Aides aux entreprises : la Nouvelle-Aquitaine vote des critères sociaux et environnementaux

« Les éco-socio-conditionnalités ». C'est la dénomination du nouveau règlement d'intervention des aides aux entreprises adopté par le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Objectif : conditionner ces subventions (1,37 milliard d'euros en 2022) à des engagements écologiques et sociaux des entreprises. 78 % des aides mais seulement 6 % des entreprises seront concernées par des engagements contractuels qui misent sur la confiance plutôt que sur le contrôle. Un choix assumé qui suscite des réserves.
En 2022, la Région Nouvelle-Aquitaine a attribué 1,37 milliard d'euros d'aides aux entreprises. Alain Rousset, ici à la pose de la première pierre de l'usine HDF Energy, à Blanquefort, en mars 2023. L'entreprise a été aidée par le conseil régional à hauteur de 1,16 million d'euros en 2020.
En 2022, la Région Nouvelle-Aquitaine a attribué 1,37 milliard d'euros d'aides aux entreprises. Alain Rousset, ici à la pose de la première pierre de l'usine HDF Energy, à Blanquefort, en mars 2023. L'entreprise a été aidée par le conseil régional à hauteur de 1,16 million d'euros en 2020. (Crédits : Agence APPA)

Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a adopté, ce 27 mars, « l'éco-socio-conditionnalité » des aides versées aux entreprises et aux collectivités locales. Un vote qui n'a rien d'anecdotique puisque ces aides ont atteint 1,37 milliard d'euros en 2022, soit 40 % du budget régional, et ont bénéficié à plus de 2.600 entreprises de toutes tailles. « Je veux que notre expérience de réindustrialisation se combine à une image de marque éco-responsable sur le plan de l'environnement, de l'écologie et du social. Les entreprises qui sont aidées devront rembourser si elles quittent le territoire ou si, comme certaines startups, elle réalisent une forte croissance, vendent l'entreprise et vont s'acheter un bateau sur le Bassin d'Arcachon ! », a illustré Alan Rousset, en référence au cas emblématique de la fermeture de Ford Aquitaine Industries. Après la fermeture de l'usine, les collectivités n'avaient pas eu les moyens juridiques d'exiger le remboursement des aides.

Le président (PS) de la Région n'a toutefois pas réussi à réunir un consensus sur cette délibération adoptée avec les voix de la majorité de gauche (PS, PP, PCF, PRG) et du groupe Renaissance tandis que la droite, le centre et les élus écologistes se sont abstenus et que l'extrême-droite a voté contre.

Lire aussiCES de Las Vegas : la Nouvelle-Aquitaine fait ses comptes et s'interroge sur l'édition 2024

Un seuil à 150.000 euros

Andréa Brouille, la vice-présidente au développement économique, revendique une approche « simple et pragmatique pour accompagner les entreprises dans une démarche non punitive de progression ». « Nous sommes la seule Région à le faire de cette manière. J'entends que nous pourrions aller plus loin mais nous le faisons progressivement pour embarquer l'ensemble des parties prenantes dans ce dispositif », poursuit l'élue.

Formellement, le nouveau règlement fixe deux niveaux : les aides inférieures à 150.000 euros s'adosseront à une charte purement déclarative des engagements des entreprises ; au-delà de 150.000 euros, les entreprises devront signer des engagements contractuels présentés par l'exécutif régional comme « mesurables, quantifiables et vérifiables ». Ces critères aux contours encore très flous visent large : la sobriété dans l'utilisation des ressources naturelles (eau, foncier, énergie, déchets, biodiversité, pesticides), le social (qualité de vie au travail, égalité femmes-hommes, emploi des seniors, lutte contre le discriminations, gouvernance et politique salariale) et la décarbonation de l'économie (réduction des gaz à effet de serre, RSE, création et maintien de l'emploi sur le territoire).

Les critères déjà définis

La Région a déjà identifié un certain nombre de critères tels que la non-rémunération d'actionnaires ou de sociétaires par une subvention, le remboursement de l'aide en cas de délocalisation, même partielle, des activités de l'entreprise dans les trois à cinq ans, l'information du comité social et économique (CSE) de l'entreprise et les actions en faveur de l'égalité femmes-hommes. Pour le reste, l'exécutif assume de ne pas être « trop rigide » et entend caler progressivement ses propres critères sur ceux de la directive européenne CRSD (corporate sustainability reporting) sur le reporting extra-financier. Ces derniers devraient être connus d'ici le 1er janvier 2024.

Ces critères seront déployés progressivement au cours des 24 prochains mois dans l'ensemble des politiques régionales. Les engagements contractuels supérieurs à 150.000 euros devraient concerner environ 78 % du volume des aides versées mais seulement 6 % des entreprises aidées.

La confiance exclut le contrôle

L'avis du Ceser (conseil économique, social et environnemental régional) rendu en mars 2022 est sévère mais il s'applique à une version de travail où le seuil contractuel était fixé à 200.000 euros avant d'être abaissé à 150.000. « Les dispositions générales de mise en place d'éco-socio-conditionnalités, restent en décalage par rapport aux intentions et aux objectifs affichés, notamment dans Néo Terra », écrit l'assemblée qui exprime sa « déception » quant au « manque d'ambition de cette initiative » face aux « urgences environnementales, sociales et démocratiques ». Le Ceser appelle également la Région à « se doter de moyens nécessaires pour assurer le contrôle du dispositif au regard des objectifs contractualisés avec les bénéficiaires ».

Cette absence de contrôle du dispositif cristallise également les critiques des élus centristes mais aussi des rangs écologistes. Les anciens alliés d'Alain Rousset, qui sont dans l'opposition depuis 2021, avait fait de ce sujet l'une des mesures fortes pendant la campagne électorale. Pour eux, la copie adoptée ce 27 mars ne convient pas. « Les critères ne sont pas adossés à des objectifs chiffrés. Il suffira d'une déclaration sur l'honneur qui ne sera pas vérifiée puisqu'il n'y a pas de moyens ni d'agents dédiés au contrôle du dispositif. C'est une politique sur la pointe des pieds qui est loin de pouvoir toucher tout le monde puisque seulement 6 % des entreprises seront concernées », juge Anne-Laure Bedu. La conseillère régionale écologiste proposait notamment d'abaisser le seuil contractuel à 50.000 euros et de s'appuyer sur des labels existants, tels que B-corp, pour évaluer les engagements.

Lire aussiDéveloppement économique : quels sont les ingrédients de la méthode Alain Rousset ?

L'exécutif régional affirme vouloir éviter une usine à gaz et « ne pas reproduire les erreurs de l'Etat en matière de complexité et d'intrusion » pour ne pas risquer de fermer le robinet des aides aux entreprises. Il assure que le suivi de ces éco-socio-conditionnalités sera assuré par une instance existante, la Commission d'évaluation des politiques publiques (CEPP), qui réunit des élus de tous bords et des membres du Ceser. Dans un rapport d'information de l'Assemblée nationale publié en mars 2021, les députés concluaient que « les conditionnalités des aides publiques aux entreprises sont un instrument de politique économique, sociale et environnementale utile et nécessaire » tout en soulignant que ces conditionnalités « appellent un objectif politique et un ciblage clairement définis, une réelle traçabilité des aides publiques, des indicateurs de suivi consolidés et partagés, des mécanismes d'accompagnement et de contrôle (voire de sanction) aujourd'hui insuffisants ».

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.