[Article mise à jour le 5 avril 2022 avec la réaction d'Audrey Lefort et des deux investisseurs luxembourgeois]
De guerre lasse. Thibault Halm a bien tenté de ne pas baisser les bras, mais il a dû se résoudre à ce que Coleen, le fabricant de vélos électriques et de speedbikes (plus de 45 km/heure) qu'il a cofondé avec Audrey Lefort en 2014, baisse le rideau. Le tribunal de commerce de Bayonne a prononcé le 18 mars dernier la liquidation de l'entreprise biarrote qui avait pourtant gagné en septembre dernier la récompense prometteuse du jury d'Eurobike, le salon mondial du vélo.
"Audrey a exprimé son souhait de quitter l'entreprise en mai dernier. La levée de fonds dont nous avions besoin a, par conséquent, démarré plus tard que prévu", explique à La Tribune l'ex-directeur général, qui comptait Bpifrance, le Crédit Coopératif, la Région Nouvelle Aquitaine et Herrikoa parmi ses investisseurs initiaux. Devenu alors président, il a néanmoins initié l'opération, la seconde en deux ans, avec l'objectif de lever deux millions d'euros, dont un million en capital, entre juin et décembre 2021, pour moitié auprès d'investisseurs institutionnels et pour moitié auprès du grand public via la plateforme participative Wiseed. "Nous avions sécurisé ce montant à 95 % en décembre 2021, notamment auprès d'investisseurs belges. Entre les fêtes, deux petits investisseurs existants les ont contactés, provoquant leur retrait pour des raisons que j'ignore", déplore Thibault Halm.
À court de trésorerie
Résultat, l'entreprise est rapidement à court de trésorerie et dès le 24 janvier dernier, elle est placée en redressement judiciaire. "Plus d'une cinquantaine de repreneurs potentiels ont consulté notre dossier, mais un seul a formulé une offre. Cette dernière a été jugée insuffisante par le tribunal, notamment car il ne garantissait pas les emplois locaux", détaille le fondateur. L'offre émanait, selon nos informations, d'un acteur du Nord de la France. Désormais, le dossier est entre les mains du cabinet Guérin de Bayonne, qui tentera de valoriser au mieux la marque, ainsi que l'atelier situé près de la gare de Biarritz et l'équipe de quatre personnes, dont Pierre Bigard, responsable R&D et ancien ingénieur chez Look Cycles qui avait rejoint l'aventure en 2019.
Selon nos informations, les investisseurs, basés au Luxembourg, qui auraient fait capoter la levée de fonds, seraient intéressés par la reprise de Coleen. Surnommés "Ferrari" et "Rolls", car luxueux et entièrement personnalisables, les vélos de la marque, au cadre en carbone, n'étaient pas à la portée de toutes les bourses : les deux modèles unisexes les plus vendus, aux noms évocateurs de "Marinière" et "Numéro cinq", étaient disponibles à partir de 7.960 euros et 8.685 euros pièce. Thibault Halm, qui ne souhaite pas se réengager dans l'aventure Coleen, espère que l'expérience acquise pourrait encore intéresser d'autres fabricants. Peut-être même de la région, comme Gilles Labrude qui vient de lancer la marque de vélos à assistance électrique Larunn, également à Biarritz.
De la difficulté de financer l'industrie
"Ce qui a sans doute refroidi les repreneurs est que notre coût de revient était encore élevé, mais nous commencions à le faire baisser", pointe Thibault Halm. Coleen était en effet sur le point d'augmenter considérablement sa production pour passer de dix vélos à une centaine de vélos par mois afin de répondre à la forte hausse de la demande, en France, comme dans le monde. L'équipe de Coleen, qui visait la rentabilité en 2023, planchait sur un nouveau moteur et cherchait de nouveaux locaux afin de poursuivre la fabrication en interne, contrairement à ses concurrents qui sous-traitent la fabrication dans les mêmes usines en Asie.
Un choix doublé d'une préférence pour des fournisseurs français et européens qui paraissait judicieux lorsque les chaînes logistiques mondiales ont été perturbées. "Notre produit et la fabrication française plaisent, mais la réalité est que l'industrie fait peur aux investisseurs", conclut Thibault Halm, désolé de constater l'absence de patriotisme chez les financiers.
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