« On est face à une rupture complète dans l'évolution des données climatiques »

« On est face à une rupture complète dans l'évolution des données climatiques et on se trouve dans un cadre aujourd'hui qui n'est pas du tout celui qui était attendu », alerte le climatologue Hervé Le Treut, lors d'un dialogue avec Claudine Bichet, la vice-présidente de Bordeaux Métropole, en ouverture du Forum Bordeaux Zéro Carbone ce mardi 4 juillet. Le scientifique et la politique ont échangé sur les moyens mis en œuvre pour s'adapter et atténuer le dérèglement climatique. Le compte n'y est toujours pas.
Le climatologue Hervé Le Treut et Claudine Bichet, vice-présidente de Bordeaux Métropole, ont ouvert le Forum Bordeaux Zéro Carbone, ce mardi 4 juillet.
Le climatologue Hervé Le Treut et Claudine Bichet, vice-présidente de Bordeaux Métropole, ont ouvert le Forum Bordeaux Zéro Carbone, ce mardi 4 juillet. (Crédits : Agence APPA)

« Ce qu'on a vu pendant des années, c'est un climat qui était neutre. Mais tout cela est maintenant complètement balayé par tout ce qui s'est passé. On est face à une rupture complète dans l'évolution des données et on se trouve dans un cadre aujourd'hui qui n'est pas du tout celui qui était attendu », constate le climatologue Hervé Le Treut.

Un cri d'alerte lancé en ouverture du Forum Bordeaux Zéro Carbone, organisé par La Tribune et Bordeaux Métropole, ce 4 juillet. D'autant que les efforts d'atténuation et d'adaptation à mener sont d'une ampleur qui semble inaccessible : « On n'a jamais été en situation de réunir tout ce qui est nécessaire pour définir l'évolution du climat. Quoi qu'on fasse, on va être dans une situation qui est extrêmement difficile et complexe |...] avec des interdépendances entre les sujets [climat, eau, biodiversité, etc. NDLR] et les pays », poursuit le directeur de recherche au CNRS invité à dialoguer avec la vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge du climat, de la transition énergétique et de la santé.

Lire aussiEn route pour la ZFE ? Des propositions et des questions au Forum Bordeaux Zéro Carbone

« Des changements systémiques »

« On est face à des changements systémiques extrêmement profonds et on doit aller très très vite, plus vite qu'avant et c'est notre ambition depuis trois ans », abonde Claudine Bichet, citant le plan climat adopté par la métropole en 2022, le schéma des mobilités adopté en 2021 pour réduire de 50 % à 33 % la part modale de la voiture d'ici 2030, les plans de « végétalisation et de rafraîchissement » ou l'accélération sur les énergies renouvelables dont les cinq nouveaux réseaux de chaleur prévus d'ici 2026. « Il faut agir sur les deux jambes d'une politique climatique digne de ce nom : l'adaptation au changement climatique et l'atténuation en réduisant les émissions de gaz à effet de serre », martèle l'élue écologiste.

Lire aussiQu'est-ce que la coopérative carbone qui arrive à Bordeaux après La Rochelle et Paris ?

« Le rythme de baisse des émissions de CO2 n'est pas du tout à la hauteur des enjeux. Il y a des blocages dans tous les secteurs ! [...] La baisse des émissions brutes doit presque doubler », rappelait effectivement le Haut Conseil pour le climat le 28 juin dernier évoquant le risque quasi-inévitable d'un réchauffement de deux degrés en France dès 2030.

« On a toujours envie d'avoir le chiffre magique qui va nous dire précisément ce qui va se passer demain mais, en réalité, c'est souvent des évolutions qui vont changer d'une année sur l'autre et l'endroit où on se trouve. Il y aura des situations extrêmes et des évolutions complexes » considère toutefois Hervé Le Treut, tout en appelant à amplifier les efforts à tous les niveaux face au défi climatique : « Le climat a déjà changé et ça n'ira pas mieux l'année d'après, c'est mécaniquement impossible ! » Alors que le sondage Ifop / La Tribune sur la perception du réchauffement climatique révèle que 82 % des répondants se disent inquiets, les Français se sont-ils réellement approprié le sujet ? « On a trop essayé de résumer le climat à des chiffres qui finalement ne parlent pas aux gens parce qu'ils sont trop abstraits. Mais les 30.000 hectares qui ont brûlé en Gironde l'an dernier, les communes qui n'ont plus d'eau et les orages de grêle, ça c'est concret et bizarrement ça entraîne une prise de conscience extrêmement forte », juge Claudine Bichet.

Lire aussiRéchauffement climatique : les Français veulent une ville plus verte...si les efforts sont plus justes

« Les rapports du Giec ne sont pas un programme politique »

Pourtant, les rapports du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), du Haut conseil pour le climat ou des instances internationales sur la biodiversité se succèdent sans sembler entraîner des décisions politiques à la hauteur des enjeux et de l'urgence climatique. « Le Giec dit ce qu'on sait faire, comment le faire et ce qu'on ne sait pas faire. Ce sont des éléments qu'on va devoir prendre en compte parce qu'ils sont là mais les rapports du Giec ne sont pas un programme politique », considère Hervé Le Treut, qui a contribué à plusieurs rapports du Giec, renvoyant scientifiques et politiques à leurs responsabilités respectives.

« La résilience et l'adaptation se jouent concrètement à l'échelle des territoires. Il faut construire quelque chose qui donne envie de se projeter malgré tout », estime Claudine Bichet : « Mais cela suppose de bousculer des intérêts anciens et biens établis et de dépasser le temps électoral qui relève du temps court pour envisager des changements structurels sur le temps long ! » Et l'élue bordelaise d'appeler l'État à jouer davantage son rôle aux côtés des collectivités locales, à la fois par un soutien financier et par une facilitation règlementaire pour accélérer la transition :

« Pour construire une centrale solaire sur une ancienne décharge à Bordeaux, malgré l'unanimité de tous les acteurs, il a fallu sept ans pour obtenir toutes les autorisations administratives ! Il y a clairement un problème s'il faut sept ans pour faire émerger un projet consensuel alors qu'on a moins de dix ans devant nous pour agir ! »

Lire aussi« On nie tous la complexité de la décarbonation de l'industrie »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 05/07/2023 à 19:08
Signaler
Le temps long est en effet ce qui caractérise les choix à faire. Mais le solaire photovoltaïque ou les éoliennes ne sont qu'un emplêtre sur une jambe de bois ! D'abord ils occupent un foncier "de dingue" ce qui limite leurs implantations ; ensuite i...

à écrit le 05/07/2023 à 11:44
Signaler
En effet on le constate sur le terrain, par chez nous il fait carrément frais la nuit même si les ruisseaux sont à sec à cause de l’agriculture intensive heureusement nous sommes arrosés régulièrement par les orages, il semble impossible de prévoir r...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.