
C'est un record du monde dont ils se passeraient bien.
« Tous mes élèves reconnaissent qu'ils sont trop nombreux et que c'est un handicap pour eux. Ils savent qu'ils auront un emploi, mais à condition de rejoindre les mégapoles de Delhi, Mumbai voire l'étranger, pour trouver un poste au niveau de leur qualification », témoigne d'emblée Éline Caillaud.
La jeune femme vit depuis cinq ans à Jaipur où elle enseigne le français à l'Université du Rajasthan. Elle précise que ses élèves, en licence ou en master, sont issus de la classe moyenne indienne, donc privilégiée. Cette question de la surpopulation revient d'ailleurs assez régulièrement dans les discussions avec ses étudiants. « C'est quelque chose qu'on leur a beaucoup dit et qu'ils répètent à leur tour », observe-t-elle. « Il y a toute une partie des jeunes Indiens qui s'inquiète de l'occupation et de l'artificialisation des sols, il y a une certaine anxiété environnementale comme ailleurs dans le monde. »
Des jeunes surqualifiés
Comme la santé, l'éducation est à deux vitesses en Inde, explique la jeune femme : « Avec l'explosion de la population, il y a énormément d'écoles et d'instituts privés qu'on appelle « collèges », qui se créent sans aucune régulation et qui ouvrent partout. Souvent, les jeunes y sont mal formés. Ils vont s'inscrire à une formation d'électricien, mais au bout de trois ans, ils n'auront ni compétence ni reçu aucune qualification. »
Eline Caillaud, 35 ans, enseigne le français à l'Université du Rajasthan (crédits : Namrata Karamchandani).
L'inquiétude quant à l'avenir professionnel des jeunes fait aussi partie de leurs préoccupations. « Ils s'inquiètent d'être diplômés et d'avoir au final un salaire ou un emploi en-dessous de leur formation, comme un professeur qui finit réceptionniste ou un ingénieur employé comme chauffeur. C'est typique, on croise beaucoup de gens surqualifiés au Rajasthan, où le taux de chômage a récemment atteint 37 %. » Les Indiens sont par ailleurs des millions à se présenter chaque année aux concours de la fonction publique, alors qu'il n'y a qu'environ une place pour 300 candidats
Manque d'investissement
Née à Bruxerolles, près de Poitiers dans la Vienne, diplômée d'un master en coopération internationale, Éline Caillaud a passé les premières années de sa vie professionnelle en Angleterre, au Liban puis au Cambodge. Mariée à un Indien, la jeune femme âgée de 35 ans pointe le manque d'investissement de l'État en matière d'enseignement et d'orientation. « Il faudrait dire aux étudiants : "Ok, on a formé énormément d'ingénieurs, il y aurait peut-être un autre corps de métier qui serait nécessaire actuellement." Beaucoup pensent que le gouvernement investit trop peu dans l'éducation (4,5 % du PIB en 2020 selon la Banque mondiale, ndlr) et lui reprochent de ne pas clairement indiquer les métiers où les jeunes pourront facilement trouver un emploi. » En Inde, le taux de chômage dépasse les 8 % aujourd'hui et un million de jeunes arrivent sur le marché de l'emploi tous les mois.
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !