Casteljaloux, piège en eau thermale ?

Mardi après-midi, Pierre Camani, président (PS) du Conseil départemental de Lot-et-Garonne, a signé la vente, moyennant 2,1 M€, de la station thermale de Casteljaloux à Jean-Claude Ebrard, président de la Société Thermale de Casteljaloux, exploitant d’une entreprise que fragilise le manque d’eau.
Bain aux thermes de Casteljaloux

"Le montant de cette transaction est supérieur au capital restant dû par le Département dans le cadre du prêt destiné à financer cette structure. Et puis il ne faut pas oublier que l'implication du Département dans les thermes à Casteljaloux c'est un projet de la précédente majorité de droite", résume-t-on au cabinet du président Camani.

En plus de cette transaction à 2,1 M€ Jean-Claude Ebrard s'est engagé à investir 3 M€ pour remettre les installations à niveau rajoute-t-on au Département. L'avenir serait donc assuré. La station thermale de Casteljaloux, commune qui compte désormais également un golf et un casino à une dizaine de kilomètres du projet de Center Parcs de Pierre et Vacances, à Pindères, est un projet structurant qui repose sur un protocole d'accord signé le 28 mai 2000 entre le Département, alors présidé par le centriste Jean François-Poncet (UDF), la commune de Casteljaloux, dont le maire comme à l'époque est Jean-Claude Guénin (UDF devenu LR), et la société Ebrard, dirigée par Jean-Claude Ebrard, président du groupement Eurothermes à Pau (Pyrénées-Atlantiques).

8,9 M€ d'investissement de l'ère François-Poncet

Pierre Camani a de son côté été élu à la présidence du Conseil départemental de Lot-et-Garonne en 2008. Le Département a pris en main le financement de cette infrastructure, soit un investissement de 8,9 M€ toutes taxes comprises, dont 457.000 euros pour le foncier. L'exploitant, la Société Thermale de Casteljaloux, dont le siège est à Pau, devait notamment de son côté reverser des loyers au Département dans le cadre d'un crédit-bail conclu en 2001.

Auparavant la commune de Casteljaloux avait quant à elle obtenu "toutes les habilitations légales et sociales nécessaires à l'exploitation d'une station thermale" souligne le rapport. Pourtant, si l'on en croit le président Pierre Camani, l'évaluation de la ressource thermale disponible a été l'occasion d'une boulette catastrophique. Dans la réponse faite à la CRC en décembre 2016 Pierre Camani annonce ainsi que le Département va mettre un terme au contrat avec la Société Thermale de Casteljaloux, "un contrat mal engagé suite à une mauvaise estimation de la ressource en eau réalisée par les services de l'Etat" !

Pas assez d'eau disponible

Ce manque de ressource en eau thermale va frapper la station de plein fouet en 2010 quand les services de l'Etat s'aperçoivent que "l'eau thermale de Casteljaloux ne présentait plus la même minéralisation qu'auparavant" et que pour régler ce problème il fallait réduire le débit de l'eau à 17 m3/heure "afin d'augmenter la concentration en minéraux". Et sur ce point particulier le Département et la Société Thermale de Casteljaloux sont d'accord : ce débit de 17 m3/heure ne permet pas à la station thermale de fonctionner dans de bonnes conditions financières ni de se développer, engendrant une fragilité structurelle de la société exploitante.

En 2010 le Département adopte une délibération pour prendre en charge, à hauteur de 1,2 M€, les travaux faits par l'exploitant pour ramener le début horaire à 17 m3. Finalement le Département versera 1,1 M€. "Bien que le propriétaire de la source, la commune de Casteljaloux n'a pas participé au coût des travaux" relève la CRC. Les remises à niveau techniques des thermes à Casteljaloux ont quasiment commencé avec l'ouverture de la station.

Une société exploitante vacillante

Des avaries en série ont ainsi perturbé le fonctionnement de la station thermale au point que dès 2003 le Département a dû accorder deux subventions à la commune de Casteljaloux (propriétaire de la source) : l'une de 200.000 euros "pour financer les travaux de remise en état de l'alimentation en eau réalisés par l'exploitant" et une autre de 460.000 euros "couvrant le remboursement par la commune à l'exploitant de travaux de remise en état du forage réalisés en urgence par ce dernier". Au cas où malgré tout l'affaire aurait mal tourné, un protocole introduisant une clause de sauvegarde déliait l'exploitant des "contrats qui le liaient aux deux collectivités territoriales, sans indemnité".

Malgré les aides publiques, la société exploitante de la station thermale a eu du mal à trouver sa rentabilité. La CRC montre ainsi que, sur les cinq derniers exercices, alors que le chiffre d'affaires passe de 3,1 M€ à 3,4 M€, entre 2010 et 2014, le résultat courant avant impôts est continuellement négatif (- 248.000 euros en 2010 à - 178.000 euros en 2014), tandis que le résultat net, négatif de 221.000 euros en 2010 ne devient positif en 2014, à 154.000 euros, que pour des raisons exceptionnelles.

"Le bilan de la société se caractérise par une très faible capitalisation, les capitaux propres étant négatifs sur les 5 dernières années. Cette fragilité constitue un risque pour le département s'ajoutant aux incertitudes quant à la pérennité de l'autorisation d'exploiter. Une dénonciation du crédit-bail par l'exploitant conduirait le département à continuer à supporter la charge de la dette (167.000 euros par an) sans bénéficier des recettes de loyer. De plus, il récupérera la charge de l'entretien. Dans ces conditions il se verra contraint de rechercher rapidement un nouvel exploitant afin d'occuper les locaux, ce que le contexte économique actuel rend difficile", prévient la CRC.

Il est bien probable que Jean-Claude Ebrard réussisse à redresser la barre, porté par le dynamisme touristique de Casteljaloux, mais il est certain aussi que, pour le Département, il s'agissait de sortir de ce qui ressemblait à un piège en eau thermale.

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