LGV vers Toulouse et Dax : week-end de contestation et de doutes à Bordeaux

« Stop LGV » : les opposants au projet de lignes à grande vitesse au sud de Bordeaux vers Toulouse et Dax ont compté leurs forces, ce samedi 28 janvier, dans la capitale girondine. Objectif : plaider pour la modernisation des lignes existantes jugée « moins coûteuse » et « plus écologique » qu'une nouvelle LGV qui menace notamment des espaces naturels en Gironde. Parallèlement, un rapport parlementaire sème le doute sur le calendrier de réalisation de la branche vers Dax et donc sur la faisabilité de l'ensemble du projet.
Quelques centaines d'élus locaux et de militants associatifs étaient réunis à l'Athénée municipale de Bordeaux, samedi 28 janvier 2023, pour demander l'arrêt du projet de LGV vers Toulouse et Dax.
Quelques centaines d'élus locaux et de militants associatifs étaient réunis à l'Athénée municipale de Bordeaux, samedi 28 janvier 2023, pour demander l'arrêt du projet de LGV vers Toulouse et Dax. (Crédits : Capture Twitter @sophie_bussiere)

Samedi après-midi, dans une salle municipale remplie de centaines d'élus et militants associatifs dans le centre-ville de Bordeaux, le maire UDI de Bayonne Jean-René Etchegaray, signataire en décembre d'un appel commun avec ses homologues de Bordeaux et Irun (Espagne), a rappelé ne « pas être contre le train » mais préférer « des trains pour nos déplacements quotidien ». Derrière cette déclaration, la volonté de moderniser les lignes entre Bordeaux et Irun dans le nord de l'Espagne, Bordeaux-Toulouse et Toulouse-Limoges-Paris. Une délégation est allée déposer à la préfecture de Gironde un message pour soutenir ce projet alternatif jugé moins « coûteux, moins énergivore, plus écologique et plus rapide » que le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), dont les travaux devraient commencer l'an prochain.

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Un « grand projet pharaonique »

Porté par les présidents socialistes des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, le GPSO vise à relier Toulouse à Paris en 3h10 et à Bordeaux en 1h05, soit un gain d'une heure sur chaque trajet et de vingt minutes entre Dax et la cité girondine. Le tout pour un coût d'au moins 14 milliards d'euros et une mise en service espérée par ses promoteurs pour le début des années 2030 vers Toulouse et dans la foulée pour Dax.

« On en a assez de ce grand projet pharaonique qui ne fait que traverser nos territoires sans s'arrêter », a réagi auprès de l'AFP Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux et opposant de longue date au projet. Il plaide pour « une nouvelle géographie ferroviaire » contraire « au passé de la grande vitesse ». La LGV « ne correspond plus à un modèle d'aménagement du territoire équilibré », a-t-il poursuivi, rappelant devant le public l'impact écologique de la LGV soit « 4.830 hectares d'artificialisation pour le tracé ». Jean-Luc Gleyze, le président du conseil départemental de la Gironde était également présent.

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En Sud Gironde, la LGV inquiète la forêt du Ciron

« C'est une balafre incroyable », se désole Jacqueline Lartigue, la maire de Bernos-Beaulac (Gironde). Ce village forestier de 1.150 habitants, déjà traversée par la très contestée autoroute A65 reliant Bordeaux à Pau, doit abriter l'embranchement des deux nouveaux tronçons LGV vers Toulouse et Dax. L'édile dénonce l'implantation de ce « triangle ferroviaire » au bord de la forêt du Ciron, une hêtraie vieille de 43.000 ans. Ce « trésor méconnu », équivalent à « la grotte de Lascaux » selon les défenseurs de l'environnement locaux, pourrait devenir une « zone à défendre » en cas de futur chantier. Rarissimes en plaine sous ces latitudes, ces hêtres ont su d'adapter à des conditions extrêmes et abritent aujourd'hui une vaste diversité de champignons et d'espèces habituellement répertoriées en montagne. Cette « Arche de Noé » de la biodiversité d'une cinquantaine d'hectares est située en majorité sur des parcelles privées et n'est classée que partiellement zone Natura 2000. Selon SNCF Réseau, « cette hêtraie n'est pas touchée et il n'y a pas d'impact » sur des arbres isolés car le tracé est prévu à plus de 2,7 km de la zone. La LGV ne menacerait pas non plus le proche vignoble de Sauternes, dont les prestigieux vins liquoreux dépendent de la « pourriture noble » apportée par les brumes humides de la hêtraie et de la vallée, assure également la compagnie

« Une colère qui monte chez les habitants »

Interrogée par l'AFP après sa sortie de la préfecture, la maire de Bernos-Beaulac (Gironde) Jacqueline Lartigue a évoqué « une colère qui monte chez les habitants et que personne n'entend », accentuée par l'entrée en vigueur d'une taxe spéciale d'équipement (TSE). D'un montant de 24 millions d'euros en 2023, elle touchera plus de 2.300 communes situées théoriquement à moins de 30 minutes d'une des gares des futures LGV. « D'un montant d'environ 3,40 euros pour quelqu'un qui a 1.000 euros de valeur foncière », selon ses promoteurs, elle provoque la colère de nombreux maires ruraux.

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Dans le camp des partisans de la LGV, l'heure est aussi à la mobilisation alors que le préfet Etienne Guyot, ancien coordinateur du GPSO, prendra ses fonctions à Bordeaux ce lundi 30 janvier. Trois jours plus tôt, le président de la Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset et celui du Pays basque autonome espagnol Inigo Urkullu ont affiché leur « détermination » à permettre une connexion France-Espagne, grâce à la LGV reliant Bordeaux à Dax. Début janvier, lors de ses vœux, l'élué n'a pas caché son agacement vis-à-vis de ce projet alternatif de modernisation, le jugeant « pas crédible » : « Il n'y a pas d'alternative ! Rénover l'existant c'est un projet qui ne tient pas, notamment parce cela nécessiterait d'arrêter tous les trains vers Toulouse et le sud de la région pendant cinq ans ! Ce n'est tout simplement pas faisable ! ». Alain Rousset est aussi allé à Bruxelles le 25 janvier pour chercher le soutien de la Commission européenne. La participation financière de l'Union européenne (espérée autour de 2,8 milliards d'euros) est en effet la clef du projet puisque le gouvernement assure qu'il ne financera pas la part de Bruxelles si celle-ci venait à renoncer.

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Doutes sur le calendrier de réalisation

C'est dans ce contexte déjà tendu que le rapport que le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui doit être présenté à l'Assemblée nationale ce mercredi 1er février, évoque un possible décalage dans le temps du projet Bordeaux-Toulouse et un report encore plus lointain de Bordeaux-Dax. Ce rapport de 174 pages, que La Tribune a pu consulter dans sa version définitive, a élaboré trois scénarios du plus économe au plus ambitieux. Dotés de moyens financiers et donc de calendriers très différents, ils laissent planer le doute sur la réalisation de la liaison vers Dax puis vers l'Espagne. Ce dernier tronçon, qui ne figure pas dans la déclaration d'utilité publique du GSPO, pourrait cependant conditionner le soutien financier de Bruxelles au projet.

Le premier scénario « contrainte budgétaire » retarde ainsi toutes les phases d'environ dix ans. Il prévoit de mener les travaux de la LGV Bordeaux-Toulouse de 2033 à 2039, de la LGV vers Dax à partir de 2041 et de la liaison vers l'Espagne à l'après 2042, sans date précise. Le scénario intermédiaire « planification écologique » table sur un calendrier plus rapide : Bordeaux-Toulouse de 2030 à 2035, Bordeaux-Dax de 2038 à 2042 et le lancement de la phase d'études vers l'Espagne à partir de 2039. Enfin, le troisième scénario qualifié de « priorité aux infrastructures » est le plus ambitieux pour répondre aux attentes des promoteurs du projet GPSO. Il vise un chantier pour la LGV Bordeaux-Toulouse de 2027 à 2032, pour Bordeaux-Dax de 2033 à 2038 et pour la liaison vers l'Espagne de 2038 à 2042.

Le gouvernement devrait se prononcer sur le sujet d'ici la mi-février, selon Renaud Lagrave, le vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine, qui rappelle que « l'accord signé avec l'Etat c'est de réaliser les deux lignes en suivant, sans poser la truelle, notamment pour optimiser les coûts ». Et l'élu landais de rappeler que le rapport du COI n'a pas nécessairement valeur d'évangile : « Dans le précédent rapport de 2018, le GPSO ne figurait pas entièrement mais cela n'a pas empêché le gouvernement de le remettre sur les rails en 2021 ! »

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Commentaire 1
à écrit le 30/01/2023 à 17:13
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Bravo au gens de nouvelle Aquitaine qui ont compris que nos élus sont devenus fous 14 milliards qui en deviendront 20 à terme, des impôts supplémentaires prélevés aux habitants vivants à moins de une heure d’une gare TGV même ceux qui ne prennent jam...

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