Surf park en Gironde : les opposants brandissent le risque sanitaire

Après un recours en annulation du permis de construire en juillet dernier, les opposants au projet de surf park à Canéjan, près de Bordeaux, ont remis de nouveaux éléments au tribunal administratif. Les associations pointent les dangers sanitaires liés à l’utilisation d'eau de pluie et avancent des chiffres de consommation dix fois plus élevés que promis par les promoteurs du projet. De son côté, la Fédération française de surf, jusque-là enthousiaste, réserve désormais son soutien.
De gauche à droite, Florence Bougault (Sepanso Gironde), Vanessi Balci (Surfrider Foundation, antenne Gironde), Rémy Petit (Canéjan en transition).
De gauche à droite, Florence Bougault (Sepanso Gironde), Vanessi Balci (Surfrider Foundation, antenne Gironde), Rémy Petit (Canéjan en transition). (Crédits : Hélène Lerivrain)

« Nous n'avons pas pu intervenir au stade de l'autorisation environnementale délivrée en août 2022. C'est dorénavant sur le volet urbanisme que nous nous mobilisons », assure Rémy Petit, membre du collectif Canéjan en Transition. Les opposants au surf park de Canéjan, qui regroupe également la Sepanso Gironde et Surfrider Foundation, sont bien décidés à aller au bout de la procédure pour obtenir l'abandon de ce projet de piscine à vague artificielle à 50 km des plages de l'Atlantique.

Sur le papier, l'ensemble du projet couvrira 20.000 m2. Il prévoit la création d'une piscine à vagues composée de deux bassins de 100 et 160 mètres capables de brasser 200 à 300 surfeurs par jour ainsi qu'un bâtiment pouvant accueillir du public. Le tout pour un investissement de 20 à 30 millions, selon la SCI Paola qui porte l'infrastructure. Le permis de construire a été délivré en février 2023 et contesté en juillet par les opposants qui ont déposé un recours en annulation du permis. Dans le cadre de cette même procédure, ils ont remis, le 10 janvier 2024 au tribunal administratif de Bordeaux de nouveaux éléments pour appuyer leur demande.

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La qualité de l'eau en question

Le premier argument s'appuie sur la pollution des sols : « Le site est référencé dans la base nationale de données des sites pollués Basol qui souligne une pollution à de nombreux polluants chimiques (hydrocarbures, arsenic, chrome, cuivre, nickel, plomb, zinc). Or, la SCI Paola réutilisera une partie des terres déblayées et polluées pour aplanir le terrain en plusieurs endroits et créer une butte d'observation pour le grand bassin de surf accessible aux visiteurs », explique Florence Bougault, représentante de la Sepanso Gironde. Selon elle, l'exposition aux polluants pour les visiteurs et le personnel est susceptible de justifier l'annulation d'une autorisation d'urbanisme.

Mais c'est sur le volet qualité de l'eau que l'opposition insiste davantage. Alors que les promoteurs prévoient d'alimenter les bassins en eau de pluie grâce à des systèmes de récupération installés sur les bâtiments industriels voisins, l'opposition « soulève des problématiques sanitaires graves liées à la contamination initiale de l'eau puis au développement accéléré de bactéries. » Et de citer en particulier des risques de contamination à la bactérie E.coli ainsi que le risque de cryptosporidiose, une infection de l'intestin, en s'appuyant sur un guide de l'ARS (Agence régionale de santé) sur les aires de jeux d'eau. L'opposition ajoute que l'installation serait classée en « activité nautique » et non en « baignade artificielle en bassin fermé » et pointe du doigt la non application de la récente norme Afnor XP S52-900 sur les installations de vagues pour le surf, publiée en août 2022.

« Les surf park sont des équipements commerciaux nouveaux. Cela n'existe pas dans le droit français. Aucune règle ne vient les cadrer, les limiter, les contrôler », regrette Vanessa Balci pour Surfrider en Gironde.

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Quelle consommation réelle

Enfin, sur le sujet de la consommation en eau, l'opposition rappelle qu'elle ne dispose malheureusement pas de mesures fondées sur les compteurs de surfparks existants équipés de la même technologie, à savoir Wavegarden. « La société basque espagnole qui commercialise ces piscines, se refuse à transmettre ces informations, malgré des demandes répétées des associations, témoignant de son manque de transparence sur ce sujet », souligne Rémy Petit de Canéjan en Transition. Elle a donc mis en regard les chiffres avancés par les porteurs du projet qui s'appuient sur le bureau d'étude Ingetech et les données obtenues dans le cadre d'une étude confiée à Denis Loustau, directeur de recherche à l'Inrae, chercheur en écologie physique.

« De nouvelles estimations montrent que les bassins du surfpark ne sont pas autonomes en eau, quelles que soient les hypothèses retenues, y compris les plus favorables. En prenant en compte les paramètres et hypothèses les plus favorables, ce surf park consommerait plus de 130.000 m3 d'eau de ville annuellement. En ajoutant à ce chiffre le volume d'eau déjà consommé actuellement par la commune (332.000 m3 en 2022), la limite préfectorale de prélèvement en eau autorisé (430.000 m3) pour Canéjan serait largement dépassée ! »

La FFS dans l'incapacité de soutenir ce projet

À ce stade, le président de la fédération française de surf est revenu sur sa position de soutenir le projet. Il rappelle, dans un courrier daté du 8 janvier, que cet équipement sportif, pour obtenir son soutien, doit respecter la norme Afnor et la plus grande transparence sur la consommation prévisionnelle de l'équipement et des installations annexes pour établir l'impact réel du surf park. Or « aujourd'hui les chiffres annoncés par les promoteurs et leurs opposants sont très éloignés, des compteurs ne sont pas installés sur les parks de même nature en fonctionnement, ceci ne permet pas à la Fédération française de surf de se faire une opinion sur la réalité de la consommation d'eau prévisionnelle de l'Académie de la glisse de Canéjan. Par conséquent, nous sommes dans l'incapacité malgré les annonces initiales à date de soutenir le projet de Canéjan. »

Contactée, l'équipe qui porte le projet de surf park n'a pas souhaité faire de commentaire dans l'immédiat.

Quatre parlementaires demandent le classement des piscines de surf en « baignade artificielle »

Fin novembre, quatre députés (Nicolas Thierry, Loïc Prudhomme, Frédéric Zgainski) et une sénatrice (Monique de Marco), tous de Gironde, ont envoyé un courrier au ministre de la Santé de l'époque, Aurélien Rousseau, pour demander la mise en application d'une réglementation pour le classement des piscines de surf en « baignade artificielle » pour la sécurité sanitaire des usagers. « Ces projets de piscines de surf suscitent de graves inquiétudes en termes de santé publique. Ils échappent à la réglementation sanitaire obligatoire pour les piscines classiques et les interprétations sur la réglementation à appliquer sont variables entre ARS. » Ainsi, alors que pour un précédent projet, l'ARS Pays de la Loire a choisi un classement en « baignade artificielle en milieu fermé », après demande d'avis auprès de l'ARS Nouvelle-Aquitaine en vue de l'obtention du permis de construire à Canéjan, un courrier reçu le 17 novembre 2022 en mairie a conclu au classement de l'activité en « activité nautique ». « Cette classification permet aux porteurs de projet de déroger aux normes et contrôles obligatoires dans le cas d'une baignade artificielle. » Les parlementaires réclament également que la norme Afnor soit appliquée pour tous les projets de piscine de surf à vagues dynamiques en milieu fermé (Art. D. 1332-49.) ou ouvert (Art. D. 1332-51.), afin de garantir une sécurité sanitaire optimale pour les pratiquants.

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Commentaire 1
à écrit le 25/01/2024 à 8:35
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C'est une aberration mais Canéjan c'est une concentration de gens plein de frics mais qui s'ennuient tellement... je préfère les attardés de ma campagne et de loin.

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