C'est du premier confinement et de la prise de conscience cruelle des ruptures d'approvisionnement en produits de santé essentiels qu'est né ce groupe de travail régional. Piloté par Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l'université de Bordeaux, et Francis Carré, directeur industriel chez Sanofi, associe une quarantaine d'acteurs publics et privés de Nouvelle-Aquitaine.
Après des mois de travaux, les deux pilotes ont effectué une première restitution au conseil régional ce mardi 23 novembre.
"La relocalisation d'industries de santé est un processus très lourd, très compliqué et très long", pour ne pas dire illusoire, a très vite dissipé Francis Carré. "Il vaut mieux poursuivre une stratégie d'opportunités ponctuelles en fonction de la technologie ou du contexte macro-économique. Mais la priorité est de faire en sorte qu'un principe actif créé dans la région y reste parce qu'il y trouve toutes les ressources nécessaires. C'est particulièrement crucial pour les biotechnologies", insiste-t-il.
Déployer une stratégie d'enracinement
La principale piste est donc, selon Francis Carré, "d'ancrer durablement les productions de produits de santé sur le territoire". Bernard Bégaud et son copilote défendent ainsi l'idée de structurer "une plateforme technologique dédiée aux biotechnologies et aux biomédicaments" en s'appuyant sur l'expertise reconnue de l'ENSTBB (École nationale supérieure de technologie des biomolécules de Bordeaux). Située sur le campus Carreire à Bordeaux et dirigée par Nobert Bakalara, elle dispose en effet d'outils et de savoir-faire très précieux en matière de biotechnologies. Ses étudiants sont d'ailleurs très nombreux à avoir rejoint la pépite girondine Treefrog Therapeutics qui est en passe de révolutionner la production des cellules souches et est citée en exemple de réussite.
Ces synergies entre l'ENSTBB, la Région Nouvelle-Aquitaine et les entreprises de la biotechnologie étaient justement au cœur de la table-ronde organisée par La Tribune le 9 novembre dernier.
Fédérer largement acteurs publics et privés
"Dans le sillage d'Allis-NA, l'idée est donc d'élargir l'activité de transfert industriel de l'ENSTBB en lien avec d'autres centres universitaires tels que l'IECB (Institut européen de chimie et biologie) à Pessac et les campus de de La Rochelle et Limoges", résume Françoise Jeanson, la vice-présidente du conseil régional en charge de la santé. Des entreprises régionales dont Treefrog Therapeutics, Merck, Bioluz, Sanofi, Lucine, DRT, Silab ou Elicit Plant seront également associées avec des enjeux de mutualisation des outils de production mais aussi des compétences. Le tout en fédérant plus largement les acteurs publics et privés de la santé mais aussi du cosmétique et du domaine vétérinaire.
"Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'en matière de biotechnologie il existe un principe de bio-équivalence mais pas d'identité. Cela signifie que quand elles sont implantées quelque part, elles y restent. Cela signifie que ce sont des procédés peu délocalisables ou relocalisables. L'enjeu est de taille puisque "50 à 60 % des médicaments seront demain d'origine biotechnologique", souligne Francis Carré.
Ce campus des biotechnologies est une stratégie qui plaît bien à Alain Rousset, le président du conseil régional. Il juge ainsi indispensable "de conserver et industrialiser nos innovations dans la région afin d'être leader dans l'indépendance d'approvisionnement vis-à-vis de l'Asie et dans le bio-sourcing". Car la recherche de produits, matériaux et molécules entièrement ou partiellement fabriqués à partir de matières d'origine biologique est aussi érigée au rang de priorité.
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