En Dordogne, le retour de la déviation de Beynac en dépit des condamnations

Se conformer à la justice ou éviter de perdre 40 millions d'euros ? Le conseil départemental de la Dordogne opte pour la seconde option en proposant une version pas si neuve de la déviation de Beynac, habillée en « boucle multimodale ». Le projet veut désormais faire la part belle aux mobilités douces mais demeure caduc au regard des précédentes décisions des tribunaux, accusent les opposants.
Maxime Giraudeau
Au premier plan en blanc, la déviation illégale de Beynac en Dordogne.
Au premier plan en blanc, la déviation illégale de Beynac en Dordogne. (Crédits : MG / La Tribune)

La condamnation à verser 489.000 euros d'astreintes n'aura pas suffit à faire plier le département de la Dordogne. Après la peine prononcée le 7 juillet par la cour administrative d'appel de Bordeaux, un projet de « boucle multimodale » de Beynac a été présenté fin septembre par Germinal Peiro, le président (PS) du conseil départemental. Malgré la nouvelle appellation, rien de très nouveau sous le soleil du Périgord Noir : les plans routiers reprennent exactement le même tracé que celui du chantier arrêté en 2019.

Une voie à double sens pour les véhicules, une piste cyclable en site propre et deux ponts au-dessus de la Dordogne pour une déviation évitant le bourg de Beynac, village à flanc de falaise traversé par d'importants flux touristiques et logistiques. Trois kilomètres pour lesquels toute une luxueuse vallée s'écharpe depuis près de 40 ans. Mais le premier promoteur du projet jure que la nouvelle version veut faire table rase du passé.

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En vert, le projet de boucle multimodale pour désengorger le trafic et améliorer la desserte des quatre châteaux. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. (crédits : Département de la Dordogne).

« Il n'est plus question de déviation. La boucle multimodale tient compte de ce que l'autorité judiciaire a dit et de l'excellence environnementale. [...] Elle tient compte des évolutions sociétales, notamment de l'explosion du vélo. La gare de Castelnaud-Fayrac est le point central du projet », a ainsi exposé Germinal Peiro, le 21 septembre dernier pour la présentation officielle du nouvel aménagement.

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Le projet du futur avec le tracé du passé

Le train régional passe encore devant cette ancienne gare fermée en 1970, qui doit rouvrir et devenir un pôle multimodal rassemblant halte ferroviaire, station vélo et départ de navettes électriques vers les châteaux alentours. De quoi répondre au problème de congestion du trafic à Beynac, à la réduction des émissions carbone et aux difficultés d'accès des sites patrimoniaux. Mais malgré ces habillages, la légalité du projet paraît tout aussi illusoire puisque qu'il reprend les structures inachevées, symbole des oppositions, pour lesquelles le conseil départemental a été condamné.

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Les piles de l'un des ponts de la déviation sur la Dordogne. (crédits : MG / La Tribune)

Le 9 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux infligeait un camouflet à la collectivité, confirmé quelques mois plus tard par la cour administrative d'appel. Alors que les travaux avaient commencé sur autorisation de la préfecture, la juridiction indique dans son avis : « Le projet de contournement du bourg de Beynac-et-Cazenac affecte la conservation d'espèces animales protégées et de leurs habitats. Il ne peut donc être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond à une raison impérative d'intérêt public majeur. » Une condition qui n'est pas remplie juge par ailleurs le tribunal, notamment parce que la vallée compte parmi les 14 réserves de biosphère recensées en France par l'Unesco.

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Les travaux arrêtés marquent encore le paysage de la vallée aujourd'hui et ont fait l'objet d'une délibération en conseil départemental ce mardi 3 octobre. Au moins pour la forme, le département doit prouver à la justice que la démolition est engagée. Et ce même si le but est de conserver les piles des ponts et autres terrassements pour bâtir la future « boucle multimodale ».

Schizophrénie à 40 millions d'euros

Le président essaye de gagner du temps. « Il est faux de dire qu'on n'a pas commencé la démolition parce qu'une démolition comme ça, elle ne se fait pas sans études », a mentionné Germinal Peiro. « C'est un dossier caractéristique de la gêne dans laquelle vous vous trouvez, et d'une certaine schizophrénie sur Beynac », a tancé quant à lui Dominque Bousquet, conseiller départemental (LR).

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Les châteaux de la vallée de la Dordogne autour de Beynac accueillent près d'un million de visiteurs par an et de nombreux vols en montgolfière. (crédits : MG / La Tribune)

La démolition menacerait carrément les écosystèmes selon la vidéo de promotion de la nouvelle déviation. Or c'est bien la construction hâtive qui est responsable de l'atteinte à l'environnement selon les tribunaux, pour une dépense publique chiffrée à 25 millions d'euros et qui pourrait s'envoler à 40 millions si la démolition est entreprise. D'où la persévérance du département à poursuivre les opérations. Sans quoi le dossier, reconnu illégal, sombrerait définitivement en gouffre financier.

L'appel aux citoyens

« La cour administrative d'appel a suspendu la déviation de Beynac en indiquant que le projet n'était pas régularisable et en ordonnant sous astreinte la démolition des ouvrages. L'attitude du département relève d'une violation de l'État de droit », clame Gérard Charollois, président de la Sepanso Dordogne, à La Tribune. Pourtant, les « éléments nouveaux » communiqués aux services de l'État par Germinal Peiro ont convaincu le préfet de lancer une nouvelle procédure de concertation publique élargie à l'ensemble de la Dordogne. Celle-ci a débuté lundi 2 octobre par une réunion qui a rassemblé 200 personnes au théâtre de Périgueux.

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Les opposants, rassemblant propriétaires immobiliers de la vallée et Sepanso, ont passé une tête pour faire savoir qu'ils refuseraient ce nouveau processus. Leur revendication préalable : la démolition immédiate des aménagements illégaux. Inenvisageable pour le président du département qui souhaite obtenir une nouvelle autorisation préfectorale d'ici un an. Et appelle les citoyens à se mobiliser le 22 octobre devant la gare de Castelnaud-Fayrac. De quoi prévoir quelques tensions sur la route étroite ce jour-là. En attendant, comme le déplore Gérard Charollois, « le département est paralysé par cette affaire ».

Maxime Giraudeau

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Commentaires 3
à écrit le 13/10/2023 à 10:44
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Photo trompeuse , titre trompeur ... Regardons la vue aérienne sur Maps . La route longe le chemin de fer et un des 2 ponts sera à quelques mètres. Rien de défigurant.

le 13/10/2023 à 11:26
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LOL !

à écrit le 11/10/2023 à 10:31
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Notre département est trop peuplé touristiquement, Beynac n'avait absolument pas besoin de déviation, ils ont saigné ce territoire, littéralement, je n'étais pas au courant je n'ai vu qu'une photo après et j'en avais les larmes aux yeux car nous somm...

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