Dans un contexte politique porteur, Hydrogène de France s'ouvre à de nouveaux marchés

La PME bordelaise Hydrogène de France, soutenue financièrement par le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, vient de signer un partenariat avec le groupe gazier palois Teréga tout en postulant à un projet de grande envergure en Nouvelle-Calédonie. L'entreprise qui ambitionne de construire une usine à Bordeaux s'appuie sur un savoir-faire prometteur et un contexte politique porteur à tous les niveaux.
(Crédits : Capture d'écran HDF Industry)

L'hydrogène vert, c'est à dire produit par électrolyse de l'eau grâce à de l'électricité issue de sources renouvelables, est sur toutes les lèvres ces dernières semaines. Alors que la Commission européenne vient de présenter son plan pour développer l'hydrogène propre, l'Allemagne avance ses pions tout comme désormais la France puisque le tandem Emmanuel Macron et Jean Castex ne cessent d'en vanter les mérites pour accompagner la décarbonation de l'économie. Sur le terrain, les projets plus ou moins ambitieux et plus ou moins concrets se multiplient même si 95 % de l'hydrogène reste effectivement fabriqué à partir d'énergies fossiles quand moins de 5% est produit à partir du nucléaire ou d'énergies renouvelables. Ce dernier demeurant de surcroît plus cher à produire.

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De l'Europe à la rive droite

Néanmoins, Kadri Simson, la commissaire européenne chargée de l'énergie et Francesco La Camera, le directeur général de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) assurent que l'hydrogène "peut servir de carburant pour les bus, les trains et les camions et peut-être, dans le futur, pour les navires et les avions. Il permet d'équilibrer un système énergétique fondé sur les renouvelables en convertissant l'électricité en hydrogène, lorsque le vent souffle ou que le soleil brille, et en stockant des volumes importants de cette énergie pour une utilisation ultérieure". Les deux responsables estiment qu'en Europe, "l'hydrogène représente actuellement moins de 2 % du bouquet énergétique mais qu'il pourrait représenter de 13 à 14 % d'ici à 2050."

Au niveau régional et local, les élus y croient également. Chaque région française ou presque s'est dotée d'une forme de plan hydrogène à l'instar de l'Occitanie en 2019. En Nouvelle-Aquitaine, l'agglomération de Pau fait rouler depuis quelques mois huit bus à l'hydrogène ; Engie Solutions et Smurfit Kappa vont déployer un démonstrateur à l'hydrogène en Haute-Vienne et Bordeaux Métropole a décidé de structurer la future Opération d'intérêt métropolitain (OIM) de la rive droite "autour des énergies renouvelables, de l'hydrogène et des activités du fleuve", a rappelé Alain Anziani, le nouveau président de l'intercommunalité.

Une usine à Bordeaux Métropole ?

C'est dans ce contexte politique particulièrement porteur que l'entreprise Hydrogène de France, basée à Lormont, près de Bordeaux, fait parler d'elles depuis plusieurs mois. HDF, qui devrait atteindre une trentaine de salariés en fin d'année, mise sur l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur de stockage massif de l'énergie dans les projets de centrales d'énergies renouvelables grâce à des piles à combustible à forte puissance. Pour avancer, la PME vient de bénéficier d'une subvention conséquente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine à hauteur de 1,16 million d'euros dont 700.000 euros spécifiquement sur le projet de piles à combustible.

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"L'objectif de HDF est de devenir leader mondial des solutions de stockage massif d'électricité pour des fortes puissances, utilisables dans les projets associant dans une même centrale la captation d'énergie primaire (solaire) et son stockage et dans les applications pour le transport ferroviaire et maritime", rappelle le conseil régional. Hydrogène de France y travaille notamment avec l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux.

A terme, l'entreprise a annoncé la construction dans l'agglomération bordelaise d'une usine de production de piles à combustibles et a d'ailleurs déposé en ce sens, via sa filiale HDF Industry, un dossier de candidature auprès de Bordeaux Métropole pour investir une partie de la friche industrielle libérée par Ford à Blanquefort. La PME ambitionne d'y créer sur trois hectares une centaine d'emplois et une usine de 4.000 m2 qui pourrait rapidement grimper à 2.000 m2. Il reste à savoir si les calendrier seront compatibles puisque HDF espère un dépôt de permis de construire avant 2021.

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De la R&D dans les Pyrénées Atlantiques

Parallèlement, Hydrogène de France, qui se rémunère pour l'instant via des prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage et d'ingénierie de projet pour 2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, se positionne sur d'autres marchés d'avenir. Après Ballard Power Systems l'an dernier puis le groupe ABB au printemps 2020, Hydrogène de France a signé un nouveau partenariat d'envergure avec le groupe gazier Teréga autour de l'hydrogène géologique. Baptisé Hygeo, ce projet de recherche est soutenu par le conseil régional à hauteur de 464.000 euros. "Il y a une très grande complémentarité entre nos savoir-faire", avance Damien Havard, le directeur général d'Hydrogène de France. "Teréga développe des réseaux de gaz qui pourront être demain à l'hydrogène et nous on sait offrir des services d'interface entre Teréga et RTE par exemple."

Concrètement, il s'agit d'utiliser des cavités salines présentes naturellement dans certaines couches du sous-sol pour y stocker de l'hydrogène. "Cela peut permettre de très grands stocks d'hydrogène dans des réservoirs naturels qui étaient utilisés auparavant pour stocker des hydrocarbures. C'est une solution parmi d'autres pour faire du stockage massif, une démarche sur le long terme qui ne sera traduite en réalité économique que dans quelques années. On y travaille avec Teréga, le pôle Avenia à Pau et le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières.)", ajoute le chef d'entreprise. L'étude technico-économique doit démarrer en 2020 avant les phases d'ingénierie et de construction prévues à partir de 2022 pour une exploitation en 2024 à Carresse-Cassaber, dans les Pyrénées-Atlantiques. De son côté, Teréga (500 millions d'euros de chiffre d'affaires et 650 salariés) s'est associé avec dix autres acteurs du gaz opérant dans neuf pays européen pour promouvoir l'adaptation des infrastructures gazières existantes au transport de l'hydrogène.

Et un projet en Nouvelle-Calédonie

Enfin, HDF, qui supervise des projets dans une quinzaine de pays, a également candidaté pour un projet de grande ampleur en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'un investissement d'un milliard d'euros - soit un tiers du montant des projets actuellement pilotés par Hydrogène de France - porté par Cagou énergies pour remplacer la centrale électrique au fuel de Doniambo, à Nouméa. "Cet appel d'offres a été conçu pour des acteurs gaziers mais nous avons voulu nous positionner pour faire bouger les lignes. Notre proposition combine 80 % d'énergie renouvelable avec du stockage hydrogène et 20 % d'énergie produite par une unité diésel. C'est une candidature solide de 300 pages et six mois de travail. On y va pour gagner", assure Damien Havard, qui attend la réponse pour le courant du mois de septembre.

"On développe des projets autour de l'hydrogène depuis huit ans en se débrouillant seul, mais si demain on peut être soutenu davantage par les pouvoirs publics pour conforter notre avance, ce sera très positif ! Il y a un retournement politique qui peut être salutaire pour nous qui sommes un leader international mais qui devons attaquer des marchés qui seront demain beaucoup plus importants", relativise Damien Havard, qui pense au verdissement des transports mais aussi des infrastructures portuaires ou encore des data centers.

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