
[Article mis à jour à 15h30 avec la réaction d'Alain Rousset]
Fixée par un arrêté du 31 décembre 2022, la liste des 2.340 communes de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie soumises à la taxe spéciale d'équipement (TSE) destinée à financer les LGV pour relier Toulouse à Bordeaux en une heure et Dax à Bordeaux en 50 min à l'horizon 2030-2034 est désormais connue. Ce nouvel impôt local, dont le montant sera réévalué chaque année, doit permettre de récupérer 24 millions d'euros en 2023. Il est instauré pour 40 ans et permettra donc de récupérer a minima un milliard d'euros sur un total d'au moins 14 milliards. Mais à peine entré en vigueur il suscite déjà des protestations. En cause, le critère retenu pour sélectionner les zones concernées : « les communes situées à moins de soixante minutes par véhicule automobile d'une gare desservie par la future LGV ».
Une taxe « insupportable »
Au regard de ce critère théorique, sont donc assujetties la quasi totalité des communes de Gironde, des Landes, de Lot-et-Garonne, de Haute-Garonne, du Tarn-et-Garonne certaines communes des Pyrénées-Atlantiques, du Gers, du Tarn, du Lot, de l'Aude et de l'Ariège et deux communes des Hautes-Pyrénées. Mais aussi, de manière plus acrobatique, des secteurs de Dordogne, Charente et Charente-Maritime qui sont objectivement moins concernés par la LGV au sud de Bordeaux mais dont les habitants et entreprises devront quand même mettre la main à la poche. Avec la désagréable sensation de ne payer que pour voir passer les trains et de revivre le mauvais scénario de la LGV Paris-Bordeaux.
Des élus de Charente et Charente-Maritime, au nord de Bordeaux, s'indignent ainsi que leurs contribuables soient assujettis à cette TSE. Au total, 81 communes du sud des deux départements sont concernées. Cette taxe est « insupportable » pour des territoires « où la nouvelle ligne n'a aucun intérêt dans le quotidien » des habitants, a déclaré à l'AFP mercredi Jeanne Blanc, maire de Cercoux (Charente-Maritime). « Je mets au défi d'aller à Bordeaux en une heure », abonde Michel Masero, maire de Neuvicq (Charente-Maritime) qui souhaiterait donner la priorité aux petites lignes, utilisées par ses administrés.
Jacques Chabot, président de la communauté de commune charentaise de Baignes, Barbezieux, Blanzac et Brossac, fustige l'absence de « concertation » : « Personne n'a été prévenu. Les parlementaires n'ont rien dit, les préfets non plus », assure l'ancien maire de Jonzac (Charente-Maritime) et sénateur, Claude Belot. « Cette taxe est nécessaire et n'est pas une surprise puisqu'elle figure dans la loi de finances pour 2022 », juge de son côté Alain Anziani, le président de Bordeaux Métropole, favorable au projet.
Un projet alternatif vers l'Espagne ?
Cette nouvelle taxe s'ajoute aux taxes foncières, à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et à la cotisation foncière des entreprises (CFE). « Elle sera d'un montant d'environ 3,40 euros pour quelqu'un qui a 1.000 euros de valeur foncière », détaille Guy Kauffmann, directeur général de la société de financement du GSPO (grand projet ferroviaire du Sud-Ouest). Le Parlement a également adopté en novembre le principe d'une taxe additionnelle de 34 % à la taxe de séjour dans les départements traversés pour financer le GPSO, qui entrera en vigueur l'an prochain. Une fiscalité additionnell qui pourrait bien avoir du mal à convaincre dans le contexte inflationniste actuel avec une hausse de prix en France de +5,2 % sur l'ensemble de l'année 2022.
Ce projet de double LGV est porté à bout de bras par les présidents de la Nouvelle-Aquitaine et de l'Occitanie, qui ont reçu ces dernières années le soutien décisif de l'ancien Premier ministre Jean Castex. même si des incertitudes conséquentes demeurent sur son financement par l'Union européenne. Et ce projet est critiqué pour son coût et son impact sur la biodiversité par d'autres élus locaux dont le maire écologiste de Bordeaux Pierre Hurmic. La semaine dernière, ce dernier a défendu avec les maires de Bayonne et Irun (Espagne) une alternative consistant à moderniser la ligne existante entre la frontière espagnole et Bordeaux et dénonçant un projet GPSO « pas crédible car la prolongation vers l'Espagne n'est ni programmée ni finançable » soulignant qu' « un rapport du Conseil d'Orientation des Infrastructures du 12 décembre 2022 envisage une réalisation Dax-Irun au plus tôt en 2042 ».
Déjà l'an dernier, plusieurs intercommunalités de Nouvelle-Aquitaine invitées à voter leurs contributions financière au GPSO avaient trainer des pieds contraignant le conseil régional à avancer plusieurs centaines de millions d'euros.
Alain Rousset : « Il n'y a pas d'alternative ! » À la Région Nouvelle-Aquitaine, le président Alain Rousset, est un farouche partisan de la LGV : « Tout le monde est attentif au moindre euro mais on est sur une taxe de trois à quatre euros par an pour un propriétaire sur une base foncière de 1.000 euros ! Il faut mettre en face de cela le service rendu par la LGV », réagit-il. Quand au projet alternatif de rénovation des lignes existantes défendu par le maire de Bordeaux, il ne le juge tout simplement « pas crédible » : « Il n'y a pas d'alternative ! Rénover l'existant c'est un projet qui ne tient pas, notamment parce cela nécessiterait d'arrêter tous les trains vers Toulouse et le sud de la région pendant cinq ans ! Ce n'est tout simplement pas faisable ! »
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