tels que les Ateliers du Bocage ou Emmaüs Connect », justifie Mathieu Hazouard, le conseiller régional délégué au numérique. « C'est autant une question de création d'emplois que d'empreinte carbone et de pouvoir d'achat. » Outre la création d'un pôle de compétitivité dédié au numérique responsable, la Région travaille sur un appel à projets dédié aux acteurs du reconditionnement pour « traiter le gisement inépuisable de produits électroniques ».

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