
« Pourquoi ils font encore une réunion publique ? » Hier, dans la salle des fêtes du Grand Parc à Bordeaux, il y a avait de la curiosité parmi citoyens et associations venus assister à une réunion publique sur la transformation promise des boulevards bordelais. Énième étape de concertation d'un processus initié sous la précédente mandature dans les années 2010. Le sujet intéresse puisqu'une centaine de personnes était réunie pour faire valoir ses avis et guetter d'éventuelles annonces.
La surprise n'est pas arrivée du côté des élus mais de la part d'une troupe de théâtre d'improvisation qui a joué quelques saynètes inspirées du quotidien mouvementé de cet axe de 19 kilomètres de long, ceinture routière du cœur de ville et trait d'union entre Bordeaux et cinq communes métropolitaines. 130.000 habitants vivent à proximité des boulevards, environ 60.000 y travaillent et beaucoup réclament une version 21e siècle de cet axe majeur d'activités et de déplacements. « On a rarement eu un espace public avec autant d'enjeux », a cadré Andréa Kiss, maire du Haillan et vice-présidente métropolitaine chargée des espaces publics et de la voirie. « Ce n'est pas un projet de voirie mais un projet d'espace public. »
La bataille des mobilités
Comment diminuer la pollution sur les boulevards ? Peut-on améliorer l'efficacité des bus ? Faut-il construire une piste cyclable quitte à couper les arbres ? Et cette grande question : aura-t-on toujours des voitures sur cet axe routier dans quinze ans ? Les boulevards sont le meilleur reflet de la lutte pour l'espace entre les modes de transport. Autrefois relégué, le vélo a fait sa place sur la ceinture de bitume pendant la pandémie de Covid puis après que le maire de Bordeaux a décidé en 2020 de réserver une voie aux cyclistes et transports en commun, sans concertation et en vertu de l'urbanisme tactique qu'il revendique tant. Résultat : il y a aujourd'hui autant d'usagers à vélo et dans les bus que dans les véhicules individuels.
La pollution a quant à elle baissé et la fréquentation des bicyclettes a doublé sur l'axe. Pour l'association bordelaise Vélo Cité, il faut aller plus loin et créer une voie entièrement réservée le long des boulevards. Mais difficile d'imaginer qu'une mairie écologiste porte le projet qui nécessiterait, en l'état actuel, de couper des centaines d'arbres entre route et habitations. A travers la concertation initiée en 2019, les citoyens conditionnent la diversification des modes de déplacement à la mise en place d'équipements relais (parkings, autopartage...). Beaucoup insistent aussi sur la sécurisation de la place accordée aux piétons. Quant aux automobilistes, déjà impactés par l'arrivée de la ZFE (zone à faibles émissions), ils n'entendent pas être de nouveaux exclus d'une portion routière.
Un découpage en cinq secteurs très différents
Les boulevards parcourent la ville de façon circulaire et traversent des quartiers aux ambiances, usages et architectures très hétéroclites. La transformation des boulevards va donc être découpée en cinq séquences géographiques. Au Nord, les Bassins à flot, Bacalan et le Grand parc sont regroupés et constituent une section majeure pour le trafic puisque d'importants flux de véhicules y pénètrent depuis la rocade. A l'Ouest, la partie entre Caudéran et Saint-Bruno est émaillée par la présence de nombreux commerces autour des barrières notamment. Au Sud, deux secteurs également importants pour les entrées de trafic et à l'interconnexion avec le campus universitaire.
Le secteur Sud-Ouest lui est d'ailleurs très impatient de la mise en service du pont Simone Veil, prévue pour 2024, qui doit définitivement boucler la ceinture et relier les rives mi-2024. Dernier secteur, sur la rive droite à l'Est, la partie qui serpente entre Floirac et le quartier Bastide devrait connaître une augmentation des flux et une arrivée massive d'habitants avec la livraison des logements d'Euratlantique. Jusqu'à la fin de l'année, des réunions publiques par secteur vont prolonger la concertation. La Métropole se donne trois ans pour décider des orientations et aménagements à réaliser. « On espère avoir réalisé des choses d'ici 2026 », veut rassurer Cécile Masselet, chargée de mission. Important en vue des élections municipales et métropolitaines qui auront lieu cette année-là.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir. (crédits : A'urba)
Vers une mutation des usages
Si la ceinture est perçue aujourd'hui comme un lieu routier de circulation, les élus de gauche métropolitaine veulent aussi y voir un lieu de vie. Commerces, écoles, entreprises, stade, hôpital : de nombreuses activités sont implantées en bordure de boulevards. En lien avec les préconisations du public, le projet veut redonner une fonctionnalité autre que celle de la mobilité, comme c'était le cas à leur construction au 19e siècle. Mais rien n'est encore concret au-delà des ambitions annoncées par la Métropole.
« Nous allons transformer progressivement un lieu routier de circulation en lieu de vie », a indiqué laconiquement Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux. « On aura gagné quand on aura réussi à faire revenir les gamins dans cet espace public », a de son côté illustré Andréa Kiss, pour combler l'absence de modélisation concrète.
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