Ce projet agrivoltaïque inédit en France cultive ses différences dans les Landes

REPORTAGE. Sur plus de 700 hectares de terres agricoles, dont 220 seront recouvertes par des panneaux à l'est des Landes, l'aménageur GLHD porte l'un des plus vastes projets agrivoltaïques de France. Pour le préparer, il dispose d'un site expérimental où des cultures atypiques se glissent sous les panneaux photovoltaïques. Si les conditions techniques sont étudiées et éprouvées de près, la protection des agriculteurs, attirés par la manne financière, reste à renforcer.
Sur son pilote agrivoltaïque dans les Landes, GLHD expérimente des cultures sous panneaux solaires.
Sur son pilote agrivoltaïque dans les Landes, GLHD expérimente des cultures sous panneaux solaires. (Crédits : MG / La Tribune)

Faire pousser des cultures à l'ombre, la dernière lubie des énergies renouvelables ? Il y a de quoi se poser la question à la découverte de cette parcelle expérimentale d'un hectare à quelques kilomètres au sud de Mont-de-Marsan, dans les Landes. Seize travées de panneaux photovoltaïques en rang d'oignons et équipés de trackers suivent la course quotidienne du soleil pour produire une énergie propre. Sous ces ombrières, des variétés d'haricot, asperge, menthe et chanvre tentent de se faire une place pas au soleil. Et ça marche plutôt bien.

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280 millions d'euros investis

Après avoir croqué dans un haricot vert cultivé à l'ombre - contrôle qualité oblige - l'agricultrice landaise Marlène Duru, pas perturbée par cette originalité culturale qui existe aussi pour l'élevage de truite à quelques dizaines de kilomètres, se dit convaincue. « L'ombre a des effets bénéfiques sur les cultures : elle protège des brûlures, de la grêle et conserve l'humidité du sol. » La jeune exploitante, en cours de reprise de la ferme familiale, veut lancer une culture de fruits rouges combinée avec la captation d'énergie solaire. Pas banal.

Elle est l'une des 35 agriculteurs du projet Terr'Arbouts porté par GLHD. Cette société basée à Martillac, au sud de Bordeaux, développe dans les Landes l'une des plus grandes infrastructures agrivoltaïques en France. 220 hectares doivent y être couverts de panneaux photovoltaïques répartis en une cinquantaine d'ilots sur un périmètre total de 750 hectares de terres agricoles. Le tout pour un montant total de 280 millions d'euros et une puissance de 420 MWc. Un projet né de la volonté de réparer les dégâts commis sur les nappes d'eau environnantes, polluées par certaines pratiques culturales intensives. En intégrant le projet agrivoltaïque, les cultivateurs s'engagent dans une démarche zéro phyto et à maintenir une activité agricole sous les panneaux. Condition sine qua non pour toucher les recettes du solaire.

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Soja et maïs

D'ici l'installation et le raccordement au réseau, prévu pour 2026, le collectif d'agriculteur fait tester toutes sortes de cultures sur le site pilote. « On a un suivi agricole qui nous permet de comprendre les conséquences de la présence des panneaux pour la plante », montre Benjamin Lobet, directeur du développement d'Agrolandes, centre de recherche et d'innovation en charge de l'évaluation agronomique. Avec déjà des premiers constats un an après la mise en service du pilote où la hauteur des cellules varie d'1 mètre 20 à 2 mètres 50. « Il y a un biais entre les deux hauteurs, en termes de rendement et de période de croissance. Mais ils diffèrent d'une culture à l'autre. Le point commun, c'est que l'ombre permet une rétention de l'humidité et une baisse de la consommation en eau », défriche-t-il grâce aux relevés des sondes tensiométriques.

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Équipés de capteurs, les panneaux montés sur pivot suivent le mouvement du soleil. (crédits : MG / La Tribune)

Il reste encore à mesurer en laboratoire la variation des qualités organoleptiques et nutritionnelles des denrées. Après une première année d'expérimentation, de nouvelles cultures vont être mises à l'ombre au printemps prochain : soja et surtout maïs, dont les Landes sont le premier producteur français. L'on trouvera aussi du lin et de la cameline, convoitées pour leurs graines riches en oméga 3. En attendant, les expérimentations continuent. La brume matinale à peine dissipée, un camion fait son entrée sur le site pilote pour souffler un paillage de miscanthus le long des rangs cultivés. Le directeur général de GLHD jubile.

Un bail qui doit protéger et obliger les agriculteurs

« C'est impressionnant de voir à quel point le monde agricole, les producteurs mais aussi les coopératives et les industriels viennent ici échanger et compiler les compétences », applaudit Jean-Marc Fabius. Deux ans après l'entrée d'EDF au capital de la jeune société, le projet agrivoltaïque aborde une à une les étapes de concertation et les obligations réglementaires. Chaque ilot à implanter est source de compromis avec les agriculteurs mais aussi avec les habitants. L'énergéticien a initié, depuis le printemps 2021, un vaste processus de consultation citoyenne pour rendre ses intentions transparentes. Et se félicite d'avoir recueilli plus de 80 % d'avis positifs.

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Un paillage est expérimenté pour empêcher l'enherbement et préserver encore mieux l'humidité des sols. (crédits : MG / La Tribune)

« Quand il est bien développé et concerté, l'agrivoltaïsme porté par des agriculteurs n'est pas un problème aux yeux des gens », réagit le dirigeant. Le 14 novembre, la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF) a émis un avis favorable avec prescriptions. L'instance réglementaire a émis une attention particulière sur la contractualisation entre l'énergéticien, le propriétaire terrien et l'agriculteur. Et ce au motif que l'exploitant ne serait pas assez protégé par rapport aux garanties d'un contrat de fermage classique.

Une carence pointée en CDPNAF, qui a enjoint l'énergéticien à proposer davantage de garanties de long terme pour le collectif d'agriculteurs. D'autant plus nécessaire que GLHD veut conclure des baux emphytéotiques de 40 ans avec les propriétaires terriens. « Notre engagement est de respecter strictement les droits du fermage, sans exposer les agriculteurs à des risques financiers », assure Jean-Marc Fabius.

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Jean-Marc Fabius, à gauche, accompagné de deux agriculteurs du projet Terr'Arbouts. (crédits : MG / La Tribune)

Deux rentabilités à concilier

Il tarde aux cultivateurs landais de voir le projet se concrétiser. Alors que l'année 2022 a été particulièrement difficile à cause d'événements climatiques intenses, l'installation agrivoltaïque est une opportunité financière de taille. Désormais le dossier est dans les mains de la préfète des Landes. Malgré une large adhésion, trois syndicats et associations, le Modef, la Confédération paysanne et la Sepanso, demeurent opposés au projet. « Au vu de la manne financière qu'ils vont toucher, certains agriculteurs ne vont pas vouloir partir en retraite », pointe Mélanie Martin, agricultrice et présidente du Modef Landes. Dans ce domaine, les montants peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros à l'hectare, répartis entre cultivateurs et propriétaires. Autre point de discorde, la pertinence économique de la production. « On dénonce le manque de vision sur la souveraineté alimentaire puisqu'il n'y a pas de débouchés pour les cultures expérimentées », tonne la syndicaliste.

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Des inquiétudes qui font écho à la loi d'accélération sur les énergies renouvelables, votée en mars 2023, encore orpheline d'un décret d'application dédié à l'agrivoltaïsme maintes fois repoussé et désormais attendu pour la fin du mois de janvier 2024. Si la loi a déjà acté la nécessité de maintenir la production agricole comme première vocation des terres concernées, le décret doit encore préciser les règles du jeu sur le foncier, le contrat de fermage ou l'installation des jeunes. Le texte, très attendu par cultivateurs et énergéticiens, sera examiné par le Conseil supérieur de l'énergie le 19 décembre.

En attendant, dans la contrée céréalières des Landes, promoteurs et opposants s'accordent au moins pour qualifier l'installation de « projet sans précédent ». Les adaptations requises sont donc nombreuses : réduction voire suppression d'ilots, demande de la préfecture pour l'instauration d'une charte encadrant l'engagement zéro phyto, allongement de la durée de convention avec l'agriculteur ou baisse de la performance énergétique par rapport aux exigences de rendements agricoles. Autant d'enjeux tiraillés entre les contraintes de rentabilité de deux activités. Tel des pionniers, et alors que GLHD porte une trentaine de projets du genre en France, les acteurs énergétique, agricoles et citoyens, encadrés par l'autorité publique, sèment les graines d'un futur énergétique qui cherche encore éperdument son foncier.

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Commentaire 1
à écrit le 13/12/2023 à 9:33
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Ben plutôt que de pulvériser des millions de tonnes de produits pour pallier au trop d'ensoleillement cela semble quand même une bien meilleure idée en effet mais vous savez ils sont quand même bien shootés au glyphosate nos agriculteurs hein. Je ne ...

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