À Bordeaux, le site hydrolien du Pont de pierre donné à une fondation des énergies marines

ENTRETIEN. Le site d'essai d'hydroliennes du Pont de pierre, à Bordeaux, vient d'être donné à la Fondation Open-C qui rassemble quatre autres sites français et a désormais pour mission de structurer cette filière de l'énergie marine. Tâche périlleuse tant le secteur accuse du retard et s'en remet à l’État, expose Marc Lafosse, fondateur du bureau d'études en océanographie Énergie de la Lune.
Le site hydrolien du Pont de pierre à Bordeaux va continuer à tester de nouveaux modèles d'hydroliennes.
Le site hydrolien du Pont de pierre à Bordeaux va continuer à tester de nouveaux modèles d'hydroliennes. (Crédits : Projet Seeneoh)

LA TRIBUNE - Sept ans après le début des expérimentations, qu'avez-vous appris grâce au site hydrolien du Pont de pierre ?

MARC LAFOSSE - Nous avons d'abord pu donner un contexte structuré à des entreprises qui se concentrent sur la construction d'une turbine grâce à des tests en milieu naturel. On a testé quatre technologies très diverses. Celle d'HydroQuest, le premier industriel, avait un seul objectif, c'était d'être performant pour le secteur maritime. Design Pro voulait plutôt faire de l'hydrolien fluvial ou estuarien et HPG vise plutôt du fluvial mais avec une maturité moins importante. On a fait progresser la filière car des normes sont nées de nos études, sur les courbes de puissance notamment. Le Graal d'un site d'essai pour le turbinier, c'est qu'on lui garantisse qu'à telle vitesse de courant il produise une puissance électrique donnée. C'est une courbe qui aujourd'hui est certifiée par un bureau de contrôle.

Le site de Bordeaux va continuer à accueillir des tests d'hydroliennes. Pour l'instant, on a testé que des technologies à axe vertical, on a des candidats intéressés pour y mettre des hydroliennes à axe horizontal, comme une éolienne qu'on mettrait sous l'eau.

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En clair, vous êtes capable de prédire la puissance produite grâce au calendrier des marées ?

C'est exactement ça ! Et surtout, de le prédire d'une façon certifiée par un tiers. Le site hydrolien du Pont de pierre a contribué à créer cette norme. On a structuré le début de cette filière grâce à un référentiel commun. C'est très important pour qu'ensuite cette énergie soit compétitive et qu'elle trouve sa place dans de grands projets.

Sur l'acoustique, on écoute le bruit qu'émet une hydrolienne dans l'eau pour mesurer l'impact sur son environnement. Il n'existait aucune norme, aucun protocole scientifique pour le faire, hormis celui de l'éolien en mer.

Pourquoi avoir fait don de ce site d'essai à une fondation ?

Tout simplement parce qu'on a voulu faire l'union des sites d'énergie marine. Par ailleurs, le statut de cette fondation est plus aisé en terme de financements de programmes de recherches pour accompagner des technologies. Par exemple, on avait reçu des financements de la Commission européenne pour un test mais nous étions constitués en SAS [Société par actions simplifiées, ndlr] et pendant deux ans, on a dû justifier que nous ne gagnions pas d'argent. Si vous êtes une fondation, au bout de quinze jours, tous les papiers sont signés, c'est beaucoup plus simple car la Commission comprend notre statut.

La fondation va investir sur des tests d'hydroliennes, houlomoteurs, d'éoliennes flottantes pour se positionner sur des appels à projet que lance l'Europe. L'Union Européenne a une stratégie extrêmement offensive sur l'énergie marine, la principale c'est celle portée dans le Green Deal avec des objectifs d'installation et des appels à projet qui financent l'innovation et les démonstrateurs. Cette fondation va y répondre en étant candidate avec des turbiniers.

Une fondation à la tête de cinq sites

Le site d'essai de Bordeaux est l'œuvre du projet Seeneoh qui rassemble depuis 2015 les océanographes d'Énergie de la Lune, la SEML Route des Lasers, Cerenis et Valorem. Avec une enveloppe initiale de trois millions d'euros, les partenaires ont enclenché sept ans d'expérimentations et de recherches sur les conditions d'implantation de l'énergie hydrolienne en milieu fluvial. La Fondation Open-C, nouvelle propriétaire, est également à la tête des sites énergétiques à Paimpol-Bréhat, Sainte-Anne du Portzic, Bordeaux et un autre au large du Croisic pour la façade atlantique ainsi qu'un cinquième au large de Port-Saint-Louis du Rhône pour la Méditerranée. Cette alliance des énergies marines est financée notamment par l'Ifremer, Centrale Nantes, EDF, Valeco, TotalEnergies et les conseils régionaux concernés.

Votre filière s'adresse-t-elle davantage à l'Europe qu'à l'État ?

Pour l'hydrolien oui, car la filière a eu la chance de bénéficier du soutien de l'Europe au moment où il y a eu le scandale de Naval Énergies [filiale de Naval Group cédée en 2021, ndlr] en France. 300 millions d'euros ont été dépensés sur le volet hydrolien et ça a été catastrophique car ils ont jeté l'innovation à la poubelle. Derrière, pour avoir des financements du gouvernement, la porte est restée bien fermée. L'hydrolien a payé les pots cassés de l'erreur stratégique de Naval Énergies. L'Ademe a repris les choses en main avec une stratégie de soutien de la filière. Elle finance la ferme pilote FloWatt, qui sera la plus puissante au monde avec 17,5 MW, portée par la société HydroQuest au Raz Banchard pour une ouverture à horizon 2026.

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La filière est en retard et en cours de structuration. A-t-elle sa place dans la planification énergétique ?

On veut absolument que cette énergie soit dans la PPE [Programmation pluriannuelle de l'énergie, ndlr]. On se bat comme des chiens ! L'hydrolien a drastiquement baissé ses coûts : au 1er GW installé, on sait que le prix de vente sera en-dessous de 100 euros du MWh. Pour le concrétiser, on a absolument besoin de lancer 750 MW d'appels à projets de l'État d'ici 2030. Pour l'instant, on reste sur notre faim car lors des Assises de la mer en novembre, le président de la République a annoncé de bonnes nouvelles avec le lancement d'appels d'offres sur l'hydrolien et des objectifs dans la PPE. Mais ensuite il a remanié le gouvernement et les objectifs d'énergies renouvelables sont passés sous silence au profit du nucléaire. Or, sans les appels d'offre de l'État, la filière n'y arrivera pas.

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