Gestion de l'eau : ces entreprises qui innovent pour valoriser les eaux usées

Récupération des eaux, stations d'épuration décentralisées, traitement à l'écorce : alors que la France recycle moins de 1 % de ses eaux usées, des entreprises de Nouvelle-Aquitaine, comme UV Germi, Tergys et Pearl, développent des technologies pour améliorer le système de traitement hydrique. S'ouvrant à un marché encore émergent, les perspectives sont nombreuses et les défis urgents, dans une région où le bassin-versant Adour-Garonne verrait ses débits baisser jusqu'à -50% d'ici 2050.
Maxime Giraudeau
Les techniques développées par les startups permettent notamment de traiter les eaux usées pour les utiliser en irrigation.
Les techniques développées par les startups permettent notamment de traiter les eaux usées pour les utiliser en irrigation. (Crédits : Olivier Aumage)

Face aux nuisances humaines et aux bouleversements climatiques, l'innovation peut-elle nous sauver du dégât des eaux ? A en croire les nouveaux systèmes de recyclage proposés par des entreprises de Nouvelle-Aquitaine, oui. Le changement n'est pas structurel mais des modèles essayés ici et là pourraient inspirer les réseaux à plus grande échelle.

Pour deux entreprises, le chaînon d'intervention se situe en sortie de station d'épuration. Ici, elles proposent des traitements qui permettent de désinfecter l'eau usée, sans la rendre potable, mais en permettant son utilisation en agriculture pour l'irrigation ou pour des usages domestiques. Une action qui permet d'éviter le rejet de l'eau en milieu naturel dès sa première utilisation.

La première, UV Germi, basée à Limoges, est capable d'éliminer les micro-organismes présents en milieu aquatique (bactéries, champignons et virus) grâce à l'action des rayons ultraviolets de type C. En utilisant l'effet assainissant du soleil, la société, créée en 2009, offre une alternative au traitement par chlore. Son dispositif a par exemple été déployé sur l'île de Ré, entre une station d'épuration et un bassin de rétention d'eau utilisé pour l'arrosage des champs.

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"On récupère des eaux usées traitées en sortie de station d'épuration pour économiser la ressource et la redistribuer, autant à l'échelle de la maison individuelle qu'à l'échelle industrielle" énonce Willy Fortunato, directeur général d'UV Germi, rappelant aussi que l'entreprise commercialise toujours en BtoB. Son chiffre d'affaires, qui s'élevait à 6,6 millions d'euros en 2020, sera notamment soutenu par sa participation à la rénovation du réseau d'eau de Brive-la-Gaillarde.

Système complémentaire, décentralisé et autonome

Autre innovation qui pourrait s'intégrer aux réseaux d'eau des collectivités, le système d'ultrafiltration par membrane organique de Tergys. L'entreprise basée à Blanquefort (Gironde), dans l'incubateur de Bordeaux Technowest, développe un container abritant un dispositif filtrant capable d'éliminer les éléments microbiologiques et les matières en suspension dans l'eau. Le tout avec l'avantage d'être déconnecté du réseau principal et auto-suffisant.

"Le recyclage des eaux usées sur les métropoles nécessite un double réseau qui peut être très lourd en investissement. Nous proposons un système décentralisé, léger et sans empreinte carbone, qui se place au plus près des usages finaux", explique Hervé Suty, PDG et cofondateur de Tergys, visant une utilisation pour l'irrigation ou le lavage domestique.

Avec un prix au m3, sans compter l'investissement matériel de base, qui se veut 20 % moins cher que l'offre du système d'eau potable.

La startup lancée en 2017 vient d'effectuer sa toute première vente, pour le compte de Total Energies du côté de Lacq (Pyrénées-Atlantiques). Et vise désormais l'international avec des implantations de kiosques à eau pour des villages au Cambodge notamment. Alors que son chiffre d'affaires s'élevait à 70.000 euros l'an passé et 300.000 euros cette année, Tergys ambitionne d'opérer une levée de fonds de 1,5 million d'euros en 2022. Avec également l'objectif de passer de 5 à 30 salariés d'ici quatre ans.

Précieuse écorce

Chez eux, on vise plutôt le secteur industriel. Pour Pearl, implantée à Limoges depuis 2006, les écorces de bois sont précieuses car elles traitent les métaux lourds présents dans l'eau. "Quand un arbre pousse dans un environnement pollué, il capte les émissions carbone mais son système naturel permet de trier les nutriments et les polluants. Ces derniers sont captés par la partie morte de l'arbre : l'écorce", enseigne Loïc Jauberty, responsable R&D de Pearl.

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C'est donc grâce à des tapis filtrants, composés d'écorce de pin maritime, que l'entreprise peut détoxifier l'eau ayant servie dans le processus du recyclage et nettoyage des batteries usagées. Le tout pour un coût estimé à un euro par m3.

"Le but est de pouvoir réutiliser les eaux traitées et ne plus avoir besoin de pomper de l'eau en milieu naturel. Les industriels doivent pouvoir réutiliser la même eau en circuit fermé, grâce à des procédés de plus en plus propres", vise le responsable de Pearl.

L'entreprise a, depuis 2019, année de la commercialisation de son produit, quintuplé son chiffre d'affaires qui atteint 150.000 euros en 2021. Avec ses huit salariés, elle a déjà organisé trois levées de fonds pour un montant total de deux millions d'euros.

Pas cher mais peu mieux faire

Des croissances logiques pour ces trois entreprises, expliquées par les impératifs environnementaux qui gagnent aussi bien les collectivités que les industriels. Mais les défis demeurent majeurs puisque, si la ressource disponible en eau diminue, les contraintes exercées sur elle ne font qu'augmenter.

"On en est encore au balbutiement de la réutilisation des eaux", évoque Willy Fortunato d'UV Germi, avant d'appuyer sur son essor nécessaire. "Une goutte d'eau qui tombe en Corrèze est bue dix fois sur le bassin versant avant d'arriver à Bordeaux. Il y a une énorme pression sur la ressource naturelle."

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Une transition dans la maîtrise de l'eau dont le territoire a crucialement besoin, pour une ressource qui va se faire rare. Une façon aussi de rentabiliser davantage le coût de traitement et d'acheminement de l'eau potable. Car si la France fait bien partie des pays européens où le prix mètre cube (4 euros en moyenne) demeure parmi les moins chers, elle traîne loin derrière l'Italie et l'Espagne. Le coût de l'eau potable y est divisé par deux, quand le taux de recyclage des eaux y est quinze à vingt fois supérieur.

Maxime Giraudeau

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