Dans les zones artisanales aussi se cachent des pépites. Loin des incubateurs bouillonnants de la tech bordelaise, une jeune pousse rêve de décarboner le chauffage des bâtiments en tôle. Au Haillan, dans un entrepôt couvert de ce métal ondulé caractéristique, la petite équipe d'Air Booster vit au rythme du soleil. Surtout en hiver.
L'initiateur de cette entreprise créée en 2019, c'est Christophe Fourcaud, 52 ans, qui aime remonter quelques années en arrière pour prouver qu'il n'est pas fou. « En plein hiver, on discutait au retour de la plage avec un copain. Et comme il faisait froid, je voulais me chauffer les fesses sur la carrosserie de ma voiture. On s'est aperçu que la température n'était pas la même partout et on s'est dit qu'il y avait de l'énergie à récupérer », raconte-t-il.
2,5 millions pour donner de l'air
C'est de cette observation empirique et triviale qu'est née la technologie d'Air Booster. L'objet innovant se présente sous la forme d'un plaquage métallique d'1 millimètre installé en façade entre l'isolant d'un bâtiment et la tole extérieure ondulée, puis connecté au système de ventilation. Un habillage commun dont la température, par exposition au soleil, peut monter à plus de 60 degrés. Même en plein hiver. Au contact de la tole, l'air aspiré et diffusé dans les ondulations par AirBooster se réchauffe de 10 à 50 degrés en deux secondes. « Avec notre système, on transforme les bâtiments métalliques en radiateurs géants », promet l'entrepreneur. Et on remplace les énergies fossiles... mais seulement les jours de grand soleil
La technologie de chaleur renouvelable, dotée de deux brevets, se vante même d'une puissance quatre fois supérieure à l'énergie photovoltaïque, avec 800 W par m2. Et d'un faible coût d'installation, de 180 à 200 euros du m2. Un développement tellement prometteur dans le cadre de la transition énergétique que le collectif citoyen à impact Team for the Planet a jeté son dévolu sur Air Booster parmi des milliers de candidats en recherche de financements. Team a validé un investissement d'1,5 million d'euros le 12 février. La société a par ailleurs reçu 1 million en financement non-dilutif, à l'initiative de la Région Nouvelle-Aquitaine et Bpi France.
Des grands groupes intéressés
Ce qui va permettre à la société du Haillan qui emploie sept salariés de développer son outil de production. « On a beaucoup de demandes mais on n'était pas prêts , explique Christophe Fourcaud. On n'a pas pu répondre à toutes les demandes. » Le dirigeant avance un carnet de commandes potentiel de plus de 6 millions d'euros, dopé par la crise énergétique.
Les propriétaires de locaux commerciaux, de stockage, agricoles ou logistiques se montrent intéressés. « Les promoteurs aussi nous sollicitent, se réjouit Mathieu Dessans, devenu directeur technique après avoir accompagné la startup chez Bordeaux Technowest. Enfin ils se disent qu'ils ont un rôle à jouer dans la transition énergétique. » Dans leur escarcelle, La Poste, la RATP ou encore l'UIMM qui va équiper un bâtiment sur 250m2 de façade à Bruges.
Le système est expérimenté sur la façade extérieure du bâtiment d'Air Booster. (crédits : MG / La Tribune)
Malgré des capacités limitées à un entrepôt de 500m2 et peu de mains, Air Booster vise 600.000 euros de chiffre d'affaires en 2024. L'entreprise veut continuer à investir sur la R&D alors qu'elle vient de peaufiner la deuxième version de son système. Un axe capital pour rester à la pointe, alors que son concurrent canadien Solar Wall, créé dans les années 2000, a un pied en Europe.
« On a encore des choses à prouver »
Le potentiel commercial et l'impact de décarbonation de la petite société semble énorme. Labellisée Jeune entreprise innovante par l'État, elle souhaite lancer un réseau d'installateurs franchisés d'ici 4 ans. Mais on ne peut s'empêcher de penser que cette société qui tombe à pic avec la conjoncture énergétique va vite intéresser de grands groupes. Des spécialistes de l'aluminium comme Dal'Alu, basé en Gironde, ou de la chaleur renouvelable comme NewHeat auraient des synergies à trouver.
Christophe Fourcaud écarte l'idée d'un adossement pour le moment. « On a encore des choses à prouver, il faut la décarboner cette planète, enjoint-il, avec le sentiment d'arriver à maturité au bon moment. Nous recevons des sollicitations mais le temps de la revente n'est pas venu. On a envie de développer le projet. » A commencer par les équipes, qui vont doubler cette année, au fond de cette zone artisanale fertile.
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