Revenu de base : "la question d'une protection sociale plus efficace se pose plus que jamais"

Jean-Luc Gleyze, le président du conseil départemental de la Gironde, est un partisan de longue date de l'expérimentation d'un revenu de base ou revenu universel. Dans ce contexte de crise économique hors norme, il remonte au créneau avec 17 collègues socialistes. "Il faut imaginer une protection sociale plus adaptée au monde de demain [...] La casse sociale produit des effets négatifs beaucoup plus importants que la somme nécessaire à la mise en place d'un revenu de base ", explique-t-il dans un entretien à La Tribune.
Jean-Luc Gleyze, en février 2020.
Jean-Luc Gleyze, en février 2020. (Crédits : Agence APPA)

LA TRIBUNE - Avec 18 autres présidents de départements, vous appelez à nouveau à une expérimentation du revenu de base, un an après son rejet sans débat par l'Assemblée nationale. Qu'est-ce qui a changé entre temps ?

JEAN-LUC GLEYZE - C'est principalement la crise sanitaire et économique que nous traversons actuellement et la perspective d'une casse sociale importante au sein de la population. Au-delà des difficultés transitoires, beaucoup de situations de précarité vont en effet émerger dans les mois qui viennent, que ce soit au sein de publics déjà fragiles, comme au sein d'autres publics telles que les patrons de TPE, les auto-entrepreneurs, les micro-entreprises, les indépendants, etc. Et pour le secteur de l'hôtellerie-restauration et du tourisme, dont la saison semble déjà terminée avant même d'avoir commencé, ainsi que pour le milieu culturel, sportif et associatif, cela va être catastrophique. Toutes ces catégories risquent bel et bien de basculer dans la précarité.  Dans ces conditions, la question d'une protection sociale plus efficace se pose plus que jamais. Il faut changer de modèles en apportant de nouvelles solutions. L'idée est d'ailleurs discutée en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, au Canada, etc.

Lire aussi : Pourquoi l'idée d'un revenu universel refait surface ?

Que préconisez-vous ?

L'idée est de s'appuyer sur les travaux menés ces dernières années avec nos partenaires. Nous avons travaillé pendant trois ans sur une proposition d'expérimentation d'un revenu de base dans nos départements [Lire ci-dessous]. Nous sommes dans une période où l'application immédiate peut être mise en œuvre rapidement par ordonnance tout en prévoyant une évaluation du dispositif dans quelques mois et à plus long terme. La crise que nous traversons nous impose d'interroger la société que nous voulons demain et imaginer une protection sociale plus adaptée au monde ubérisé que nous connaissons avec toujours plus de contrats de travail court set à temps partiel et d'auto-entrepreneurs.

Par ailleurs, le revenu de base est aussi une réponse aux difficultés des jeunes entre 18 et 25 ans qui ne touchent pas le RSA et permet de lutter contre les situations d'extrême pauvreté, de venir en aide aux travailleurs pauvres et aux catégories socio-professionnelles qui peuvent avoir besoin d'un revenu complémentaire comme les agriculteurs, mais aussi de valoriser des engagements associatifs ou auprès de personnes vulnérables dont on perçoit soudainement toute l'utilité aujourd'hui.

Qu'est-ce qui vous laisse penser que le gouvernement aura une oreille plus attentive à vos arguments ?

C'est d'abord le discours du président de la République, le 13 avril, qui a dit qu'il fallait se réinventer collectivement et lui le premier. Je veux bien croire à sa sincérité mais il faut des actes pour aller demain vers de nouvelles valeurs autour du service public, du local, de l'environnement et de la solidarité. D'autre part, les circonstances sont tellement exceptionnelles qu'il convient d'être imaginatif et je note que l'Union européenne a fait sauté la règle des 3 % de déficit et que l'Etat pourrait revenir sur le pacte de Cahors encadrant les dépenses de fonctionnement des collectivités locales. La période est donc propice à des solutions qui semblaient pour beaucoup inimaginables il y a encore quelques semaines.

Quel pourrait-être le coût d'un revenu de base ?

La question qu'il faut se poser est la suivante : quel est l'argent qui peut être utilisé aujourd'hui et avoir un impact positif à terme. La casse sociale produit des effets négatifs à la fois sur l'économie et sur les individus qui sont beaucoup plus importants que la somme nécessaire à la mise en place d'un revenu de base. L'Etat peut être en déficit et emprunter pour financer son fonctionnement et on voit bien qu'il y a aujourd'hui des moyens financiers faramineux qui sont débloqués pour soutenir l'économie et les entreprises, on parle de dizaine de milliards d'euros. Dans ce contexte global, le revenu de base au plan national c'est 10 à 12 milliards d'euros par an donc, comparativement, c'est une goutte d'eau. Mais une goutte d'eau qui répond à une vraie question sociale et de noble politique !

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Quel est le scénario proposé par les 19 élus signataires ?

A l'issue des travaux menés pendant trois ans avec l'Institut des politiques publiques, les 19 élus socialistes préconisent l'expérimentation d'un revenu de base qui pourrait prendre la forme de deux modèles : l'un fusionnant le RSA et la prime d'activité ; l'autre fusionnant RSA, Prime d'activité et aides au logement. Dans les deux cas, trois principes directeurs sont posés :

  • l'inconditionnalité et l'automatisation du dispositif pour résorber le non recours,
  • l'ouverture aux jeunes de moins de 25 ans,
  • la dégressivité du revenu de base en fonction des revenus d'activité.

Un comité scientifique serait chargé d'évaluer le dispositif et d'en recommander la poursuite, la généralisation ou l'abandon. D'après l'IPP, le montant de ce revenu de base serait, au minimum, de 461 € mensuels pour une personne seule sans ressources (RSA + prime d'activité) et au maximum de 725 € pour une personne seule et locataire (RSA + prime d'activité + aides au logement).

Lire aussi : De 461 à 725 € par mois : 13 départements, dont la Gironde, militent pour tester un revenu de base

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