Avec les chercheurs d'hydrogène blanc dans le sous-sol pyrénéen

La startup TBH2 Aquitaine a décroché fin 2023 le premier permis national de recherche d'hydrogène blanc, cette source d'énergie naturelle. Alors que la prospection débute à vélo dans les Pyrénées-Atlantiques, elle espère les premiers résultats fin 2025 pour participer à la décarbonation du bassins industriel et gazier de Lacq. Reportage.
Equipé d'une perche de deux mètres et d'un magnétomètre, Yannick Bouet va réaliser des relevés sur un circuit de 550 km de long dans les Pyrénées-Atlantiques à la recherche de gisements d'hydrogène naturel. Pour le compte de Laure Dissez, la cheffe de projet de TBH2 Aquitaine.
Equipé d'une perche de deux mètres et d'un magnétomètre, Yannick Bouet va réaliser des relevés sur un circuit de 550 km de long dans les Pyrénées-Atlantiques à la recherche de gisements d'hydrogène naturel. Pour le compte de Laure Dissez, la cheffe de projet de TBH2 Aquitaine. (Crédits : AH / La Tribune)

Le départ du « Tour de Sauveterre H2 » a été donné ce mardi 2 avril, à Sauveterre-de-Béarn, au pied des Pyrénées. « C'est ainsi que nous avons baptisé la première étape, qui se fait à vélo, d'acquisition de données géologiques pour identifier de possibles accumulations d'hydrogène naturel sur le territoire de notre permis de 225 kilomètres carrés », sourit Laure Dissez, la cheffe de projet de TBH2 Aquitaine. Deux ans après le dépôt de la demande, validée fin novembre par l'Etat qui a accordé le premier permis national de recherche de cette ressource d'énergie à la startup paloise, il est temps de passer de la théorie à la pratique. « Habituellement les relevés du champ magnétique, qui permet de situer les roches, se font par avion. Nous avons préféré le faire à vélo, comme cela a déjà été fait en Israël, car c'est plus vertueux. C'est une première en France et sans doute en Europe », explique la géologue de formation, auparavant responsable attractivité de la CCI Pau Béarn.

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Un des futurs premiers pays producteurs

Présent partout sur la planète, l'hydrogène naturel, aussi appelé hydrogène blanc, suscite des appétits croissants car il a l'avantage de se renouveler et de ne pas émettre de CO2, contrairement à celui dit « gris » produit à partir d'énergies fossiles. D'autres formes d'hydrogène existent, « bleu », « vert » et « jaune », selon qu'ils recourent au gaz avec captage de carbone, à des sources d'électricité verte ou l'électricité nucléaire. À l'occasion des deux ans du plan France 2030 en décembre dernier, Emmanuel Macron a affirmé vouloir faire de la France un des premiers pays producteurs d'hydrogène naturel. « La France est un des pays qui a la plus d'hydrogène naturel. Il faut innover dans les façons de l'exploiter, ce qui est possible grâce à la modernisation du code minier », a souligné le président de la République.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, un second permis concernant un territoire de 266 kilomètres carrés attenant à celui couvert par le permis de TBH2 Aquitaine a déjà été déposé par les sociétés 45-8 Energy et Storengy, filiale d'Engie. « À l'échelle du monde, l'on compte à peine 40 sociétés d'exploration-production d'hydrogène naturel », rappelle Christophe Hecker, spécialiste du combustible et directeur général d'Idrogenia. Ce fonds de la holding familiale Mentor de Benoit Michaux, entrepreneur lorrain à succès, vient d'investir 1,5 million d'euros dans Terrensis, dont TBH2 Aquitaine est une filiale.

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« Esprit pionnier »

Ce n'est évidemment pas pour rien que TBH2 Aquitaine a jeté son dévolu sur ce territoire, proche de Lacq, où fut découvert en 1951 le plus grand gisement de gaz naturel de France, aujourd'hui quasiment épuisé. « Pour nous, c'est un jour important et l'avenir dira si ce jour était historique pour notre territoire », remarque Laure Dissez. « On y va un peu avec l'esprit pionnier », abonde Yannick Bouet, géologue de la société paloise GTGI spécialisée dans les études géophysiques et cycliste amateur avant de partir pour les deux premières étapes du « Tour de Sauveterre H2 » qui menaient ce mardi d'Athos à Ozenx puis d'Orthez à Oraàs.

Le circuit portant le nom du projet de recherche compte 18 étapes de 550 km au total qui seront réalisés d'ici fin mai. Par un seul coureur donc. « Je ne roulerai que sur des routes et chemins de randonnée publics, notamment ceux de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les voitures ne doivent pas me suivre trop longtemps car tout élément ferreux perturbe les mesures qui sont réalisées à vitesse normale toutes les 0,2 secondes », explique-t-il, revêtu d'un maillot floqué pour l'occasion. Il utilise son propre vélo en carbone, justement, qui a été équipé d'une perche trônant à deux mètres au-dessus du sol et relié à un boitier, le magnétomètre.

Profiter des failles des Pyrénées

« Nous savons que le manteau terrestre est ici à entre huit et dix kilomètres de profondeur versus trente kilomètres en moyenne. Les failles des Pyrénées acheminent naturellement l'eau à ces profondeurs ce qui permet l'oxydation de ce manteau riche en fer, générant de l'hydrogène, qui va s'accumuler dans des réservoirs géologiques ou remonter à la surface par des failles comme ici à Sauveterre-de-Béarn », détaille Laure Dissez devant La Station, la pépinière d'entreprises de la Communauté de Communes Béarn des Gaves (Navarrenx, Salies de Béarn et Sauveterre de Béarn).

C'est là, à quelques centaines de mètres de la cité médiévale et quelques kilomètres des cimes enneigées, dans le nouveau bâtiment baptisé La Halle qui a ouvert ses portes ce mardi, que TBH2 Aquitaine s'est installé, conservant par ailleurs ses bureaux au Hélioparc de Pau.

Décarboner le bassin de Lacq

Pour avoir une vision complète du sous-sol, les données récoltées à vélo seront complétées par des relevés sismiques. Un millier de petites sondes connectées seront plantées, à 500 mètres de distance. « Elles permettront de réaliser une échographie de la terre pendant quatre mois. La troisième étape sera de réaliser des mesures avec des camions-vibrateurs, qui émettent des vibrations équivalentes à une machine à laver », prévoit la responsable, dont l'équipe interprétera les données avec le CNRS de Toulouse. Les résultats devraient être connus vers fin 2025.

Outre avec le service géologique national BRGM, TBH2 Aquitaine prévoit de les partager librement. « Si nous faisons une découverte d'hydrogène, elle devrait en premier lieu servir à décarboner le bassin industriel voisin de Lacq déjà relié à Sauveterre par une pipeline de Terega. Nous ferons une demande de concession, en concertation avec les autorités locales et les riverains. Nous n'aurons pas de droit de préemption, souligne Laure Dissez.

Le permis de recherche sur le territoire comprenant 43 communes est valable cinq ans. Ensuite, si les volumes promettent une exploitation rentable, la startup devra sans doute trouver des partenaires industriels ou financiers. Souhaitant être le plus transparent possible sur son projet, qui suscite localement des espoirs mais aussi des craintes, la startup a tenu une réunion publique, mais a aussi tenu un stand au marché de Sauveterre-de-Béarn. « Nous aurons par ailleurs une permanence au bureau et je vais aussi intervenir dans les écoles locales. Non pas pour défendre l'hydrogène, mais pour une initiation à la géologie », ajoute-t-elle.

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Commentaires 3
à écrit le 04/04/2024 à 21:03
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bonjour, c est bien , cela va générer des emplois dans le secteur sécurité incendie, il faut éviter les corps gras, il faut des valves haute sécurité, il faut éviter les chocs, il faut éviter les flammes les réservoirs hautes pressions sont à te...

à écrit le 03/04/2024 à 19:50
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Il paraît que les réserves sont énormes, nous aurions dû commencer il y a 20 ans mais bon, il n'est jamais trop tard pour bien faire

le 04/04/2024 à 20:18
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C'est du simple délire. En plus, on ne sait pas quoi en faire. Les propriétés physico-chimiques du dihydrogène sont assez différentes du méthane.... C'est plutôt l'hydrogène pour gogos, qu'il faudrait l'appeler....

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