Comment ces deux Bordelais veulent convertir les salariés au vélo

Massifier l'usage du vélo dans les déplacements domicile-travail, c'est l'ambition de deux entreprises bordelaises. La première, Viraj, vient de se lancer sur le marché prometteur de la location de vélos aux entreprises. La seconde, MWheel Mobility, a été créée début 2019 et parvient tout juste à trouver son équilibre.
Maxime Giraudeau
Mathieu Rault, en marron, et Joël Montout, en bleu, ont chacun lancé leur solution de mobilité pour les salariés en entreprise. Mais dans deux temporalités différentes.
Mathieu Rault, en marron, et Joël Montout, en bleu, ont chacun lancé leur solution de mobilité pour les salariés en entreprise. Mais dans deux temporalités différentes. (Crédits : DR)

Une métropole attractive c'est davantage d'entreprises, de salariés... et de bouchons sur les routes aux heures d'embauche et de débauche. L'équation fonctionne particulièrement bien sur l'agglomération bordelaise où les trois quarts des déplacements étaient réalisés en voiture il y a encore quelques années (*). Mais depuis, le Covid et la construction de quelques pistes cyclables sont passés par là : la voiture ne représentait l'an dernier plus que la moitié des usages dans les mobilités métropolitaines, selon un sondage Ifop réalisé pour Bordeaux Métropole. L'heure du vélo serait-elle arrivée ? C'est ce que croient deux entrepreneurs bordelais qui veulent faire percer la pratique du deux-roues silencieux chez les salariés.

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Une culture cyclable encore minoritaire

Le premier se nomme Mathieu Rault et c'est avec sa société Viraj, fondée en mars 2022 et basée à Darwin, qu'il compte y parvenir. Le Bordelais est une figure connue du peloton local pour alerter régulièrement la municipalité sur les risques de sécurité inhérents à la pratique du vélo. Désormais, il cherche à proposer une solution pour "donner envie à ceux qui se sentent loin du vélo de les rassembler autour d'une communauté et changer les habitudes". Viraj s'adresse aux entreprises plutôt situées en périphérie de Bordeaux, là où l'usage du vélo demeure peu développé, qui souhaitent mettre à disposition de leurs salariés une flotte de vélos.

L'offre fonctionne par abonnement : la location est facturée à hauteur de 60 euros par mois et par deux-roues, dont 20 euros à la charge du salarié - selon les conseils adressés aux entreprises clientes. Viraj reste propriétaire des vélos assemblés par une entreprise vendéenne et auxquels elle intègre un service connecté relié à une application. De quoi aller plus loin que la simple location en créant un service pour accompagner les salariés : recommandations de sécurité, guide d'utilisation, etc. Une proposition obligatoire si Mathieu Rault et ses deux salariés veulent déployer leur modèle à grande échelle, tant la culture cyclable est encore minoritaire dans les trajets domicile-travail. "On entend souvent : "Le vélo ça fait pas pro" ou "J'ai pas le temps pour ça". On patine encore à cause des années tout voiture" regrette-t-il.

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Premier client

Le fondateur, qui n'était "pas addict au vélo" il y a quelques années, a désormais de quoi être optimiste : l'entreprise GT Logistics, spécialisée dans le transport industriel, vient d'intégrer une quarantaine de vélos à son site de Bassens. "C'est typiquement notre cible. Car notre mission est de convertir les gens qui n'utilisent pas le vélo sur des lieux qui sont accessibles à vélo. Chez GT Logistics, personne ne venait à vélo et nous avons mis en selle une quinzaine de salariés", déroule Mathieu Rault. Un premier client qui doit faire décoller l'activité de Viraj, en comptant aussi des intéressés dans le secteur bancaire dont les noms n'ont pas encore été dévoilés.

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Ce que dit le plan de mobilité employeur


  • Depuis le 1er janvier 2020, les entreprises de plus de 100 salariés, situées dans une zone qui abrite un Plan de déplacement urbain, sont contraintes de définir un Plan de mobilité employeur (PDM). Ce cadre imposé par la loi d'orientation des mobilités leur impose d'effectuer un diagnostic des solutions de mobilités existantes et effectives pour leurs salariés. Le PDM doit ensuite inciter l'usage des transports en commun - en poussant les entreprises à financer une partie des abonnements par exemple - à favoriser l'autopartage dans les trajets domicile-travail ou encore à promouvoir massivement le recours au vélo. La conduite de ce plan d'actions est également obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés si elles n'ont pas réussi à trouver un accord dans le cadre de leurs négociations annuelles obligatoires (NAO).

D'ici l'été, une centaine de vélos devraient être déployés, avant une levée de fonds prévue en fin d'année. D'ici trois à cinq ans, 20.000 unités pourraient circuler, sur Bordeaux métropole mais aussi dans d'autres grandes villes françaises. C'est du moins ce que dit le programme prévisionnel puisque, pour y parvenir, Viraj devra trouver une autre chaîne d'approvisionnement que sa seule source vendéenne. Et compte organiser des événements de sensibilisation directement dans les entreprises pour se distinguer de la concurrence.

"La grosse partie de notre chiffre d'affaires, c'est la prévention"

Elle est nombreuse au niveau national avec des acteurs comme Azphalte, Tandem ou Zenride, mais également à l'échelle locale puisque Bee.Cycle et MWheel Mobility ont fait de Bordeaux leur terrain de jeu cyclable. MWheel a été cofondée par Joël Montout en janvier 2019. Ce passionné de gyroroue, ce monocycle électrique sur lequel on se tient debout, reconnaît que la seule proposition d'un service de mobilité ne suffit plus: "Si on propose ces nouveaux modes de déplacement en entreprise, il est important d'accompagner l'usage et de proposer un service autour du véhicule" explique-t-il. MWheel est alors devenu un acteur remarqué des micro-mobilités urbaines en élaborant, en plus de son offre de location lancée en octobre 2019 et basée sur le même format que Viraj, un dispositif de prévention autour de la circulation des trottinettes électriques.

L'entreprise collabore notamment avec la chaire Mobilité et transports intelligents de l'université de Bordeaux, dont elle est mécène, à travers un simulateur qui lui permet de collecter des données sur la conduite de ces engins. Une implication certes importante du point de vue de la sécurité des transports, mais qui trouve aussi ses raisons dans une perspective économique. "La grosse partie de notre chiffre d'affaires, c'est la prévention. Aujourd'hui, il y a énormément d'acteurs sur la partie flotte de véhicules. On parvient à s'y faire une place, mais à côté nous sommes très peu à parler de prévention" décrypte Joël Montout.

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Marché des petits kilomètres

Alors qu'elle compte 135 véhicules (trottinettes et vélos) en location et une quarantaine d'entreprises clientes dans toute la France, MWheel Mobility vient tout juste de trouver son équilibre économique. Son chiffre d'affaires a quintuplé en 2021 pour atteindre 250.000 euros. L'entreprise bordelaise espère le doubler en 2022, dopée par l'essor des mobilités douces d'après Covid. Son offre de location, comprise entre 70 et 90 euros par véhicule et par mois, est un peu plus élevée que celle pratiquée par Viraj. MWheel et ses neuf salariés veulent doubler les équipes d'ici la fin de l'année, notamment sur les missions commerciales et de sensibilisation.

Bien que la concurrence soit nombreuse, l'essor des transports décarbonés est donc bien visible. "J'ai vu le paysage évoluer, les pistes cyclables se déployer. Bordeaux est un vrai terrain de jeu pour la mobilité urbaine", évoque Joël Montout. Un marché des petits kilomètres où se sont aussi engouffrés les acteurs du free-floating, avec leurs flottes de véhicules électriques en libre-service sur la voie publique. Encore d'autres concurrents à MWheel, Viraj et ces entreprises qui, pour l'instant peu inquiétées sur le versant BtoB, jouissent d'un marché qui s'annonce très prolifique.

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(*) Bordeaux Métropole, 2017

Maxime Giraudeau

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