
Il y a la pauvreté statistique. Et celle qu'on ne voit pas. À l'approche du premier quart de 21e siècle, c'est bien la seconde qui inquiète le plus. Un phénomène qui passe sous les radars et prend la forme d'un « halo de pauvreté entre misère et galère, tel un état de privation plus ou moins régulier », alertent les membres du Ceser Nouvelle-Aquitaine. L'instance régionale publie un vaste rapport, en forme de compilation de constats et propositions, pour enrayer la fabrique de la pauvreté. Tel un « appel à la mobilisation pour sortir du fatalisme », comme le souhaite sa présidente Emmanuelle Fourneyron. Car si environ 13 % de la population régionale, soit 780.000 personnes, vit sous le seuil de pauvreté, fixé à 1.100 euros par mois, cette mesure monétaire cache une réalité indicible et structurelle qui enrôle plus de deux millions de Néo-aquitains dans une insécurité économique et sociale.
« Il faut toujours justifier qui l'on est »
Si la pauvreté a bien reculé dans le monde ces cinquante dernières années, elle s'affirme aujourd'hui à travers de nouvelles formes. Après une cinquantaine d'auditions avec des personnes concernées, travailleurs sociaux et chercheurs, menées depuis 2020 avant la crise Covid, l'assemblée régionale montre comment la pauvreté se décline dans cinq domaines : l'accès au logement, le travail, la mobilité, l'accès aux droits et la santé. Et ce, avec des chiffres cinglants à l'appui où l'on apprend pêle-mêle que 105.000 ménages sont en attente d'un logement social, dont près de la moitié en Gironde, 446.000 en situation de précarité énergétique ou de mobilité et que le taux de non-recours au RSA s'élève à 34 %. Le tout sur fond de situations géographiques qui accentuent la vulnérabilité ou d'inégalités qui font naître une forme de violence institutionnelle. « Il faut toujours justifier qui l'on est. Cela prend beaucoup de temps. À la longue, ça nous fatigue et l'on est pas assez bien informé sur nos droits », témoigne Damien, un Limougeaud cité dans le rapport.
« On a oublié un champ fondamental : c'est le lien social. Les politiques publiques ont créé des coupures insurmontables », tance Christian Chasseriaud, sociologue et vice-président du Ceser. « Arrêtons de penser des politiques descendantes et de les faire à la place des personnes concernées ! » L'instance régionale appelle à davantage de coordination entre l'Etat et les collectivités afin de combler un vide démocratique autour de la mise en place des dispositifs d'aide sociale. « La clé pour enrayer la fabrique de la pauvreté », selon la présidente du Ceser Emmanuelle Fourneyron, « est de construire des solutions en dialogue avec les personnes concernées. C'est un levier démocratique à actionner pour leur redonner leur place dans l'élaboration des politiques publiques. »
Vers une nouvelle feuille de route régionale
Pour agir sur les différents leviers, les auteurs du rapport, issus de la société civile, conseillent de développer les baux locatifs solidaires dans le parc immobilier privé, alors que la crise du logement neuf bat son plein, et d'anticiper la transition du parc automobile pour les plus précaires tandis que l'arrivée des Zones à faibles émissions pourrait être repoussée dans les grandes villes. Si la pauvreté n'est d'ailleurs pas un phénomène propre à la Nouvelle-Aquitaine, elle affecte aussi bien ses cœurs urbains que ses espaces ruraux. « Tout le monde est touché dans cette affaire-là : les territoires qui ont beaucoup de bénéficiaires du RSA ne sont pas ceux où les entreprises vont s'implanter. Et dans les villes, il y a des arrivées permanentes de personnes qui cherchent une solution », balaye Christian Chasseriaud. En ajoutant aussi un phénomène de gentrification des ville-centres qui engendre une exclusion territoriale. « Les gens n'arrivent plus à se loger, ils fuient Bordeaux et le littoral pour migrer vers l'ouest de la Dordogne ou le nord des Landes. Mais l'emploi n'est pas forcément présent dans ces territoires. Et c'est là qu'apparaît un problème de mobilité », retrace-t-il.
Après un rapport sur le GPSO (Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest) paru au printemps, le Ceser Nouvelle-Aquitaine espère cette fois que le Conseil régional se saisisse du sujet de la pauvreté d'ici la fin de l'année. La majorité socialiste envisage en effet de réviser sa feuille de route dirigée vers la transition écologique, Neo Terra, pour lui intégrer un volet social. Avec un vaste rapport sous le coude, l'exécutif ne pourra pas être en panne d'idées, tout comme l'Etat, qui vient de présenter en Nouvelle-Aquitaine sa stratégie pour le nouveau pacte régional des solidarités.
Fin de mandature imminente pour le Ceser Le Ceser Nouvelle-Aquitaine, comité consultatif régional composé de 180 membres, issus d'entreprises syndicats et associations, verra sa mandature débutée en 2018 s'achever en fin d'année. Les organismes socioprofessionnels qui le représentent désigneront ses nouveaux membres dans quelques mois. D'ici là, l'assemblée présidée par Emmanuelle Fourneyron présentera un nouveau rapport à la rentrée axée sur les énergies renouvelables.
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