Logement social : les bailleurs néo-aquitains tirent la sonnette d'alarme

Regroupés dans l’Union régionale HLM de Nouvelle-Aquitaine, les bailleurs sociaux néo-aquitains dénoncent les dangers de la politique financière de court terme du gouvernement, qui sape l’activité de construction de nouveaux logements et les capacités d’entretien du parc. Ils s’inquiètent aussi des effets de la politique de vente de logements sociaux, alors même que les quotas exigés par la loi SRU sont très loin d’être atteints.
Malgré ses quotas de logements sociaux, Bordeaux est toujours en phase de rattrapage.
Malgré ses quotas de logements sociaux, Bordeaux est toujours en phase de rattrapage. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

Le Grand Débat lancé par le président de la République Emmanuel Macron, face à la fronde des Gilets jaunes, fait l'impasse sur le logement. Une erreur cruciale pour les responsables du logement social, en particulier dans notre région. C'est la raison pour laquelle l'Union régionale HLM (URHLM) de Nouvelle-Aquitaine, présidée par Muriel Boulmier, a organisé cette semaine une rencontre avec la presse, au Club de la presse de Bordeaux.

Une réunion à laquelle ont participé des élus qui évoluent au plus près du terrain : Guy Clua, maire de Saint-Laurent, en Lot-et-Garonne (Aquitaine), vice-président de l'Association des maires ruraux de France, Bernard Cornu, délégué du président à l'urbanisme du Grand Poitiers, référent territorial de l'Assemblée des communauté de France en Nouvelle-Aquitaine, et Pierre Ducout, maire de Cestas (Gironde), trésorier de la Fédération régionale des associations des maires de la Nouvelle-Aquitaine. Une mobilisation inhabituelle pour bien marquer la gravité de la situation.

700.000 locataires dans le logement social

"Le Grand Débat a été lancé sur plusieurs thèmes par le président de la République et nous sommes tous étonnés que le logement n'en fasse pas partie ! D'autant qu'il représente près d'un tiers des dépenses des ménages et que les alarmes sur le mal-logement se multiplient. D'autre part, le président de la République avait annoncé un choc par l'offre et ce que l'on voit c'est un tassement de la production de logements neufs" a tout d'abord lancé Muriel Boulmier.

Le logement est un secteur très règlementé et son évolution est soumise, de façon déterminante, aux décisions politiques prises par le gouvernement. L'impact lourdement dépressif pour le marché immobilier de la suppression par le gouvernement Fillon (fin 2011) du prêt à taux zéro en est l'illustration la plus manifeste. Comme le précise l'URHLM de Nouvelle-Aquitaine, qui couvre au total 700.000 locataires en 2019, plus du tiers des entrants dans le parc HLM "sont des travailleurs pauvres ou en emploi précaire". Ainsi 41 % des locataires du parc social ont des revenus qui les situent sous le seuil de pauvreté, 44 % sont des personnes seules et 70 % des nouveaux entrants ont des ressources inférieures aux plafonds du PLAI (prêt locatif aidé d'intégration), soit (en région) de 11.342 € pour une personne seule à 29.155 € pour six personnes.

APL : 800 M€ à la charge des bailleurs sociaux

Semblant donner raison aux critiques qui dénoncent l'action à la tête de l'Etat d'un courant idéologique ultra-libéral qui n'hésite plus à s'attaquer aux plus démunis, le gouvernement a réduit en 2017 de 5 euros par mois le montant de l'APL (aide personnalisée au logement) mesure qui, comme le rappelle l'URHLM, a touché 6 millions de ménages, dont 2,6 millions logés dans le parc social. Pour corriger le tir, le gouvernement a refusé d'abroger cette mesure.

"En 2018, des baisses de loyers de plus de 800 millions d'euros ont été imposées (au niveau national - Ndlr) aux organismes de logement social, non pas pour baisser la charge finale en logement des locataires mais pour mettre en place une baisse des APL. En clair les organismes HLM perdent 800 millions de ressources, l'Etat économise une dépense de 800 millions et rien ne change, ou presque, pour les locataires" déroule ainsi le dernier numéro de l'URHLM de Nouvelle-Aquitaine, intitulé "Pour un grand débat".

Ces loyers en moins sont autant de moyens d'action perdus pour l'entretien, la rénovation et la construction de nouveaux logements, martèle l'URHLM de Nouvelle-Aquitaine.

Le refus d'être compensé par de la dette à long terme

L'organisme décrit ensuite l'amorce d'une spirale infernale que les participants à la réunion de Bordeaux ont tenu à dénoncer.

"En 2018, le gouvernement a en plus relevé le taux de TVA appliqué à la construction et à la rénovation pour les organismes de logements social de 5,5 % à 10 %. Au total, les mesures, prises dans le cadre de la loi de finance 2018, ont coûté plus de 2 milliards d'euros aux organismes de logement social" décrit l'URHLM de Nouvelle-Aquitaine.

L'union souligne que les mesures de compensations annoncées par le gouvernement sont insuffisantes mais qu'elles reposent en plus sur un principe contestable. Celui qui consiste à remplacer une partie du chiffre d'affaires de l'organisme par un allongement de sa dette.

"Le mouvement HLM discute actuellement avec les pouvoirs publics pour que soit revue cette trajectoire financière qui pourrait amener les bailleurs sociaux, à partir de 2020, à financer toujours plus le budget de l'Etat et moins les besoins en logements des ménages modestes" relève l'Union régionale.

Pour les bailleurs sociaux aussi, les taxes c'est trop

L'impact de cette politique ne va pas tarder à se voir, prévient Muriel Boulmier.

"Le manque à gagner généré par ces mesures va nous empêcher d'atteindre notre objectif de construction en 2019. Nous allons tout juste pouvoir bâtir 9.500 logements sociaux en Nouvelle-Aquitaine au lieu des 11.200 prévus. En 2018 nous avons injecté 1,4 Md€ dans l'économie locale. Mais les dernières mesures ponctionnent lourdement nos recettes, soit -4 % pour l'APL : proportion qui va être au final doublée à -8%, d'ici 2020, avec les nouvelles dispositions attendues sur la TVA, si elles sont maintenues" a averti la présidente.

Les élus ont ensuite précisément décrit l'extrême fragilité des moyens dont ils disposent dans leurs territoires pour faire face à la demande de logements sociaux, avec des clivages parfois très forts d'un endroit à l'autre. Autant dire que la stratégie du gouvernement, qui vise à accélérer la vente de logements sociaux pour permettre aux bailleurs sociaux de générer du cash et investir est principalement vue par l'URHLM de Nouvelle-Aquitaine et les élus qui avaient fait le déplacement comme une sorte de piège chinois.

Dur de vendre du logement social

Pour générer du cash, les organismes HLM et les collectivités doivent vendre des logements sociaux alors même qu'ils essaient de rattraper les quotas fixés par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain), où les logements sociaux doivent représenter 25 % des logements dans les villes de 3.500 habitants et plus (une règle qui a été durcie). Des quotas dont la Nouvelle-Aquitaine est encore très éloignée.

"On nous demande de réduire nos quotas de logements SRU alors qu'ils sont actuellement inférieurs à ce qu'exige la loi et que ces ventes, quand elles pourront se faire, ne nous permettront pas de compenser la chute de nos financements et d'atteindre les objectifs de construction" s'est ainsi désolé l'un des élus, avouant son incompréhension.

D'où la demande de l'URHLM de voir la question du logement en général et du logement social en particulier intégrée dans un grand débat impliquant le gouvernement. Sachant que les collectivités qui ne respectent pas la loi SRU s'exposent à de sévères sanctions financières...

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Commentaire 1
à écrit le 22/02/2019 à 17:23
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Bonjour. Il faut cesser de s'en prendre au gouvernement. La construction vit encore à l'"Age de pierre et de bois". Une maison, 8000 fois plus simple à fabriquer, qu'une automobile, est vendue 10 fois plus cher. Alors que nous sommes 7 milliard...

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