Climat : deux COP à Bordeaux pour mobiliser territoires et grand public

Hasard du calendrier, Bordeaux a accueilli la semaine dernière deux COP locales en réaction à la crise climatique et en écho à la COP28. La première, officielle et à l'échelle régionale, veut engager les territoires dans la technicité de la transition écologique. La seconde, alternative et organisée par des « Scientifiques en rébellion », souhaite mobiliser la population. Ou comment le sujet devient l'affaire de tous.
Maxime Giraudeau
Les Scientifiques en Rébellion ont défilé ce week-end à Bordeaux pour sensibiliser le public sur l'urgence climatique.
Les Scientifiques en Rébellion ont défilé ce week-end à Bordeaux pour sensibiliser le public sur l'urgence climatique. (Crédits : Scientifiques en Rébellion)

Un événement mondial ne suffit plus. Pendant que Dubaï reçoit une COP 28 pleine de possibilités et d'incohérences au royaume de l'extraction fossile, les déclinaisons ou alternatives émergent pour proposer autre chose qu'une grande messe annuelle aux solutions globales. Bordeaux vient d'accueillir deux de ces manifestations dans l'ère du temps qui presse.

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Le lancement de la COP régionale initiée par le gouvernement s'est tenu pour la Nouvelle-Aquitaine ce vendredi 1er décembre. Initié à Metz le 14 novembre, ce processus est amené à décliner et matérialiser en local les grands objectifs nationaux de neutralité carbone pour 2050, via les leviers de transition et de sobriété. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, accompagné de son homologue aux Comptes publics Thomas Cazenave, ont détaillé devant élus locaux, corps sociaux et représentants de la société civile les grands traits du chambardement à venir réunis en six grands thèmes : se loger, se nourrir, se déplacer, consommer, produire, et préserver et valoriser les écosystèmes.

Et cela va concerner les acteurs locaux à plus d'un titre : implantation d'énergies renouvelables, rénovation énergétique des bâtiments, zéro artificialisation nette ou sanctuarisation d'espaces naturels. L'État et collectivités doivent avancer main dans la main pour tenir les engagements. Tout ça dans un contexte économique délicat où les élus locaux attendent des moyens au-delà des consignes sur des sujets aussi concrets que le verdissement des réseaux de bus, l'optimisation de l'éclairage public ou encore que l'isolation des bâtiments publics.

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Les politiques remontent

« Il y a un mur budgétaire pour les régions. Notre modèle de financement est très paradoxal : il repose sur la pollution : moins les voitures roulent moins j'ai d'argent pour faire la transition », a ainsi pointé Alain Rousset, le président (PS) du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, au sujet de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).

La COP régionale, processus au long cours, doit aboutir à un diagnostic par territoire sur les usages et les émissions des activités. Du côté du conseil régional, on se trouve circonspect face au réveil du pouvoir central alors que de vastes programmes scientifiques ont été conduits sur le changement climatique, la biodiversité et l'adaptation. La Région pilote désormais sa transition écologique avec sa feuille de route Néo Terra 2. Toute la difficulté est que les politiques qui seront engagées par l'État n'ajoutent pas au millefeuille et à la superposition des compétences. En attendant les orientations, les élus saluent le mouvement.

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« On va arriver à constituer une COP territorialisée à partir de nos ambitions régionales. Ce ne sont plus des politiques qui descendent, elles sont désormais locales et ascensionnelles car elles finissent par inspirer », illustre pour La Tribune Guillaume Riou, vice-président en charge des transitions.

« Permettre au grand public d'y voir plus clair »

C'est loin de ces considérations technophiles que s'est tenue la COP alternative, dans une modeste salle annexe de la base sous-marine de Bordeaux, du 30 novembre au 3 décembre. Un galop d'essai convaincant selon le collectif Scientifiques en Rébellion, à la manœuvre d'une programmation orientée vers le grand public. « C'est une réussite, on n'avait jamais organisé un événement comme ça. C'est le début de quelque chose dont les gens ont besoin », se satisfait Romain Grard, le coordinateur du mouvement qui estime le nombre de visiteurs à plus de 1.500. Un nombre tout de même faible à l'échelle de la métropole bordelaise.

Débats thématiques, ateliers, performances artistiques, actions de désobéissance civile ou encore procès fictif de Total étaient au programme. Autant d'ingrédients pour tenter de mobiliser et d'impliquer face au dérèglement climatique. « La force de ce mouvement c'est de permettre au grand public d'y voir plus clair, mais la science est aussi source d'imaginaire. Il faut considérer comment de nouveaux imaginaires peuvent nous permettre d'y voir autrement. On a besoin des artistes, des philosophes, des scientifiques, des médecins... Résoudre la crise écologique n'est pas qu'une question de rationalité », argumente Romain Grard.

« Reprendre la possession du narratif »

Un espace pour « reprendre la possession du narratif » face à des enjeux qui dépassent ou vont jusqu'à entretenir l'inaction. Le procès fictif de Total a par exemple permis, durant 5 heures, de se projeter en 2035 en imaginant une mise en cause du producteur pétro-gazier, jugé pour écocide. Une audience sans verdict mais avec les rôles d'avocats, procureur, témoins, accusés et partie civile qui incarnent ainsi les responsabilités partagées de la société actuelle dans l'emballement climatique à l'œuvre. « C'est une exploration à travers laquelle les gens peuvent sortir enrichis », observe le scientifique.

Si les COP locales ne se sont pas rencontrées, les deux pointent une insuffisance de l'action politique mais accordent encore une large place au dialogue et à la réflexion collective. Un fait qui a la vie dure face à l'émergence de modes d'action plus violents à force des crises successives et de l'inaction.

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Maxime Giraudeau

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Commentaire 1
à écrit le 05/12/2023 à 8:24
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Tout ce que l'on peut faire c'est mettre le nez dans la m... de ceux qui l'ont déposé. Mais ils font la sourde oreille car incapables d'assumer la moindre de leur immense responsabilité. Nietzsche nous avait prévenu, seuls ceux qui avaient de l'espri...

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