
À Mérignac, dans une zone d'activité à proximité immédiate d'entreprises telles que Cash Piscines, Mediapost, Inflexys ou encore Happy Corp, poussent désormais des tomates, des salades, des aromates entourées de truites arc-en-ciel. La jeune pousse bordelaise, Les Nouvelles Fermes, fait le pari de faire revenir l'agriculture en ville selon un modèle innovant, celui de l'aquaponie qui consiste à produire des poissons et des plantes dans le même système. L'eau des poissons chargée en nutriments passe dans l'eau des plantes dont les racines sont plongées dans l'eau.
Une ferme aquaponique (crédits : Sarah Arnould).
Cultiver en circuit fermé
« C'est une méthode culturale en circuit fermé qui n'utilise ni engrais chimique de synthèse, ni antibiotiques », précise Thomas Boisserie, co-fondateur des Nouvelles Fermes, dont le nom éveille localement quelques souvenirs. Fondateur de la startup Loisirs Enchères, liquidée en juillet dernier, il s'en était détaché en 2017 pour se consacrer à cette nouvelle aventure. « Un projet ambitieux avec du sens tout en étant rentable », insiste-t-il.
« Au XXe siècle, il y avait des maraîchers en périphérie des villes, mais avec l'étalement urbain, ces zones ont été grignotées. Résultat, aujourd'hui une tomate fait 1.200 kilomètres avant de se retrouver sur un étal. En ce qui nous concerne, nous réduisons le rayon à 20 kilomètres entre la production et la distribution, ce qui permet à nos salades, coupées du jour, de posséder encore 95 % de leur vitamine C, contre 33 % pour une salade récoltée 48h avant d'être à la vente. »
Les produits des Nouvelles Fermes sont vendus à la grande distribution, à des restaurateurs ainsi qu'aux particuliers via son site Internet. « Les prix sont généralement inférieurs de 15 % à ceux du bio dans les rayons des supermarchés. On est entre le bio et le conventionnel », précise Thomas Boisserie.
Plusieurs fermes à horizon 2028
Tout a commencé en 2019 quand Les Nouvelles Fermes a lancé une première ferme expérimentale de 1.500 m2 à Lormont, sur la rive droite. Il s'agissait de faire de la R&D et de gagner en savoir. La deuxième, celle de Mérignac qui a nécessité 1,2 million d'euros d'investissement est en activité depuis un an. Elle s'étend sur 5.000 m2.
« C'est le passage à l'échelle avant de déployer un modèle encore plus grand pour réaliser des économies d'échelle à partir de l'année prochaine dans les plus grandes métropoles françaises », explique Thomas Boisserie.
L'entreprise vise l'ouverture de plusieurs fermes en France à horizon 2028, avant d'explorer des opportunités à l'international. « Une croissance qui nous permettrait de fournir 1 % de la production française de truite, tout en économisant l'équivalent de 300 piscines olympiques en eau chaque année et en réduisant l'émission de CO2 de 450 tonnes », précise Thomas Boisserie.
90 à 95 % d'eau économisée
Car parmi les avantages de l'aquaponie, Thomas Boisserie cite une économie d'eau à hauteur de 90 à 95 % par rapport à l'agriculture de pleine terre. « La seule perte en eau l'est du fait de l'évapotranspiration des plantes », précise Paul, écologue et co-fondateur de l'entreprise. « C'est aussi quatre à cinq fois moins d'énergie utilisée et jusqu'à dix fois plus de rendement », poursuit Thomas Boisserie. Si la ferme n'est pas épargnée par les maladies, c'est le bio-contrôle qui est adopté. Pas de produit, rien que des techniques basées sur la nature pour s'adapter.
Des capteurs ont également été déployés pour connaitre les niveaux, la température de l'eau ou le niveau d'oxygène dans l'eau comme à l'extérieur. « Un concept à mi-chemin entre low et high tech », explique Thomas Boisserie.
60 tonnes de légumes et 12 tonnes de truites par an
Sur les 6 premiers mois de mise en service de la ferme de Mérignac, l'équivalent de 0,3 % de la population de Bordeaux Métropole a consommé ses produits. En 2023, la production pourra répondre à 4 % des besoins de la métropole en truite et 1 % en salades et autres feuillus. 60 tonnes de légumes et 12 tonnes de truites arc-en-ciel seront cultivées chaque année à Mérignac.
« Il ne s'agit pas de faire en sorte que la ville soit autosuffisante. La ville n'a pas vocation à tourner le dos aux campagnes. L'idée est de recréer du lien entre agriculture et ville », explique Thomas Boisserie qui précise que « 75 % des truites arc-en-ciel sont aujourd'hui importées en France et 45 % des salades, tomates et aromates. »
D'ici cinq ans, Les Nouvelles Fermes ambitionne de produire 1.800 tonnes de produits frais et 360 tonnes de truites par an, ce qui nécessitera le recrutement de 250 personnes en plus des 30 personnes déjà salariées. L'entreprise qui vise les 900.000 euros de chiffre d'affaires cette année table sur 40 millions d'euros en 2028.
Cinq freins à lever
Pour la réalisation de ce plan, elle s'appuie sur les compétences de ses associés. « Cinq associés pour lever cinq freins : la technique, le foncier, la rentabilité, la communication et le recrutement de talents. Il faut évangéliser sur le fait qu'il y a une agriculture entre le bio et le conventionnel et réussir à sortir des talents de leurs bureaux climatisés pour les faire venir dans l'agriculture. Dans huit ans, 50 % des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite », rappelle Thomas Boisserie qui revendique avoir bâti, à Mérignac, l'une de plus grandes fermes d'aquaponie d'Europe.
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