"Ce lieu unique permet le maintien, autant que possible, d'une vie sociale dans un environnement aussi sécurisé que possible", a exposé Julien Dubois, maire de Dax, le 20 mai dernier. Juste à côté de la commune landaise, un village entier avec sa supérette, son salon de coiffure, sa médiathèque et sa brasserie est sorti de terre en vingt mois. Étendu sur cinq hectares, il est habité par 120 villageois, tous atteints d'Alzheimer, et autant de soignants et bénévoles qui leur viennent en aide. En raison de la Covid, cet Ehpad d'un genre nouveau et même unique en France n'a pu être inauguré que deux ans après son ouverture. Et neuf ans après que son créateur Henri Emmanuelli, décédé en 2017, en ait eu l'idée en lisant un article sur De Hogeweyk. Créé en 2009 à Weesp, près d'Amsterdam, il s'agissait de la première structure au monde dédiée aux personnes atteintes de démence et ressemblant à une véritable ville (27 appartements au total pour 169 habitants) gérée par la société Vivium Zorggroep.
"Privilégier le modèle public"
"Les récents scandales nous confortent dans notre conviction de privilégier le modèle public. Nous avons voulu aussi que le tarif journalier ici (65,42 euros) soit équivalent à celui des Ephad publics », a souligné Xavier Fortinon, président du Conseil départemental des Landes qui a contribué à hauteur de 20,4 millions d'euros à la facture totale de 28,8 millions d'euros.
Le département codirige l'établissement avec l'Agence régionale de Santé Nouvelle-Aquitaine, associant de multiples partenaires dont France Alzheimer Landes et France Parkinson Landes à sa gestion. Devant la famille d'Henri Emmanuelli, l'ancien président de la République François Hollande, qui était parmi ses proches, a rappelé que la population française est vieillissante et que le nombre de personnes dépendantes voire atteintes de démence ira croissant : "20% des Français ont plus de 65 ans et cette part montera à 30 % en 2050". Dans les Landes, ce taux est déjà atteint et parmi ces personnes quelque 8.000 sont atteintes d'Alzheimer, la maladie neuro-dégénérative la plus connue et pour le moment incurable, sur un total estimé à un million en France.
Pas de blouses blanches
Depuis le début, on vient de toute la France pour habiter dans cette structure d'accueil à l'architecture typiquement landaise avec sa bastide à colonnes autour de la place plantée de pins et ses quatre quartiers de seize maisons en bois composées de chambres individuelles et d'une cuisine et d'un salon commun.
C'est que "la philosophie est unique", résume Pascale Laserre-Sergent, sa directrice, qui compte 250 personnes sur liste d'attente. "Les villageois se lèvent à l'heure de leur choix, sont libres de participer aux activités et aux taches collectives, telle que les courses et la vaisselle. Les soignants ne portent pas de blouses blanches, ils recourent le moins possible aux médicaments et peuvent prendre le temps car les tâches ne sont pas minutées. Les bénévoles sont aussi totalement intégrés dans le planning et décident de l'activité qu'ils font avec les villageois, que ce soit de la lecture, du babyfoot ou la promenade pour aller voir les canards dans l'étang, les ânes ou encore le potager", énumère-t-elle.
Les employés sont aux aussi unanimes sur le fait que tout est différent dans ce qu'on appelle aussi "le Village landais" tout court. C'est le cas de Jenny qui anime des ateliers dans la médiathèque, bientôt ouverte aux personnes externes, depuis le printemps : "Les villageois sont beaucoup plus actifs et apaisés que dans l'Ephad où je travaillais auparavant. Nous faisons beaucoup de lecture, car le plus dur avec cette maladie est de perdre ses mots. Nous proposons au moins trois activités stimulant les capacités cognitives par matinée, en petits groupes, accompagnés s'ils le souhaitent par des membres de la famille, les enfants et petits-enfants", explique-t-elle. L'âge des résidents oscille entre 41 et plus de 80 ans.
Valider scientifiquement la méthode pour la reproduire
L'une des premières habitantes, Christiane, au bras de l'aide-soignante Dominique, en a 88 désormais et elle est rayonnante. "Elle fait de la danse, joue à la pétanque, participe à l'atelier décoration florale et fait même de la balançoire", rit Dominique, qui vient deux demi-journées par semaine. "L'ambiance est reposante, on dirait un village vacances avec cette architecture. Il nous manque juste la piscine !".
Après avoir reçu des délégations du monde entier curieux de découvrir les secrets de ce lieu d'accueil qui a depuis essaimé à Rome, Pascale Laserre-Sergent vient d'accueillir l'équipe néerlandaise de De Hogeweyk. "Ils ont trouvé notre déclinaison magnifique. Surtout, avec notre comité scientifique, nous allons pouvoir démontrer, pour la première fois aussi, la validité de la méthode et en assurer la reproductibilité". Sous l'égide du professeur Jean-François Dartigues, neurologue et chercheur à l'université de Bordeaux, l'équipe de la psychogérontologue Hélène Amieva de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) évalue en effet depuis deux ans, et pour trois ans encore, tous les six mois l'état de santé des villageois, tout comme l'état d'esprit de la famille et du personnel soignant.
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