Incendies : les pistes des sénatrices girondines avant le retour des feux de forêt

Après l'été 2022 marqué par de gigantesques feux de forêt qui couvent encore, le Sénat tient à légiférer avant le retour du risque incendie. Entre mobilisation des forces d'intervention et financement de la lutte active, les sénatrices de Gironde dévoilent à La Tribune leurs pistes pour contrer les feux dès le printemps alors que la sécheresse sévit depuis le début de l'année.
Maxime Giraudeau
A Hostens, au sud de la Gironde, l'hiver n'empêche pas le sous-sol, composé de lignite, de continuer à brûler.
A Hostens, au sud de la Gironde, l'hiver n'empêche pas le sous-sol, composé de lignite, de continuer à brûler. (Crédits : Agence APPA)

Le temps presse. Sept mois après les feux de forêt qui ont ravagé plus de 32.000 hectares en Gironde et dans les Landes, sur le domaine des Landes de Gascogne, la France connaît un épisode de sécheresse hivernal majeur. « La pluie n'est pas tombée en France depuis le 21 janvier, soit une série record de 30 jours. Du jamais vu en hiver » indiquait Météo France dans son bulletin du 20 février. En ajoutant à cela la combustion ininterrompue depuis cet été du sous-sol autour d'Hostens, dans le sud de la Gironde, le risque incendie s'annonce particulièrement élevé avec les premières lueurs du printemps. 8.000 m2 ont déjà brûlé à Louchats, une commune du secteur, la semaine dernière.

carte météo france sécheresse

Le déficit de précipitations est de 80 % ou plus dans toute la France depuis le 21 janvier. (Source : Météo France)

C'est dans ce contexte d'urgence que le Sénat a relancé le 7 février sa mission d'information autour de la lutte contre les grands incendies forestiers. Initialement ouverte en juillet dernier, elle doit mener des auditions puis déboucher sur une proposition de loi au mois d'avril pour mieux coordonner la gestion du risque. « Avec le temps, il y a toujours du relâchement alors qu'il faut être en permanence capables de se dire que demain il y aura un grand incendie », agite la sénatrice centriste Nathalie Delattre.

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La pensionnaire du Palais du Luxembourg est, comme trois de ses homologues girondines, vice-présidente de la mission d'information sénatoriale qui vient de s'ouvrir. Du reste, tous les sénateurs du département en sont membres, preuve de l'importance accordée à la construction de perspectives législatives pour le territoire forestier. Elle-même évacuée en juillet dernier quand les flammes dévoraient la forêt des Landes, la vice-présidente du Sénat Nathalie Delattre a pu observer les défauts de mobilisation des ressources humaines. « Les bénévoles sapeurs-pompiers devaient attendre l'autorisation de leur employeur pour partir en intervention. Il faut qu'on arrive à faire en sorte qu'il y ait une automaticité de la disponibilité » souhaite l'élue, pour qui bénévoles et habitants ont constitué un « contingent déterminant. »

Une base Canadair pour la forêt des Landes ?

Pour sa collègue Florence Lassarade (LR), l'une des priorités est l'accessibilité des camions de pompiers dans la forêt des Landes. Certaines zones se sont en effet révélées inaccessibles. « Il faut construire des réserves d'eau en milieu forestier mais ça pose la question du calibrage des véhicules dans lesquels on va investir » cible-t-elle. Les moyens à mobiliser pour financer la prévention et l'intervention doivent être revus selon la sénatrice. Sur les 22 millions d'euros alloués cette année par le ministère de l'Agriculture aux DFCI régionale (Défense des forêts contre les incendies), l'Aquitaine touche 1,75 million. Un montant qui, comme le confirme la DFCI Aquitaine, est très en-deça de la dotation de 19 millions d'euros attribuée aux départements du Sud-Est, plus gros foyer à incendie du pays... habituellement mais pas en 2022.

L'implantation d'une base Canadair en Gironde ne fait en revanche pas consensus parmi les sénatrices. L'écologiste Monique De Marco, favorable au projet, a été soutenue par un amendement de Gérald Darmanin pour l'étude d'une base dans le département. « Il faut que les moyens soient mobilisables de façon définitive sur la Gironde, avec tout un processus qui accompagne la maintenance et la formation autour de cette flotte » argumente-t-elle pour La Tribune. Un souhait également exprimé par les élus locaux girondins tels que Jean-Luc Gleyze, le président du Département, et Alain Rousset, son homologue à la Région.

Pour Nathalie Delattre, en revanche, cette infrastructure ferait doublon avec celle de Nîmes, où les Canadair sont concentrés« C'est un coût considérable alors qu'il y a déjà toutes les qualités techniques sur la base de Nîmes. Ce n'est qu'à 1 heure et demie de vol de la Gironde » répond-elle, en ajoutant que les avions n'interviennent pas la nuit et peuvent donc retourner sur base pour effectuer la maintenance. Nathalie Delattre souhaite privilégier l'investissement dans des drones de surveillance et hélicoptères.

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Diversifier les espèces

Autre enjeu majeur pour les élues : revoir le mode de gestion et de développement de la forêt. Alors que 90 % des parcelles brûlées en Gironde l'été dernier étaient celles de propriétaires privés, la monoculture de résineux interroge. « Le sol n'est pas forcément assez riche pour diversifier les essences d'arbres mais oui, il serait vertueux de le faire, évoque Florence Lassarade. Les pare-feux ne sont par ailleurs pas suffisants. » Dans une note envoyée l'été dernier au président du Sénat, Nathalie Delattre abondait déjà en ce sens, souhaitant une reforestation qui privilégie « la diversification des espèces, et la création de zones tampons via des corridors d'essences feuillues et la systématisation des pare-feux. »

Les auditions conduites par les sénateurs et sénatrices vont se dérouler du 2 au 10 mars. Selon les informations de La Tribune, vont être auditionnés des représentants de la Direction générale de la sécurité civile, de l'Office national des forêts, des syndicats des forêts privées ou encore le directeur du Sdis 33 Marc Vermeulen. Des syndicats agricoles sont également attendus comme la Confédération paysanne ou la Fnsea. Des ministres devraient également être entendus à la fin de mois. Le texte final sera donc à l'image des retours d'expérience locaux. « Il faudra avoir des amendements qui puissent servir à notre forêt spécifique qui est une forêt d'exploitation », mobilise Monique De Marco. L'examen de la proposition de loi se déroulera début avril, en espérant ensuite que la navette parlementaire accomplisse son œuvre en conséquence de l'urgence.

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Maxime Giraudeau

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