21 opérateurs de free-floating briguent les faveurs de Bordeaux Métropole

La bataille est terminée. Les opérateurs de trottinettes, vélos et scooters en free-floating avaient jusqu'à ce lundi 16 à 16h pour déposer leur dossier de candidature auprès de Bordeaux Métropole. Résultat : 21 opérateurs ont déposé un total de 33 offres dans les temps. L'occasion de formuler, voire d'inventer, des arguments plus ou moins rutilants pour espérer continuer à opérer sur le territoire à compter du 1er septembre 2022. Tour d'horizon des forces en présence.
Les aires de stationnement dédiées au free-floating sont amenés à se multiplier. Sans qu'elles soient, pour l'heure, toujours bien respectées.
Les aires de stationnement dédiées au free-floating sont amenés à se multiplier. Sans qu'elles soient, pour l'heure, toujours bien respectées. (Crédits : Pierre Cheminade)

"Ce n'est pas un argument attendu qui fait partie de la notation mais on va quand même jouer dessus." Partant de là, tout est bon à faire valoir. Cet aveu d'un des acteurs du free-floating prouve la nécessité à se démarquer dans une compétition où la concurrence est particulièrement rude. Alors qu'à Bordeaux une douzaine d'acteurs se partage le marché des micro-mobilités en libre-service, l'autorité métropolitaine est venue siffler la fin de la foire : seuls deux opérateurs maximum vont être sélectionnés par type de véhicule (vélo, trottinette et scooter).

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Et, preuve de la très grande attractivité de ce marché bordelais, à la clôture de l'appel à manifestation d'intérêt ce lundi 16 mai, Bordeaux Métropole a reçu officiellement les candidatures de 21 opérateurs de micro-mobilités qui ont déposé un total de 33 offres, puisqu'un opérateur peut postuler pour plusieurs types de véhicules. Bordeaux métropole va désormais devoir trancher entre ces candidatures très nombreuses en se laissant séduire par des kilomètres d'arguments.

L'encadrement du stationnement est l'attente prioritaire de la collectivité : les trottoirs ne doivent plus supporter des amas sauvages de vélos et trottinettes. La sur-occupation de la voie publique est toujours visible même si chaque opérateur est restreint à 100 trottinettes en vertu d'une charte de régulation de l'activité. Dès le 1er septembre prochain, les véhicules ne pourront plus être stationnés en-dehors de zones spéciales délimitées par les municipalités. Pour s'aligner sur cette exigence, les candidats seront contraints de déployer des systèmes de géolocalisation de haute précision. Satellite, capteurs ou encore des caméras embarqués comme chez l'opérateur Tier, qui revendique par ailleurs être le seul à proposer des casques intégrés à la location de ses trottinettes. Voi, quant à lui, l'un des premiers implantés à Bordeaux, revendique être aussi le premier à avoir installé des clignotants sur ses véhicules.

Stationnement presque millimétré

A ce titre, la sécurité constitue également un point central de l'AMI. Et un opérateur, Bolt, propose un système singulier de prévention de la conduite. "L'usager doit effectuer un test de l'état d'ébriété pour débloquer la trottinette. Cela vaut pour les locations du vendredi à 23 heures au dimanche à 6 heures du matin", présente-t-on chez l'opérateur présent à Bordeaux depuis 2020. La consommation d'alcool n'est pas propre au week-end ; les contraintes de rentabilité non plus. Alors Bolt ne veut pas imposer cette contrainte à l'usager le reste de la semaine. Son concurrent Link s'engage également dans la sécurisation du trafic et de l'espace public. C'est ainsi qu'il promet le blocage de ses trottinettes dès lors qu'elles se mettent à circuler sur les trottoirs. Pour le candidat présent dans des petites villes du littoral méditerranéen, comme pour beaucoup, Bordeaux représente le plus gros marché en France et même en Europe.

C'est ainsi que plusieurs d'entre eux ont ancré localement le développement de leur activité. S'il est originaire d'Angers, Pony, qui dispose de sa centaine de trottinettes et de 300 vélos mécaniques à Bordeaux, compte un atelier sur la métropole girondine. C'est de là qu'il a noué un partenariat avec l'entreprise Gouach, qui équipe les trottinettes avec des batteries amovibles et facilement réparables. Autre candidat qui se veut local malgré lui : la société californienne Bird, membre de la chaire Mobilité et transports intelligents de l'université de Bordeaux. Au sein de ce groupe de recherche, elle travaille sur la sécurisation connectée des micro-mobilités. Et assure disposer d'un super-pouvoir : être capable de gérer le stationnement des trottinettes à 10 centimètres près. Mais pas facile de s'inventer super-héros quand les espaces sont encore mal délimités : les engins continuent à occuper sauvagement la voirie.

trottinettes Bird free-floating

A proximité du Grand Théâtre, une trottinette Bird est stationnée sur l'allée passante le 16 mai 2022. (Crédits : Maxime Giraudeau)

Tout pour la RSE

Ces deux concurrents, Pony et Bird, attendent beaucoup de l'arbitrage métropolitain, notamment pour des questions de viabilité économique. Bordeaux est un marché très convoité avec déjà huit opérateurs de trottinettes, six de vélos et deux de scooters. Une fragmentation du marché qui rend impossible de rentabiliser l'activité des uns et des autres. "Ce n'est absolument pas optimal de proposer une flotte de 100 trottinettes au milieu de dix opérateurs. L'AMI va nous permettre de capter des usages plus récurrents et de capter des utilisateurs", explique Mickael Mamou, directeur général de Bird France, pour La Tribune.

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Appel à des sous-traitants, matraquage promotionnel : jusqu'ici, les opérateurs ont tiré les coûts de service au plus bas. Au détriment de toute rentabilité. L'AMI va changer les règles du jeu, mais déjà dans cette guerre des prix, l'autre acteur californien Lime propose des tarifs particuliers. La location de ses vélos et trottinettes est moins chère pour les étudiants et les bénéficiaires de tarifs solidaires dans les transports publics. Au printemps 2021, c'est par ailleurs l'entreprise qui compte le plus de vélos implantés à Bordeaux, avec 600 unités. Un poids lourd du secteur, tout comme l'opérateur Dott, son concurrent direct dans des dizaines de villes en Europe.

Dott a l'habitude des AMI, notamment en France où il en a gagné plusieurs. Mais reconnaît que celui de Bordeaux porte un objectif remarqué. "Un accent particulier est mis sur la responsabilité sociale et environnementale", concède-t-on. L'entreprise tient à faire valoir la "qualité des conditions de travail mises en place" dans son entrepôt bordelais, sans, dit-elle, avoir recours à la sous-traitance. C'est également l'argument développé par Fifteen et sa marque de vélos Zoov. L'opérateur annonce que, dès 2023, l'ensemble de ses véhicules seront assemblés en France. Et justifie le choix de ne pas proposer de trottinettes pour mieux intégrer les utilisateurs des périphéries et préfère les encourager à pédaler. La bicyclette, c'est la santé. Chaque candidat assure également que la conception et l'exploitation de ses trottinettes sont plus vertes que celles de la concurrence. Un point important puisque les lauréats devront publier un bilan carbone de leur activité à l'issue de leur première année d'exploitation.

La voiture est morte, vive la trott' ?

Les opérateurs doivent prouver que leur service peut s'intégrer au réseau de transports publics déjà existant sur la métropole. Les terminus sont ainsi autant de possibilités pour déployer les flottes en libre-service et faire la jonction avec les espaces périphériques. C'est ainsi que Pony veut lancer son offre de "vélopolitain". "Au lieu de payer un euro le déverrouillage puis 15 centimes la minute, vous payez deux euros une fois, à condition de commencer et terminer le trajet sur une ligne du réseau express vélo [REVe, ndlr]" formule Guillem Leroux, responsable des relations publiques de Pony. Mais pour l'instant, le REVe est encore onirique.

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Les opérateurs s'accordent bien pour dire que les zones périurbaines représentent un nouveau marché à capter. "On pourrait penser que les communes alentour sont moins rentables. En réalité c'est compensé par la durée moyenne des trajets qui est plus longue" note Mickael Mamou de Bird. Avant d'ajouter : "Notre promesse c'est de se substituer à l'autosolisme." Comprenez la voiture qui ne transporte qu'une personne à la fois : son conducteur. Un usage qui ne correspond pas à l'avenir des mobilités urbaines et qui doit être peu à peu délaissé avec l'instauration des ZFE (Zones à faibles émissions) à partir de 2023 en France et à Bordeaux. Dans cet optique, les ville-centres doivent réduire drastiquement leur impact environnemental.

La micro-mobilité tombe à pic. "Nous voulons proposer des solutions différentes à l'usage de la voiture des particuliers", revendique-t-on chez Bolt. Même si cette transition ne reposera pas uniquement sur le free-floating. "Il y a un réel engouement des Bordelais pour ces nouveaux moyens de déplacement et une volonté politique de déployer les mobilités douces pour venir en complémentarité des transports en commun" observe Florence Aretz, directrice générale de Tier France. La Métropole portera une attention particulière sur ce volet. Avant de livrer son arbitrage définitif début juillet.

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