Faire revenir les clients dans les rayons des magasins Casino : c'est la mission et la boussole de Magali Daubinet-Salen depuis qu'elle a pris la direction générale des enseignes Casino au printemps 2023. Six mois plus tard, le cap est toujours le même malgré ou à cause de la tempête qui continue à secouer Casino et ses 6,4 milliards d'euros de dette. L'accord sur la restructuration de la dette puis la procédure de sauvegarde accélérée doivent aboutir début 2024 à la prise de contrôle du groupe par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, le Français Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor.
De quoi inquiéter l'intersyndicale (FO, CGT, CFDT, UNSA, CFE-CGC) qui a déposé un préavis de grève du 5 au 31 décembre. Les salariés se mobilisent dès ce mardi en région parisienne et à Saint-Etienne pour alerter sur les risques de suppressions d'emplois au sein du groupe qui en comptait 50.000 en France fin 2022, sous les marques Casino mais aussi Monoprix et Franprix. Ils craignent en particulier un dépeçage du groupe avec la cession déjà actée d'une soixantaine de magasins et la mise en vente de nouveaux supermarchés ces derniers jours. Augurant d'un recentrage sur la proximité, l'ensemble des magasins grands formats - 52 hypermarchés et 353 supermarchés selon le média spécialiste du secteur LSA - pourrait être vendu notamment à Lidl, Auchan et Intermarché qui ont fait part de leur intérêt.
« Un repositionnement très fort sur les prix »
« Le modèle des super et hypermarchés est à bout de souffle et doit être repensé », juge Magali Daubinet-Salen. Elle entend plutôt jouer la carte de la proximité pour y trouver un relais de croissance en s'appuyant sur une rare éclaircie dans ce contexte sombre :
« Le trafic client redémarre ! », lance-t-elle au détour d'une visite dans un Petit Casino du centre de Bordeaux fin novembre. « Concrètement, toutes les innovations déployées ces derniers mois drainent un trafic supplémentaire grâce à un repositionnement très fort sur les prix et un travail important sur l'offre. »
Magali Daubinet-Salen, à Bordeaux, le 24 novembre 2023 (crédits : Casino).
La dirigeante, qui évolue depuis seize ans dans le groupe, a en effet réajusté assez largement la stratégie commerciale de Casino afin de battre en brèche l'image d'enseigne chère qui lui colle à la peau. Comme elle l'avait annoncé lors de sa nomination, ce travail a d'abord porté sur les prix, quitte à reconnaître des erreurs de positionnement : « On avait auparavant des prix élevés assortis des promotions fortes en caisse mais qui ne bénéficiaient donc qu'à peu de clients. Cela a entraîné un décalage des prix très fort qui ne pardonne pas en période d'inflation, rembobine Magali Daubinet-Salen. Aujourd'hui, nous avons baissé les prix, en faisant un effort sur nos marges, et nous faisons moins de promotions ciblées pour que cela bénéficie à davantage de clients. »
Concrètement Casino multiplie les corners (espaces dédiés) Leader Price avec plus de 1.500 références à prix discount et fait davantage de places aux produits de sa propre marque de distributeur. L'espace n'étant pas extensible à l'infini dans les rayons, c'est la gamme de produits bio qui a fait les frais de ces arbitrages.
Bâtir une image de « halle commerçante »
En contrepartie, Casino assure laisser davantage d'autonomie à ses magasins pour proposer des produits régionaux et déploie progressivement une stratégie dans l'esprit d'une galerie marchande. « Ou plutôt de halle commerçante multi-enseignes !, corrige aussitôt la directrice générale. En clair, si on est compétitifs on reste en propre, sinon on noue des partenariats avec des enseignes spécialisées pour basculer d'une logique de généraliste à une approche de spécialiste. »
Cela se traduit par la multiplication d'espaces dédiés aux produits frais (pâtisserie, charcuterie, poissonnerie, etc.) et de partenariat noués avec, par exemple, l'enseigne Fresh. Une logique qui s'étend au non alimentaire par le biais d'accords avec C&A sur le textile et Claire's pour les accessoires. Magali Daubinet-Salen en est persuadée : « Il y a un gros potentiel de progression sur la hausse du panier mensuel moyen de nos clients dans nos magasins de proximité. »
« Notre perte de parts de marché a été divisée par deux »
Pour l'heure, si Casino reste dans le dur, l'enseigne affirme qu'elle reprend pied depuis l'automne 2023. Selon Kantar, la part de marché trimestrielle de Casino a fondu de 6,9 % fin octobre 2022 à 5,8 % fin novembre 2023, très loin derrière le trio E. Leclerc (23,9 %, +1,4 point), Carrefour (19,6 %, +0,1 point) et Les Mousquetaires (16,5 %, +0,3 point). Dans ses hypermarchés français, Casino a annoncé le 26 octobre un recul de son chiffre d'affaires particulièrement marqué, avec une baisse de 16 % au troisième trimestre de cette année. Mais les efforts seraient en passe de payer, selon la directrice générale :
« À périmètre comparable, notre perte de parts de marché a été divisée par deux en hyper et supermarchés depuis le mois de septembre 2023. En termes de trafic clients, on est désormais stable en hypermarchés et en progression de 0,4 point en supermarchés. »
La tendance des prochains mois sera scrutée de près alors que le passage de témoin de celui qui est encore PDG et premier actionnaire du groupe, Jean-Charles Naouri, est prévu au premier trimestre 2024.
Sujets les + commentés