
Quand le président de la Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, présente son territoire, il aime invoquer deux traits marquants. Le premier : la région est plus grande que l'Autriche. Le second : qu'il s'agit de la première région agricole de France. Un slogan qui ne tient plus au regard des comptes définitifs de l'agriculture sur l'année 2022, publiés début octobre. Jusqu'ici largement en tête du classement, la Nouvelle-Aquitaine, et ses 12 milliards d'euros de production agricole (hors subventions), se fait coiffer par le Grand Est qui, grâce à l'inflation, atteint 12,2 milliards, soit une poussée de +30 % sur un an !
Quand la moyenne française est à +17 %, la croissance n'est que de +7 % pour la Nouvelle-Aquitaine, dopée par l'inflation mais freinée par des rendements calamiteux. A tel point qu'avec 4,4 milliards d'euros, la valeur ajoutée s'effondre de -10 % par rapport à 2021. La valse en tête de classement est loin d'être anecdotique puisque les exploitations néo-aquitaines ont subi une année des plus chaotiques.
La cartographie de l'évolution de la valeur de production en 2022 est sans équivoque : le rouge, synonyme de baisse de la richesse produite, n'apparaît que dans le Sud-Ouest. Sur cinq départements concernés, trois sont dans l'ex-Aquitaine, à savoir la Gironde (-2,9 %), le Lot-et-Garonne (-2,7 %) et les Landes (-1,2 %). La dépréciation des productions végétales est encore pire pour ces départements, allant de -4 % à -9 %. À noter que l'ex-Limousin s'en sort particulièrement bien, avec une croissance de valeur proche de +20 % portée par ses productions végétales.
Calamités climatiques en cascade
La claque est brutale pour l'agriculture néo-aquitaine, habituée à une hégémonie revendiquée bien au-delà de la profession. L'inflation s'est concentrée sur des produits, comme les cultures maraîchères, peu représentés en Nouvelle-Aquitaine qui regroupe des départements très spécialisés. Par exemple, la Gironde a surtout subit une baisse des prix sur les vins et les Landes une crise de rendement sur le maïs. La valeur de production a baissé de 23 % pour cette céréale en 2022, suivie par les protéagineux (légumineuses) avec -18 % et les fruits avec -10 %. À l'opposé, le Cognac, dans une réussite encore insolente vis-à-vis de son voisin bordelais, bénéficie de la hausse des prix sur les eaux-de-vie qui fait grimper la valeur de production du secteur à +34 % au niveau régional.
Les événements climatiques, en partie intensifiés par le dérèglement, ont été destructeurs pour les cultures citées plus-haut. « On a eu droit à tout : sécheresses, gels, grippe aviaire, grêle... Les charges ont beaucoup évolué pour les agriculteurs, et derrière, la production n'a pas été suffisante pour assurer un équilibre », constate Luc Servant, le président de la chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine
« Notre région est plus impactée que d'autres par le changement climatique », pointe le président du conseil régional Alain Rousset. « Avec la profession, il faut qu'on accélère la transition car la première victime du réchauffement climatique, même si elle en porte en partie la responsabilité, c'est l'agriculture. »
Une nouvelle mouture pour Neo Terra Le bilan de la feuille de route Neo Terra, planifiant la transition écologique de la Nouvelle-Aquitaine, est présenté aujourd'hui en assemblée plénière du Conseil régional. L'an passé, avec 46 millions d'euros, les aides allouées dans ce cadre à la transition agro-écologique ont été divisées par deux par rapport à 2021. La Région soutient notamment le développement de la filière chanvre, des projets d'agroforesterie et la formation sur des métiers en tension dans le cadre de la transition. Un des enjeux de la prochaine feuille de route sera le maintien du cap à 2025 et 2030 pour la sortie de l'usage des produits CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) puis des pesticides, ainsi que la diversification des exploitations et le partage de l'eau.
Un rebond espéré dès cette année
De quoi pousser le sujet de la diversification des exploitations, tout en essayant de défendre des terroirs malmenés par le climat. « Il faut qu'on diversifie les productions quand c'est possible, dans les grandes cultures par exemple, car les accidents climatiques sont de plus en plus fréquents. C'est plus compliqué pour certains secteurs, comme dans le Limousin avec les terres d'élevage. Là il vaut mieux accompagner les éleveurs vers des systèmes moins sensibles aux accidents climatiques, en constituant des stocks de fourrage pour passer les mauvaises années », développe Luc Servant.
Mais l'étau se resserre pour accompagner la profession face à l'urgence climatique et au besoin de transition agro-écologique. La filière bio, longtemps considérée comme issue majeure, connaît aussi de grandes difficultés sur le marché, avec des ventes pour la première fois en baisse durant deux années consécutives. Tellement que les représentants de la profession ne se projettent plus sur sur un objectif de 20 à 25 % des surfaces converties en bio à terme. « Le marché n'est pas là ! », accusent-ils. La production bio pourtant se porte bien mieux que la culture conventionnelle.
La chambre d'agriculture régionale affiche une meilleure confiance pour cette année, entre le retour des rendements pour le maïs et les fruits, avec aussi le plan d'arrachage établi sur-mesure pour le vignoble bordelais et la constitution de stocks fourragers chez les éleveurs. Le ralentissement de l'inflation et la rationalisation des prix devraient rééquilibrer le rapport entre les croissances folles des régions au Nord et la dépression de la Nouvelle-Aquitaine, même si cette dernière cultive désormais une domination partagée.
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