Toray CFE : 42 suppressions de postes et un conflit social qui s'envenime à Lacq

Le plan de départs volontaires présenté par le fabricant de fibres de carbone Toray CFE a été mal accueilli par les représentants de la CGT puis de FO qui ont lancé le 18 octobre une grève illimitée à Lacq et Abidos (Pyrénées Atlantiques). Un conflit dur qui vaut aux grévistes une assignation au tribunal pour grève illicite. L'équipementier accuse une chute de son chiffre d'affaires de 30 % et n'espère pas rebondir avant 2025/2027. Explications.
L'usine de Toray CFE à Abidos
L'usine de Toray CFE à Abidos (Crédits : DR)

C'est l'une des entreprises emblématiques de la zone industrielle du bassin de Lacq, au nord-ouest de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Implantée dans la région depuis 1985, Toray CFE est spécialisée dans la fabrication de fibres de carbone pour alimenter les marchés de l'aéronautique et du spatial, de l'industrie et de l'automobile et des sports et loisirs. Elle y emploie actuellement 412 salariés, principalement dans deux usines distantes de moins d'un kilomètre à Lacq et Abidos. La première fabrique la matière première, le Polyacrylonitrile, la seconde la transforme en fibre de carbone grâce à cinq lignes de production déployées dans les années 2000. Mais, depuis le 18 octobre dernier, la production de cette filiale à 100 % du groupe japonais Toray (40.000 salariés dans 26 pays), est fortement perturbée par une grève illimitée lancée par deux syndicats : la CGT et FO

Un plan de 29 départs volontaires

"Le 15 octobre dernier, la direction nous a présenté un plan de départs volontaires d'ici au 19 février 2021 pour 29 suppressions de postes qui s'ajoutent au 19 départs non remplacés depuis le 1er janvier. Ce sont donc au total 42 postes qui sont supprimés et s'il n'y a pas suffisamment de départs volontaires, il y aura un plan de licenciements", explique à La Tribune Timothée Esprit, délégué syndical CGT. La réaction a été rapide puisque la CGT, deuxième syndicat dans l'entreprise, a lancé une grève illimitée dès le 18 octobre. Un mouvement rejoint par FO, le 3e syndicat, à partir du 2 novembre.

"Le problème c'est que ce plan de suppressions de postes n'est pas seulement lié au Covid-19. Il répond à une logique structurelle de réduction des effectifs qui durcira nos conditions de travail et dégradera la sécurité dans les usines. L'une est une installation classée et l'autre est Seveso 3 seuil haut. On y manipule des produits dangereux et des fours jusqu'à 2.000 degrés. Nous étions 440 salariés il y a encore deux ans et nous serons 383 en mars prochain. Ce n'est pas acceptable !", alerte Timothée Esprit.

Sollicitée par La Tribune, la CFE-CGC, qui ne soutient pas le mouvement de grève en tant que premier syndicat représenté chez Toray CFE, ne souhaite pas s'exprimer.

Pas de retour à l'avant crise avant 2025/2027

De son côté, la direction met en avant le contexte économique inédit qui frappe le secteur aérien après plusieurs années de forte croissance pour les constructeurs et toute la chaîne des équipementiers. Car si l'aéronautique ne représente qu'un tiers du chiffre d'affaires de Toray CFE, elle pèse une part significative de sa marge.

"L'année fiscale 2019 s'est terminée fin mars 2020 avec un chiffre d'affaires de 205 millions d'euros, soit cinq millions d'euros de moins que prévu à cause des quinze jours de confinement qui ont tout stoppé. Pour l'exercice actuel, on prévoit d'atterrir en mars 2021 autour de 140 millions d'euros, soit une baisse de 30 %. Et d'après nos prévisions, nous ne reviendrons pas au niveau d'activité de 2019 avant l'horizon 2025/2027 !", fait valoir Jean-Marc Guilhempey, PDG de Toray CFE depuis 2017 et salarié de l'entreprise depuis sa création il y a 35 ans.

Comme chez l'équipementier Lisi Aerospace, à Marmande, c'est cette donnée structurelle qui a conduit la direction de Toray CFE à écarter des dispositifs tels que l'Activité réduite pour le maintien en emploi (Arme) ou l'activité partielle de longue durée (APLD). Elle a donc opté pour la suppression de 10 % de l'effectif via un plan de départs volontaires puis un plan de sauvegarde de l'emploi le cas échéant. "42 postes supprimés ce n'est pas déraisonnable pour la pérennité de l'entreprise compte tenu de la situation actuelle et du contexte de concurrence féroce qui interviendra dès 2021/2022 sur ces marchés avec des capacités de production qui seront en situation de sur offre", considère le PDG, qui assure que toutes les normes de sécurité sont respectées et contrôlées par les services de l'Etat.

Lire aussi : Covid-19 : 197 suppressions de postes chez Lisi-Creuzet Aéronautique à Marmande

Une assignation au tribunal

Des arguments qui ne convainquent pas les salariés grévistes puisque, pour l'heure, la grève illimitée se poursuit et se chiffre déjà, selon la direction, à plusieurs millions d'euros de pertes. La CGT et FO refusent de négocier le contenu du plan de départs volontaires, exigeant au préalable le retrait du projet. "On a 29 personnes qui vont devoir quitter l'entreprise et on souhaite pouvoir leur proposer les meilleurs conditions mais ces deux syndicats nous disent qu'ils ne veulent pas en entendre parler", appuie Jean-Marc Guilhempey, tandis que Timothée Esprit, à la CGT, pointe "le refus de la direction de négocier quoi que ce soit".

Dernier rebondissement dans ce climat social tendu, l'assignation au tribunal en référé d'heure en heure par la direction de Toray CFE de plusieurs syndicalistes pour grève illicite. "Notre grève est parfaitement légale et déclarée et cette manœuvre de la direction vise à attaquer le droit de grève et à casser le mouvement", avance Timothée Esprit tandis que le PDG assure "qu'il ne s'agit pas de contester le droit de grève mais de dénoncer la méthode et les modalités de cette grève qui se traduit par des débrayages sauvages affectant la pérennité de l'entreprise."

L'audience en référé au tribunal de Pau s'est tenue ce mercredi 25 novembre et le jugement est mis en délibéré pour lundi 30 novembre.

Lire aussi : Aéronautique : la carte des plans sociaux autour de Toulouse

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Commentaire 1
à écrit le 26/11/2020 à 18:59
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Retenons le nom de cette entreprise. Dans deux ans l’une des deux usines ferment. Il ne peut pas y avoir de vocation industrielle et d’avenir quand le climat social est détestable. Cela mène toujours à la fermeture. Surtout dans une période de crise ...

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