Néo Terra : la transition écologique en quête d'un second souffle en Nouvelle-Aquitaine

Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine doit adopter ce lundi la nouvelle version de Néo Terra, sa feuille de route dédiée à la transition écologique. Si l'ambition est d'y inscrire une dimension sociale et des actions renforcées, les groupes politiques d'opposition et les organisations représentatives pointent d'une même voix une approche jugée trop « technocratique ».
Maxime Giraudeau
Présidé par Alain Rousset (PS), le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine doit se prononcer lundi 13 novembre sur la feuille de route Néo Terra.
Présidé par Alain Rousset (PS), le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine doit se prononcer lundi 13 novembre sur la feuille de route Néo Terra. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

Embarquer toute la société dans la transition écologique. Tel est le nouveau défi qui s'impose aux dirigeants politiques après les crises successives, sanitaire, climatique ou sociale, qui plombent et interrogent nos modèles de développement. Dans son volontarisme habituel, la majorité socialiste de la Région Nouvelle-Aquitaine a manifesté au printemps son envie de donner une dimension plus sociale et sociétale à sa feuille de route Néo Terra, initialement votée en 2019, pour apporter une réponse à cet impératif. Et fixer ainsi un cap collectif pour l'horizon 2030.

Les objectifs réaffirmés tiennent dans un document de 100 pages qui veut mobiliser face à une urgence encore plus prégnante qu'il y a quatre ans. « Face à l'inaction globale, l'urgence est civilisationnelle. Notre cap régional est autant conforté par les rapports alarmistes, nous incitant à redoubler d'efforts », lit-on en introduction de Néo Terra 2 qui vise à inscrire « les solidarités comme condition sine qua non d'une transition réussie ». Avec une nouvelle conviction : « l'urgence sociale n'est pas moins brûlante que l'urgence climatique ».

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« Nous avons ressenti la nécessité d'accélérer sur les réponses à donner. Nous allons poursuivre nos travaux de diminution des impacts, mais les questions d'adaptation, de résilience, de protection constituent une urgence », évoque ainsi Guillaume Riou, vice-président en charge des transitions et de Néo Terra, qui y voit une déclinaison du Green Deal européen.

Les nouvelles ambitions se déclinent en six grands domaines (ressources, solidarités, agriculture, économie, mobilité/habitat et santé). La Région veut ainsi agir plus massivement pour la santé globale des personnes et des écosystèmes, généraliser les principes d'un budget vert pour 2025, diminuer les consommations professionnelles en eau, améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments, impulser des formations dans des filières émergentes - comme le réclament les syndicats -, accélérer la transition agro-écologique ou encore soutenir les technologies de rupture. Vaste et ambitieux programme, pour ne citer que quelques exemples.

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Les ambitions chiffrées d'un territoire en transition

Sur le plan énergétique, la Nouvelle-Aquitaine vise 50 % d'énergie d'origine renouvelable dans la consommation globale ou encore 100 méthaniseurs à la ferme pour 2030 et 100 % de gaz vert en 2050. L'exécutif inscrit l'objectif de zéro destruction de zones humides et la création de trois Parcs naturels régionaux (Montagne basque, Gâtine poitevine et Marais charentais). Côté agriculture, 1.000 installations en agroécologie sont attendues chaque année, dont la moitié dirigées par des femmes, et la fin de l'usage des pesticides classés CMR et du glyphosate dès 2025. Sur les mobilités, la Région veut 100 % de bus verts et 60 trains quotidiens supplémentaires d'ici 2030.

Technocratique et pas démocratique ?

Mais, sur un sujet qui suppose une approche collective pour être efficace, la révision de Néo Terra s'est attirée les foudres des différents partis politiques. Tous les groupes d'opposition, sauf le RN, ont menacé jeudi 9 novembre par une lettre adressée à Alain Rousset de boycotter la séance si l'ordre du jour n'était pas revu. Il était alors prévu que les présentations de scientifiques de renom (Valérie Masson-Delmotte, Jean Pisany-Ferri...) occupent une large partie de la séance tandis que les paroles des différentes oppositions devraient être remises à la fin d'après-midi. Pas acceptable pour les présidents des groupes écologiste, du centre et de la droite.

Beaucoup avaient déjà pointé une absence de concertation autour de cette nouvelle version. « Il y a un problème de méthode, il aurait fallu le faire de manière beaucoup plus démocratique en sondant le conseil régional des jeunes, les syndicats et les citoyens pour avoir un projet participatif. Au final, il est très technocratique ce document », lâche Christine Seguinau, coprésidente du groupe écologiste.

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« Le propos est blessant », s'agace Alain Rousset. « On a travaillé avec tous les acteurs, de telle sorte qu'eux-mêmes puissent relayer cette stratégie. Il faut qu'ils la reprennent pour que bifurquent enfin les politiques publiques et que la planification écologique soit en Nouvelle-Aquitaine une réalité. » Mais peu de réponses sont encore apportées à l'enjeu de diffusion de cette grande ambition auprès des citoyens.

Mettre en musique la bifurcation

Dans la nouvelle mouture, l'exécutif compile plusieurs constats scientifiques cinglants. 316 espèces ou sous-espèces de faune sont ainsi menacées en Nouvelle-Aquitaine, et c'est même le double pour la flore ! Pourtant, 45 % du PIB régional dépend directement du patrimoine et des ressources naturelles selon les travaux d'Ecobiose, le comité scientifique néo-aquitain sur la biodiversité. À travers les différents domaines d'action de Néo Terra 2, les socialistes rappellent bon nombre de politiques régionales déjà déployées : Une seule santé (One Health), Vitirev pour la sortie des pesticides, les éco-socio conditionnalités pour l'aide aux entreprises ou encore la stratégie biodiversité. Une compilation agrémentée de projections qui peut faire penser à un programme politique.

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Mais malgré les objectifs annoncés, plusieurs acteurs voient dans cette refonte une trajectoire pas assez ambitieuse face à la nécessité d'une rupture. C'est d'abord le cas du Ceser (Comité économique, social et environnemental régional) dont les 180 membres issus de la société civile se sont exprimés à travers un avis comme souvent minutieux. « S'il soutient pleinement la démarche portée par cette grande feuille de route transversale, le Ceser peine à en trouver le souffle et la concrétisation dans le document. [...] Le Ceser regrette que Néo Terra 2 ne mette pas plus clairement en avant les ruptures, les bifurcations à prendre pour transformer en profondeur notre modèle de développement. » Et qualifie à son tour le manifeste de « réflexion sans doute un peu trop technocratique ».

Une transition et des paradoxes

Les travaux de cette assemblée consultative menés sur la pauvreté et dévoilés cet été sont pourtant mentionnés dans la nouvelle feuille de route. Mais le tournant n'est pas assez net, juge le Ceser, tout comme le pense le groupe écologiste. « C'est du "en même temps" sur fond de dissonance cognitive puisque à côté de Néo Terra, le conseil régional subventionne le TGV et l'avion. On est dans la continuation d'un modèle et on n'envisage pas la bifurcation », assène Stéphane Trifiletti, co-président du groupe écologiste, solidaire et citoyen. Un propos qui fait écho au soutien financier accordé par la Région à la construction de l'usine de Flying Whales en partie sur une zone humide au Nord de la Gironde... alors que Néo Terra 2 veut sanctuariser ces réservoirs de biodiversité.

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Une lisibilité qui reste non-résolue comme le fait remarquer, à l'autre bout de l'échiquier politique, le Rassemblement national qui refuse de partager le concept d'urgence climatique et les dispositions de Néo Terra. « La politique menée par Alain Rouset est contre-productive pour le territoire, il est un adepte de la décentralisation excessive et veut s'arroger des compétences qu'il n'a pas », tance Edwige Diaz, présidente du groupe RN. « À tel point que l'on veut tout mettre dans cette feuille de route en finissant par la rendre illisible. »

Un difficile numéro d'équilibriste que cette refonte de Néo Terra qui cherche effectivement sa concrétisation entre une urgence accrue, des compétences seulement incitatives et le concours de tous les secteurs d'activités. Mais la mobilisation citoyenne, impératif majeur où beaucoup de partis et décideurs échouent encore, ne semble en tout cas toujours pas engagée avec cette feuille de route.

Maxime Giraudeau

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Commentaire 1
à écrit le 13/11/2023 à 9:25
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Vu l'état catastrophique du train à savoir le moyen de transport préféré des français et donc des aquitains hein, on voit bien que nos élus régionaux sont à la ramasse d'abord et avant tout. Rousset est rincé par les compromis politiciens et c'est lo...

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