ZFE : les attentes des acteurs économiques girondins face à une équation qui les dépasse

« Attention à ne pas faire de nous les gilets jaunes économiques ! » Les organisations professionnelles réunies par la CCI de Gironde expriment leurs difficultés et leurs attentes quant à l'arrivée de la zone à faibles émissions (ZFE) à Bordeaux Métropole dès 2025. Derrière cette réglementation européenne de santé publique qui interdira progressivement les véhicules les plus polluants, les mondes économique et politique avancent en ordre dispersé, sans cap commun pour tenir les objectifs de transition.
Maxime Giraudeau
Les organisations professionnelles girondines et régionales ont présenté dix propositions autour de la ZFE à Bordeaux Métropole ce mercredi 22 mars.
Les organisations professionnelles girondines et régionales ont présenté dix propositions autour de la ZFE à Bordeaux Métropole ce mercredi 22 mars. (Crédits : PC / La Tribune)

Il y a comme un air saturé. Alors que Bordeaux Métropole doit annoncer en juin les modalités d'application de la zone à faibles émissions devant limiter la pollution atmosphérique issue des mobilités, les acteurs économiques se font entendre. Réunis par la CCI Bordeaux Gironde, ils plaident ainsi pour être « associés et pas seulement témoins » de l'arrivée de cette réglementation contraignante sur le territoire.

« Quand on regarde ce qu'il se passe au niveau français et européen, il y a un certain nombre de difficultés qui se posent. L'Allemagne fait marche arrière sur la mise en place des ZFE », pointe ainsi Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde. Dernière en date, celle de la métropole de Toulouse, lancée le 1er janvier, qui interdit la circulation intra-rocade aux véhicules particuliers des catégories Crit'air 4, 5 et non-classés, soit les plus polluants du parc automobile. À Bordeaux Métropole, ce même périmètre de réglementation sera effectif dès le 1er janvier 2024, pour une année test sans sanctions.

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« L'impasse essentielle porte sur nos salariés. Malgré les aides qui existent, un employé ne pourra pas s'équiper d'une voiture électrique ou moins polluante pour venir travailler », conteste Stéphane Douance, président de l'Association régionale des industries alimentaires. Autre problème, la livraison des clients sur le périmètre intra-rocade. « On a des matières énergétiques, type hydrogène, qui doivent être acheminées sur les sites industriels de façon sécurisée », pointe Lionel Matias, son homologue de l'Union des industries et métiers de la métallurgie Gironde et Landes.

Combien de véhicules concernés ?

Les restrictions de circulation pour les catégories Crit'Air 4 et 5 concerneraient 25.000 véhicules en 2025 à Bordeaux Métropole sur un parc total de plus de 430.000 véhicules. A l'échelle du département, il faut ajouter 50.000 véhicules supplémentaires, professionnels et particuliers confondus. La catégorie Crit'Air 3, qui constitue l'objet central de l'arbitrage, est bien plus large : elle représentera plus de 60.000 véhicules en 2025 sur la métropole.

Une ZFE intermittente ?

Entre les impacts sur les salariés et les clients des entreprises, les représentants demandent une réglementation légère mais claire et lisible. « Il faut voir si la ZFE peut être moins contraignante », exhorte Nathalie Laporte, présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat en Nouvelle-Aquitaine, alors que la Métropole pourrait étendre l'interdiction aux véhicules Crit'Air 3 dès 2027.

Sans demander un calendrier précis ou des aides chiffrées, la CCI, porte voix du monde professionnel, formule une série de dix recommandations. Avec tout d'abord des demandes de dérogation particulières pour les véhicules dotés d'équipements professionnels (nacelles, engins du BTP, camions frigorifiques, food trucks...). Les entrepreneurs veulent pouvoir circuler normalement avec ces véhicules, peu importe leur niveau d'émissions. Plus largement, à l'instar de l'opposition de droite, les organisations plaident pour une ZFE qui ne s'applique ni en semaine après 20 heures ni le weekend. De quoi limiter fortement les effets bénéfiques sur la qualité de l'air. Elles réclament aussi un plan d'aides métropolitain qui puisse favoriser l'achat de véhicules Crit'Air 1 et 2

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En résumé, le monde économique ne sera pas prêt pour 2025. Pourtant, la réglementation ZFE est prévue depuis 2019 avec la promulgation de la Loi d'orientation des mobilités. Preuve que seule la contrainte peut entraîner le changement, alors que des représentants professionnels dénoncent être mis « devant le fait accompli. » L'échéance 2030 semble en revanche plus acceptable pour les organisations, à condition de combler certaines lacunes.

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Les indicateurs mis en lumière par les enquêtes menées par la CCI et la Chambre des métiers et de l'artisanat. (crédits : MG /La Tribune)

Transition à plusieurs voies

Elles souhaitent par exemple que le système d'avitaillement soit déployé de façon beaucoup plus massive sur le territoire métropolitain où il est aujourd'hui difficile de recharger son véhicule électrique ou de se fournir en gaz naturel. Une autre recommandation, dont l'impact serait très significatif, soutient le développement de « plateformes logistiques multimodales » en périphérie de la rocade, pour permettre aux logisticiens d'y déposer leur marchandise avant d'accomplir le maillon du dernier kilomètre en mobilité propre (vélo cargo ou transport électrique).

Dans tous les cas, la transition s'avère incertaine pour le secteur des transports dans la mesure où une stratégie globale n'est pas clairement déterminée. « Il faut avoir un cap. Aujourd'hui, il semble être tourné vers l'électrique, mais dans la région, on a des initiatives qui favorisent le gaz naturel. On a besoin de lisibilité. Quand on investit dans un véhicule, le coût d'amortissement est de cinq à dix ans », évoque Franck Puharré, délégué régional de l'Union des entreprises de transport et de logistique.

Or, des transporteurs membres de la Fédération des transports routiers de Nouvelle-Aquitaine ont vu le prix du Bio GNV (gaz naturel) être multiplié par huit l'an dernier. Un vrai frein à la transition alors qu'ils s'étaient engagés dans cette démarche il y a déjà plusieurs années. « On a coupé tous les investissements dans le BioGNV. Je n'achète plus de gaz tant que je n'ai pas d'horizon clair », tranche Nourredine Ziane président de la FNTR régionale. La bonne volonté ne suffit pas, faut-il encore trouver la bonne voie.

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Alain Anziani reçu jeudi

Alors que le calendrier politique a déjà imposé à dix métropoles françaises d'appliquer la réglementation ZFE, et trente de plus d'ici 2025, les transporteurs mènent de leur côté des discussions avec énergéticiens et constructeurs pour déterminer les grands axes de la transition : énergies à retenir, capacité à renouveler le parc, échéances... Des temps politique et économique très différents et pourtant soumis à un même enjeu de santé publique. L'interdiction pour les catégories Crit'Air 3 à 5 doit diminuer de 24 % les émissions de dioxyde d'azote et de 15 % pour les particules fines sur Bordeaux Métropole.

Si au 1er janvier 2025, date de l'entrée en vigueur stricte, les organisations professionnelles n'y trouvent pas leur compte, certaines entreprises pourraient un temps contrevenir à la réglementation pour préserver leur activité. « Elles n'auront pas le choix », rejette sans équivoque Franck Chaumes, président de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie de Gironde. Un message qui sera transmis ce jeudi 23 mars à Alain Anziani, le président de Bordeaux Métropole, reçu par les organisations pour entendre leurs nombreuses doléances.

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Maxime Giraudeau

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