Réouverture du train transpyrénéen : circuit touristique ou vraie ligne logistique ?

La ligne transpyrénéenne entre Pau et Canfranc, en Espagne, doit rouvrir à l'horizon 2030 selon la volonté du gouvernement d'Aragon et de la Région Nouvelle-Aquitaine, réunis aujourd'hui pour une visite de chantier côté espagnol. Les perspectives de fret ferroviaire, vantées par les politiques des deux pays, seront en réalité limitées par les capacités de l'infrastructure centenaire.
Maxime Giraudeau
Un premier convoi de rails est arrivé le 13 mars 2023 à Canfranc en vue de la réfection du tronçon jusqu'à Jaca, côté espagnol.
Un premier convoi de rails est arrivé le 13 mars 2023 à Canfranc en vue de la réfection du tronçon jusqu'à Jaca, côté espagnol. (Crédits : Fernando Sanchez Morales / Crefco)

Se remettre sur les bons rails. Trois semaines après le revers symbolique infligé par le Conseil d'orientation des infrastructures au train transpyrénéen entre Pau et Canfranc, en Espagne, les promoteurs du projet poursuivent leur entreprise. Sur invitation du ministère des Transports espagnol, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, découvre ce mercredi 15 mars les aménagements en cours de réalisation au sud des Pyrénées.

Une ligne fermée en 1970

La réouverture de la ligne transpyrénéenne, fermée en 1970 à la suite d'un accident ferroviaire, est un projet porté par le président régional depuis plusieurs mandats. « C'est un projet symbolique, c'est la réouverture de la ligne médiane des Pyrénées, une ligne mythique et importante à la fois sur le plan touristique et le plan fret », réaffirme Alain Rousset à La Tribune. Et d'ajouter que « les Espagnols nous attendent ! Les travaux gigantesques réalisés sur Canfranc [en Espagne, ndlr] l'ont été parce que nous avions relancé la ligne entre Oloron et Bedous. » En 2016, cette portion béarnaise a rouvert - pour du transport de voyageurs uniquement - après un investissement régional de plus de 100 millions d'euros.

Il reste encore 33 kilomètres de rails à remettre en service, entre Bedous dans le Béarn et Canfranc, via le tunnel hélicoïdal de Sayerce et celui du Somport, long de presque 8 kilomètres. Coût des opérations entre les deux pays : autour de 400 millions d'euros au bas mot. Mais l'aménagement patine côté français, en raison des exigences administratives (études, déclaration d'utilité publique...) et aussi du montage financier encore en construction. L'État, déjà mobilisé sur le chantier du GPSO, n'entend pas monter à bord du transpyrénéen. L'Europe, elle, intéressée sur le papier, se prononcera en juin pour dire si elle participe ou non au financement.

pau-canfranc train pyrénées

Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Carte de la ligne transpyrénéenne entre Pau et Saragosse. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. (Crédits : Livre blanc 2019 - Projet Canfraneus)

« Le seul projet qui puisse nous connecter à l'Europe »

Le « Pau-Canfranc » dispose d'une multitude d'intérêts à faire valoir. Et c'est peut-être justement l'absence d'un enjeu dominant qui l'empêche de convaincre tout le monde. Développement de la mobilité transfrontalière, du potentiel touristique des vallées et report du trafic routier vers le fret ferroviaire : ce train pourra tout faire. La Région Nouvelle-Aquitaine avance un potentiel de 300.000 voyageurs et de 700.000 tonnes de marchandises par an.

Lire aussiFace au dérèglement climatique, les Pyrénées entre adaptation et attractivité

Pour l'heure, les marchandises entre la France et l'Espagne transitent par les voies routières au Pays basque, en Catalogne et à travers les Pyrénées, via la RN134... qui longe la ligne ferroviaire désaffectée. Le retour du train doit permettre de favoriser le report modal et d'endiguer les flux de camions qui traversent les vallées. Cette transition doit s'effectuer avec la plateforme logistique géante Plaza, à Saragosse, l'une des plus grandes d'Europe, dont l'activité est dominée à 90 % par le transport routier. Avec le retour du train, la plateforme prévoit une augmentation de 5 % de ses flux ferroviaires.

« La connexion au réseau européen ferroviaire est vitale pour nous. C'est un sujet prioritaire par rapport à nos perspectives de croissance et c'est le seul projet sur la table qui puisse nous connecter à l'Europe », martèle Pedro Sas au sujet du renouveau ferroviaire transpyrénéen. Céréales, papier, textiles ou pièces électroniques : le directeur général de la plateforme aragonaise regorge d'idées pour remplir les wagons qui se lanceront à l'assaut du Somport à la frontière entre les deux pays.

Lire aussiAutoroute multimodale Cherbourg-Bayonne : Brittany Ferries commande 47 wagons à Lohr, spécialiste mondial du ferroutage

Des millions de tonnes sur la route, des milliers sur le rail

Mais, en réalité, il y aura davantage de trains de voyageurs que de trains de marchandises sur la ligne. Une étude du ministère des Transports espagnol prévoit la circulation de dix trains quotidiens transfrontaliers pour 2030, dont seulement deux dédiés au fret. La SNCF indiquant qu'un train peut embarquer entre 500 et 600 tonnes de marchandises, la réouverture de la ligne entre Pau et Canfranc permettra de reporter l'équivalent d'une cinquantaine de camions par jour vers le rail. Selon l'étude, les capacités de fret pourront être portées à cinq trains par jour à la seule condition que la ligne soit électrifiée. Ce qui n'interviendra pas avant 2050.

Or, selon les chiffres relayés par le Livre blanc du projet, le fret routier transfrontalier s'élevait déjà à 85 millions de tonnes en 2010. Les capacités maximales du train entre Saragosse et Pau seront de 500.000 tonnes de marchandises par an en 2030, et potentiellement de plus d'un million de tonnes en 2050.

train pau canfranc

Les rails sont toujours visibles en vallée d'Aspe, comme ici au niveau du village d'Urdos. (Crédits : MG / La Tribune)

Si le gain en sécurité est évident pour les transporteurs, le fret ferroviaire se révèle beaucoup plus onéreux que le transport routier. Mais le bénéfice environnemental n'est pas négligeable. « Il y a un moment où, en dehors du fait que c'est un moindre coût que tout le monde veut, l'intérêt écologique doit primer. Notre économie a intérêt à se tourner vers le transport ferroviaire », veut mobiliser Pedro Sas.

Lire aussiComment la Garonne veut se convertir au fret fluvial

Le Titanic des Pyrénées

Pour les observateurs des transports, le report modal ne fonctionnera qu'à une condition : la mise en place d'un péage au tunnel routier du Somport. « Il y a des péages partout, sauf sur cette route ! », agite Christian Broucaret, président de la Fnaut Nouvelle-Aquitaine (Fédération nationale des associations d'usagers des transports). « Saragosse c'est le port à sec de Barcelone. Les Espagnols ont envie d'évacuer les marchandises par le chemin de fer car sinon ils doivent passer par la Catalogne ou par le Pays basque. » Le transpyrénéen aurait davantage de certitudes touristiques que logistiques pour l'heure.

Fin janvier, le groupe Barcelo a annoncé l'ouverture d'un vaste complexe hôtelier de luxe dans l'ancienne gare de Canfranc, côté espagnol, surnommée le « Titanic de Pyrénées ». Son parvis de 240 mètres de long perché à 1.200 mètres d'altitude accueille désormais une centaine de chambres dans une ambiance très Orient-Express. Le prix de la nuit est affiché entre 150 et 600 euros selon les suites proposées. Sollicitée, la direction du groupe n'a pas répondu à nos questions. Mais il est évident que son public cible ne sera pas celui du train transpyrénéen. Ou quand un tourisme haut de gamme s'invente le long d'une ligne ferroviaire à la nouvelle destinée plurielle.

hotel canfranc barcelo

Le hall d'accueil de l'hôtel de luxe installé dans la gare de Canfranc, achevée en 1928. (Crédits : Barcelo Group)

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 16/03/2023 à 0:01
Signaler
Le tunnel ferroviaire transfrontalier du Somport n'est pas hélicoïdal.. L'auteur fait confusion avec un autre tunnel de la ligne (ou une autre ligne, comme celle de Latour de Carol par exemple ?)

le 16/03/2023 à 11:18
Signaler
Oui il y a un tunnel hélicoïdale , avant le tunnel trans frontalier .. le tunnel de "sayerce " il est situé entre "Urdos" et "les forges d abel".. il fait 1775m de longueur en hélice et il permet de monter de 60 m en altitude

à écrit le 15/03/2023 à 13:31
Signaler
Bonjour, Beaucoup de ligne SNCF ons était fermée depuis ses 40 dernière année.. Souvent au détriment de la population et du commerce... Bien sûr , la réouverture demandera de trouver un équilibre économique...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.