« Ces grands incendies témoignent du dérèglement climatique et produisent de la casse sociale »

INTERVIEW. "En amont d'une crise il faut anticiper, prévenir, puis s'adapter et agir en aval. Et pendant les incendies de cet été nous avons appliqué ces deux derniers principes", estime le président (PS) du Conseil départemental de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, qui a organisé sa rentré politique à Hostens. Cette base départementale de loisirs s'est transformée en QG de l'appui aux pompiers, pendant les deux incendies géants de Landiras, au sud de la Gironde. Jean-Luc Gleyze veut profiter du travail accompli par ses services au cœur de cette tempête de feu pour que les conseils départementaux puisse, eux aussi, s'investir dans la sauvegarde des populations face à la crise climatique.
Jean-Luc Gleyze au Domaine départemental de Hostens ce 21 septembre 2022
Jean-Luc Gleyze au Domaine départemental de Hostens ce 21 septembre 2022 (Crédits : Agence APPA)

LA TRIBUNE - Pourquoi avez-vous choisi de faire votre rentrée dans ce domaine départemental des Lacs d'Hostens, dans la forêt du sud Gironde ?

Jean-Luc GLEYZE - Nous avons choisi le domaine d'Hostens pour au moins deux raisons. Tout d'abord parce qu'il se trouve à l'épicentre des deux incendies de Landiras 1 et 2, qui ont ravagé cette partie du département, et parce que nous avons rouvert ce domaine pendant les incendies, le 8 août, et qu'en quatre jours nous sommes passés de 300 à 2.000 repas servis quotidiennement aux pompiers et sapeurs-pompiers ! Cette base de loisirs départementale située à l'épicentre des incendies est ainsi devenue à l'initiative du Département un véritable camp de base pour la logistique, la restauration et le repos des équipes de secours.

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Dans l'article que vous avez publié sur le site de la Fondation Jean Jaurès, vous soulignez l'ampleur de la solidarité qui s'est spontanément mise en place sur le terrain, dans les communes forestières, face aux incendies qui ont brûlé au total 32.000 hectares cet été en Gironde. Et vous présentez ce qui ressemble à un plan de résilience territoriale : quelle est votre démarche ?

A partir de cette expérience d'Hostens, je suis parti sur une réflexion concrète : qu'avons-nous produit comme actions ? Nous avons assuré l'hébergement des évacués en rouvrant les collèges, permis l'évacuation des pensionnaires des Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, NDR) menacés vers des lieux d'accueil adaptés, rouvert le domaine d'Hostens, envoyé des équipes de psychologues pour aider les personnes en état de choc. Et toutes ces actions s'inscrivent dans une démarche de résilience territoriale. Il ne s'agit pas simplement d'un concept mais d'une réalité. En amont d'une crise il faut anticiper, prévenir, puis s'adapter et agir en aval. Et pendant les incendies de cet été nous avons appliqué ces deux derniers principes.

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Jean-Luc Gleyze à Hostens

Jean-Luc Gleyze (crédits : Agence APPA).

Vous voulez dire que le Département de la Gironde est en train de se doter d'une doctrine en matière de résilience territoriale ?

Quand on prend ces quatre principes on comprend tout d'abord que le Département a une vraie stratégie, qui devrait logiquement conduire à l'établissement d'un plan départemental des risques. La Gironde est un authentique laboratoire du dérèglement climatique. Nous avons eu deux tempêtes, en 1999 et 2009, avec Martin et Klaus, des inondations en 2020, dans des communes comme Origne, qui ont ensuite été touchées par les incendies, nous avons connu des gels tardifs, puis une première vague de canicule avec la grêle en juin, et enfin une deuxième vague de canicule avec les incendies. Les incendies ça dure plusieurs semaines et ça oblige à réagir de façon très adaptée, car il s'agit d'un type de crise différent des autres.

Vous parlez de l'établissement d'un plan de prévention des risques au futur : parce qu'il n'en existe pas aujourd'hui dans les départements ?

Nous voulons expérimenter la mise en place d'un plan départemental de sauvegarde. Actuellement les communes en ont un, ce qui permet notamment de savoir qui fait quoi en cas de crise, où sont les publics fragiles, etc. Naturellement la Protection civile est également impliquée.... Mais pas les Départements, qui sont complètement absents de ces dispositifs. Alors que ces derniers jouent un rôle essentiel en cas de crise comme nous avons pu le voir cet été. Ces grands incendies sont un élément symptomatique du dérèglement climatique. Et à chaque fois ces crises produisent de la casse sociale. Ce que nous avions déjà vu lors des tempêtes de 1999 et 2009. Comment récupérer les résidents exposés des Ehpad, empêcher l'aggravation de la situation... Les questions ne manquent pas. Comme celle de savoir qui va apporter à manger aux plus fragiles en cas de crise. C'est d'autant plus important que nous entrons dans une période qui va être de plus en plus difficile.

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Vous voulez parler du krach énergétique annoncé par certains et de l'impact de l'inflation sur la vie courante des consommateurs ?

Certains élus veulent que les bénéficiaires du RSA s'impliquent dans certaines actions pour continuer à bénéficier de cette aide. Mais ce n'est pas le moment ! Parce que nous voyons aujourd'hui des familles que nous n'avions jamais vu auparavant venir solliciter une aide alimentaire ou d'autres soutiens d'urgence. Nous avons créé le fonds Slim 33 pour aider les plus modestes à lutter contre la précarité énergétique. En septembre, nous avions déjà cumulé autant de demandes d'aides au titre du fonds de solidarité pour le logement, que nous abondons à hauteur de 3 millions d'euros par an, que pendant toute l'année 2021. Nous avons adopté un plan pour permettre aux aides à domicile de louer une voiture de fonction à moindre coût. Nous allons ainsi leur fournir 1.000 véhicules.

Etant donné la situation de nombreuses rémunérations d'agents sont remises à niveau et c'est très bien. Mais cela nous conduit à adopter un budget supplémentaire pour l'assemblée départementale de 60 millions d'euros. Sans aucune nouvelle recette en face. Nous devons donc être plus opérants face à la crise. Et je ne compte même pas les dépenses liées aux incendies, que nous n'avons pas encore calculées en détail mais qui devrait se situer entre 12 et 15 millions d'euros...

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Incendie

Au total les incendies de l'été 2022 ont brûlé 32.000 hectares de végétation (crédits : Agence Appa).

Aujourd'hui, le Service départemental d'incendie et de secours de la Gironde (Sdis 33), dont vous êtes le président, se trouve, avec la DFCI (Défense des forêts contre les incendies), au centre de la lutte contre ces incendies. Pouvez-vous nous repréciser les chiffres clés du Sdis 33 ?

Le SDIS 33 est financé par le Département, Bordeaux Métropole et l'intercommunalité. Il comprend aujourd'hui 3.000 pompiers professionnels, 2.000 volontaires, pour un budget annuel de 250 millions d'euros. Le calcul de la participation des collectivités aux Sdis est adossé depuis la loi Démocratie et proximité de 2002 sur l'effectif de la population. Il faut retenir que 2002 c'est l'année qui sert toujours de référence aujourd'hui pour le financement du Sdis 33, alors même que le département de la Gironde accueille chaque année 20.000 habitants de plus. Le différentiel entre la référence de 2002 et la population de Gironde d'aujourd'hui représente 400.000 personnes, qui ne sont pas prises en compte au titre du financement du Sdis 33. Sachant que chaque nouvelle tranche de 20.000 habitants représente 2.000 interventions de plus. Je tiens à préciser que nous avons quand même recruté 120 pompiers depuis le début de l'année, ou encore acheté un bras articulé élévateur de 60 mètres de long pour pouvoir intervenir sur les terrasses.

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Comment pensez-vous sensibiliser les membres du gouvernement, les députés à cette urgence ? Le très fort impact de ces énormes incendies de l'été 2022, sur le terrain comme dans les images, va-t-il suffire à provoquer une prise de conscience ?

Une mission flash m'a été confiée fin août ainsi qu'à mon collègue André Accary, de Saône-et-Loire, par François Sauvadet, le président de l'Assemblée des départements de France. Ce travail est un retour d'expérience sur ce qu'il faudrait faire pour traiter le type d'incendies que nous avons connu cet été. Il faut savoir que certains départements n'ont aucune expérience des grands incendies ni même de DFCI comme le Jura. Mais cette année ils ont été touchés. Ce rapport nous le remettrons lors du congrès national des Départements de France, qui se tient cette année le 14 octobre, à Agen. Et j'espère bien que la nécessité de réactualiser le budget du Sdis 33 -comme d'autres d'ailleurs-, au travers de l'évolution démographique du département, va s'imposer d'elle-même.

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Commentaires 10
à écrit le 24/09/2022 à 8:59
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Il faudrait cesser de confondre causes et conséquences. La chaleur n'est pas la sources des incendies, qui ont des causes très souvent humaines (pyromanes ou autres) et accidentelles. Par contre, par l'assèchement des sols et des végétaux, elle cont...

à écrit le 24/09/2022 à 1:58
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Le dérèglement climatique a bon dos pour dissimuler les méfaits de pompiers volontaires chasseurs de primes. Arrêtons de payer ces pyromanes chasseurs de primes et formons les militaires dans les casernes à la lutte contre les incendies naturels...

à écrit le 23/09/2022 à 18:18
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le dereglement climatique a bon dos si des saloparts craquaient pas l'allumette il n'y aurait prtatiquement pas de problemes a part un incident technique dans un champ ou un coup de foudre auquel cas s'il y a de l'orage il pleut maisc'est telleme...

à écrit le 23/09/2022 à 13:32
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Bonjour, Les grands incendie sont surtout du fait des pyromane de cette été .... Bien sûr ils ne faut pas le dire. Pour le reste les motivations, nous attendons les résultats des enquêtes de la gendarmerie....

à écrit le 23/09/2022 à 11:57
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Quand j'etais mino, il fausait des ete dans le S-O ecrasants de chaleur. On ne parlait pas d'incendie, il n'y en avait pas ou alors a la marge suite a un brulit imprudent d'un agriculteur. Enfin dernier point et pas des moindre, les espaces forestier...

le 23/09/2022 à 12:34
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chercher la reponse la ou ceux qui ont interdit de ramasser les bois mort ceux qui ont vanter la tempete pour laisser les bois pourir sur place alors oui avec la sécheresse la bombe a retardement c'est declenche mais la les responsables trouve une...

à écrit le 23/09/2022 à 11:26
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Rien avoir avec le réchauffement climatique, la plupart des incendies pour ne pas dire la majorité sont le fait de pyromanes

à écrit le 23/09/2022 à 10:44
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"Ces grands incendies témoignent du dérèglement climatique" Pas que: Selon un bilan provisoire dévoilé par la gendarmerie , 48 personnes ont été interpellées dont 4 pompiers volontaires dont un qui avait allumé 29 départ de feux !. Douze d'e...

le 23/09/2022 à 11:28
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Incroyable que le dérèglement climatique serve de prêt à expliquer pour tous les phénomènes que nous vivons…. Il faudrait peut-être faire marcher un peu plus ses méninges. La première cause des incendies, c’est la sécheresse souvent utilisées par des...

à écrit le 23/09/2022 à 9:38
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La première leçon des incendies est que la compensation Carbone par la plantation d’arbres est illusoire (c’est une fake news qui nuit à l’établissement de solutions pérennes). la deuxième est que la monoculture de résineux dans le sud est très risqu...

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