Startup bordelaise de l'économie sociale et solidaire (ESS), Les Nouvelles Fermes, à l'avant-garde hexagonale de la culture aquaponique, vient de boucler une levée de fonds de deux millions d'euros. Objectif de cette opération : créer d'ici la fin de l'année une ferme urbaine aquaponique de 5.000 m2 baptisée Odette. Cette dernière va suivre en plus grand la voie ouverte dans l'aquaponie bordelaise par Pauline, ferme expérimentale cofondée en 2019 à Lormont (Bordeaux Métropole/Rive droite) par cinq associés : Thomas Boisserie (fondateur et ex-dirigeant de la startup Loisirsenchères.com), Clément Follin-Arbelet, Laura Gaury, Paul Morel et Edouard Wautier.
Des associés également mobilisés sur le nouveau projet Odette, qui va voir le jour à Mérignac (Bordeaux Métropole/Ouest). La culture aquaponique consiste à coupler maraîchage et élevage de poissons, nourris en l'occurrence de croquettes bio, dans un circuit fermé où les déjections des poissons deviennent des nutriments pour les plantes après transformation par les bactéries. Les plantes nettoyant l'eau où vivent les poissons.
Remplacer les défuntes ceintures maraîchères urbaines
Il est avéré que les Aztèques utilisaient une méthode de culture très proche en l'an 1000 dans le centre de Mexico, et, selon certaines sources, les Mayas auraient maîtrisé cette technique en 2000 avant Jésus-Christ.
"En aquaponie, les déjections des poissons servent d'engrais, donc c'est une agriculture intensive qui n'utilise pas de chimie de synthèse ni aucun produit phytosanitaire. Auparavant, les grandes villes de France étaient entourées de ceintures maraichères qui, jusqu'au début du XXe siècle, leur ont fourni fruits et légumes. Ces ceintures maraîchères ont disparu et, en misant sur la relance d'une agriculture locale, en circuit court, nous n'inventons rien", éclaire en substance pour La Tribune Thomas Boisserie, président de la SAS Les Nouvelles Fermes, dont le projet aquaponique collectif marque ainsi un retour aux fondamentaux.
Une consommation d'eau réduite de 80 % à 90 %
Dans sa communication, la société souligne qu'une tomate, même française, parcourt en moyenne 1.500 kilomètres, en passant notamment par Rungis, avant d'arriver dans nos assiettes, et que l'agriculture est désormais responsable de 24 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. C'est ainsi que Pauline vend ses produits dans un rayon de 10 kilomètres, aux restaurateurs, détaillants, marchés en circuits courts et supermarchés...
Si, comme sa cousine hydroponique de Babylon Growers, cette agriculture sans intrants ni pesticides ne peut être classée bio parce que hors sol, elle relève d'un modèle de production parfaitement adapté aux nouvelles contraintes climatiques et à la protection des consommateurs. La consommation d'eau en aquaponie serait de 80 % à 90 % inférieure à celle de l'agriculture standard.
"Pas d'avenir sans rentabilité. C'est pour cela que nous avons depuis 2019 discrètement travaillé pour arriver à un modèle duplicable à plus grande échelle, qui soit très économe en eau et en énergie", confirme le patron de la startup.
L'aquaponie fait exploser la productivité
Et puis la productivité impressionne. Pauline la première petite ferme expérimentale de 1.000 m2 (soit un dixième d'hectare) lancée par les associés produit ainsi 20 tonnes de fruits et légumes et 2,5 tonnes de truites arc-en-ciel par an. Par comparaison, la France a produit récemment 71,3 millions de tonnes de céréales sur 9,4 millions d'hectares, soit un rendement de l'ordre de 80 quintaux/hectare, alors que la ferme aquaponique expérimentale de Lormont a produit l'équivalent de 200 quintaux de fruits et légumes sur seulement un dixième d'hectare !
Avec 5.000 m2, Odette sera selon ses créateurs l'une des plus grandes fermes urbaines en aquaponie d'Europe et doit générer la création de 17 emplois : qu'il s'agisse de fermiers urbains polyvalents, d'hydroponistes, de commerciaux ou d'aquaculteurs.
"Nous ferons notre première récolte dans la ferme de Mérignac l'an prochain. La méthode de l'aquaponie n'est pas récente mais les premières fermes de ce type, qui sont nées aux Etats-Unis et au Canada, n'ont pas plus de dix ans. La plus grande ferme en aquaponie au monde est américaine et s'étend sur deux hectares et demi ! Notre objectif est de développer notre modèle de ferme à une centaine d'exemplaires à implanter dans toute la France d'ici dix ans", recadre Thomas Boisserie.
Des financiers convaincus par le projet
La démarche a séduit et cette startup d'agriculture urbaine, qui compte récupérer des friches pour se développer autour des grandes villes, a convaincu de nombreux supporters, à commencer par le fonds d'investissement régional Irdi capital investissement, à Toulouse, la Banque des territoires, le Crédit agricole Aquitaine, à Bordeaux, le CIC, mais aussi plusieurs "business angels", avec l'appui de la Région Nouvelle-Aquitaine, via l'Agence de développement et d'innovation de Nouvelle-Aquitaine (ADI), mais aussi du Département de la Gironde et de Bordeaux Métropole. Pour l'Irdi, qui intervient essentiellement sur un large périmètre Sud-Ouest (400 millions d'euros sous gestion), il ne fallait pas rater ce projet.
"Produire en circuit court et de manière durable est une demande de plus en plus forte des consommateurs. Après une unité pilote prometteuse, "Les Nouvelles Fermes" porte un plan ambitieux sur la métropole de Bordeaux. Nous avons été séduits par la vision et la complémentarité de l'équipe, autant d'atouts pour porter le développement de cette jeune société en Nouvelle-Aquitaine et au-delà", déroule ainsi Mathieu Goudot, directeur de participations dans ce fonds régional.
Une analyse visiblement partagée par la Banque des territoires, qui a décidé d'intervenir à hauteur de 300.000 euros dans ce projet et dont Patrick Martinez, directeur régional Nouvelle-Aquitaine, a officialisé la signature de l'accord avec les représentants de la SAS Les Nouvelle Fermes Thomas Boisserie et Clément Follin-Arbelet.
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