Flambée des prix : les boulangers sont dans le pétrin

Grosses consommatrices d'énergie, les boulangeries subissent de plein fouet la hausse du prix de l'énergie et l'envolée du coût de toutes leurs matières premières. Au point que certaines sont déjà en redressement judiciaire, comme à Limoges, en Haut-Vienne.
Gérant de trois boulangeries à Limoges et en Haute-Vienne, Matthieu Guilliano s'est placé en redressement judiciaire.
Gérant de trois boulangeries à Limoges et en Haute-Vienne, Matthieu Guilliano s'est placé en redressement judiciaire. (Crédits : CM / LT)

Avec deux boulangeries à Limoges, dont l'une ouverte depuis 2010, et une à Solignac, 10 km plus au Sud, Matthieu Guilliano se demande où s'arrêteront ces prix astronomiques des matières premières et de l'électricité. Récompensé dernièrement par le label "Artisan gourmand", il a déjà été impacté par la crise sanitaire avec une perte importante de chiffre d'affaires. "Depuis juillet, je me suis placé en redressement judiciaire", signale-t-il. "De 19 salariés, je n'en ai plus que 14 suite à des démissions non remplacées." Fragilisé, il a dû mal à encaisser ces augmentations successives.

"C'est plus de 1.000 euros en un mois sur ma facture d'électricité, le prix du beurre a été presque multiplié par quatre, c'est +30 % pour la farine, le sucre, le sel... Tout a augmenté !", énumère-t-il. "Et le gasoil aussi, je livre beaucoup de restaurants donc il faut deux pleins par semaine. La fin d'année va être terrible..."

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Pour maintenir un peu ses marges, il a été contraint d'augmenter la baguette traditionnelle de 10 centimes soit 1,10 € et la classique de 5 centimes, soit un euro. "On ne peut pas augmenter indéfiniment, les gens vont aller dans les grandes surfaces", craint-il. "Ils ont changé leur façon de consommer, on vend moins de pâtisseries en semaine." Il a pris note de la dernière mesure annoncée pour 2023, un amortisseur électricité, ignorant s'il sera éligible. "J'attends le retour de mon comptable car ça reste flou, j'espère."

L'artisan cherche encore des leviers pour alléger sa facture électrique :

"Toutes les mesures ont été mises en place. Je ne peux pas me séparer de personnels, j'ai besoin de tout le monde. Pourquoi ne pas ouvrir que trois heures le dimanche après-midi ?", s'interroge-t-il. A l'approche des fêtes, il devrait passer ses pré-commandes mais il repasse en audience au tribunal de commerce en fin de mois. "Je ne sais pas ce que ça va donner, car pour le Tribunal et les banques, les boulangeries sont dans le rouge."

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« Les entreprises deviennent toutes un peu vulnérables »

Président de la Chambre syndicale de la boulangerie en Haute-Vienne, Stéphane Colignon installé depuis trente-cinq ans (deux boulangeries, six salariés) n'a jamais connu pareille situation :

"Cela continue d'augmenter, la poudre de lait a pris 90 % depuis mars, pourtant le lait est fabriqué chez nous, pas en Ukraine !", s'indigne-t-il. "Des gens font de la spéculation sur ces produits, pareil avec le beurre français qui a augmenté de 50 %. Il vaut plus cher que le chocolat qui n'est pas produit en France et demande plus de transformation. On est au bout de la chaîne, on ne peut pas augmenter, nous n'aurions plus de clients."

Il sait que des confrères sont en difficulté mais aucun n'est venu se confier. "On est en train d'affaiblir les entreprises qui deviennent toutes un peu vulnérables, on grignote notre trésorerie", estime-t-il. Ses fours énergivores alourdissent la facture. Un courtier en énergie lui a trouvé un nouveau fournisseur. "Le mien m'avait annoncé que je paierais 3.000 € le MWh en janvier contre 22,50 € actuellement ! Je n'en dormais plus. Avec mon nouveau fournisseur, mon contrat passera de 980 € par mois à 1 150 €. Mes collègues ont intérêt à renégocier."

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« De plus en plus d'alertes d'artisans »

Quant à "l'amortisseur électricité" pour les TPE et PME exclues du bouclier tarifaire, il n'y voit pas la solution miracle. "Cela ne va pas changer la donne, le début d'année va être compliqué dans de nombreux domaines d'activités."

La Chambre régionale de Métiers et de l'artisanat s'inquiète, elle-aussi, pour la trésorerie des entreprises exclues du bouclier tarifaire. "Les entreprises se retrouvent avec des propositions de nouveaux contrats affolantes en termes tarifaires, sans parler de la complexité de la négociation", indique Gérard Gomez, président de la CMA Nouvelle-Aquitaine. "Nous avons de plus en plus d'alertes de la part d'artisans qui ont besoin de davantage de puissance. Par exemple une boulangerie de taille moyenne, entre 6 et 8 salariés, a besoin d'environ 72 kVA...", soit bien plus que la puissance maximale autorisée pour être éligible à ce bouclier tarifaire, fixée à 36 kVa.

Gérard Gomez demande donc un élargissement de la mesure pour répondre à l'urgence de la situation. "Le bouclier tarifaire doit être ouvert dès maintenant aux entreprises de moins de 20 salariés et surtout à celles qui dépassent la puissance maximale autorisée en raison de leur activité fortement consommatrice d'énergie comme les fours ou les chambres froides." La CMA Nouvelle-Aquitaine a activé ses cellules de crise départementales pour accompagner les artisans en difficultés.

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Commentaire 1
à écrit le 21/11/2022 à 4:41
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Alors eux les boulangers, c'est un peu comme les cafés restaurants. Ils ont une montagne de black un Himalaya et plutot que de venir le dépenser avec les types trafiquants du 9.3 comme je le vois ici en Thailande à Phuket ou à Pattaya qu'ils l'utili...

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