Les Détritivores interpellent Bordeaux Métropole sur sa gestion des biodéchets

Les Détritivores est une association bordelaise qui collecte les déchets biodégradables, essentiellement auprès de restaurateurs, pour assumer leur devoir de tri et en faire du compost. Pourtant, ses membres rencontrent de grandes difficultés à implanter des plateformes de compostage en ville. Selon eux, Bordeaux Métropole n'a pas encore pris toute la mesure de cet enjeu central sur un territoire « zéro déchet, zéro gaspi. »
(Crédits : Les Détritivores)

Les Détritivores collectent les biodéchets directement chez ceux qui les produisent et les acheminent sur des plateformes de compostage, dont le compost issu est redistribué aux jardiniers urbains. Les biodéchets (ou déchets biodégradables) sont les déchets d'origine végétale ou animale qui se décomposent grâce à d'autres organismes vivants, appelés décomposeurs ou... détritivores. L'association, implantée dans l'écosystème de Darwin, compte aujourd'hui huit personnes dont cinq salariés.

Fermeture de la plateforme de Darwin

L'activité des Détrivores a plusieurs caractéristiques, dont l'objectif de recruter des personnes éloignées de l'emploi. L'association organise aussi des actions de sensibilisation, met à disposition des bacs, adapte la fréquence de collecte (assurée par deux camions) à la production de l'établissement... En 2017, 265 tonnes de biodéchets ont été amassés, et 170 tonnes au premier semestre 2018. « C'est l'équivalent de 40.000 repas par jour », précise Jean-Marc Gancille, le président-fondateur des Détritivores, également co-fondateur sur le départ de Darwin éco-système.

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Aujourd'hui, l'association a 43 clients : publics, semi-publics et privés (écoles à Pessac, hôtels Ibis, restaurants universitaires, Biocop, Cdiscount Bacalan, Mama Shelter...) et dispose de deux plateformes de compostage de 250 m2 chacune. La troisième plateforme, qui était à Darwin, a fermé le 25 avril 2018. « C'était notre plateforme vitrine », commente Jean-Marc Gancille, « il faut en ouvrir d'autres ; mais pour en ouvrir d'autres, il y a l'enjeu de la mise à disposition du foncier. »

Jean-Marc Gancille 2 Darwin

Jean-Marc Gancille (Crédits: Agence APPA).

« Un marché énorme à défricher »

Environ 50 % des déchets de la restauration sont des biodéchets, qui peuvent avoir des effets importants sur l'environnement et présenter des risques pour la santé lorsqu'ils sont mal traités. En France, la règlementation concernant la gestion de ces déchets est de plus en plus stricte. Depuis le 1e janvier 2016, la loi impose aux producteurs de plus de dix tonnes de biodéchets par an le tri et la collecte sélective. Selon l'association, les établissements faisant en moyenne plus de 150 couverts par jours (café, bars, brasseries) peuvent risquer une amende de 75.000 € et deux ans d'emprisonnement (article L.541-46, point 8 du code de l'environnement).

Ces restaurateurs sont donc obligés de chercher une solution, qui ne leur était pas proposée avant. « D'un côté, il y a les associations qui donnent des composteurs, surtout aux particuliers dans les habitations collectives. À l'autre extrême, il y a les grands opérateurs, comme Veolia par exemple, surtout pour les agriculteurs etc. Peu traitent les professionnels en centre-ville car ce n'est pas rentable ! C'est donc un marché énorme à défricher », explique Jean-Marc Gancille.

Les incinérateurs : une fausse bonne idée ?

« Il est difficile d'engager une dynamique de collaboration et de partenariat avec les collectivités, en partenariat avec Bordeaux Métropole », poursuit le fondateur de l'association. « La thématique des biodéchets est perçue comme prioritaire, pourtant, la gestion qu'en fait Bordeaux Métropole est insuffisante. Nous ne disons pas qu'elle est défaillante, mais elle n'anticipe pas la législation qui va continuer de se durcir. Prétendre tendre vers le zéro déchet, c'est bien, mais sans prendre en compte cette problématique, c'est être à côté de la plaque. Distribuer des composteurs, ça ne suffit pas. Il faut professionnaliser, changer d'échelle, passer la seconde. »

Selon Jean-Marc Gancille, les collectivités ont fait le mauvais choix d'investir dans de grandes infrastructures, dont des incinérateurs, qui ont le mérite de produire de l'énergie. « Brûler c'est une perte de rentabilité alors qu'on essaie à côté de réduire les intrants. On brûle des masses humides, qu'en plus il faut compenser avec des masses sèches, du papier, qui pourrait aussi être utilisé autrement », s'explique-t-il.

« Nous ne demandons pas de sous, pas de subventions mais nous regretoons une inertie de la part des intéressés. Il faut essayer, voir ce qui marche, voir ce qui ne marche pas, selon les comportements des gens dans les différentes collectivités », avance-t-il encore. Pour le président de l'association, « ailleurs, les élus sont beaucoup plus volontaristes. » : les Détritivores se sont exportés à Lyon depuis septembre 2017 où un concours sur le thème de l'économie circulaire leur a ouvert un accès au foncier.

Pourquoi ça doit changer

« Les gens ont peur que nous fassions du militantisme ou que notre structure soit trop fragile : c'est le combat permanent de l'économie solidaire », s'inquiète Jean-Marc Gancille. L'association affirme avoir déjà identifié les endroits propices à l'implantation de nouvelles plateformes, mais ne pas parvenir à clore les contrats. « Il y a des représentations erronées liées aux nuisances, par exemple olfactives, mais qui sont aujourd'hui maîtrisées ; il y a ceux qui n'ont pas envie de voir de nouveaux acteurs. »

L'association est lauréate de l'appel à projet « Pessac durable » pour l'implantation d'une plateforme, et Blanquefort, Cenon et Bègles envisagent de mettre également à disposition les parcelles nécessaires.

« Nous avons nos propres freins, par exemple avec la diminution des emplois aidés. Nous avons besoin de partenaires économiques. Techniquement, nous maîtrisons ; financièrement nous trouvons, politiquement, il faut nous aider ! », conclut Jean-Marc Gancille. Ce à quoi Frédéric Petit, actuel trésorier de l'association et dirigeant d'Elise Atlantique (SAS Actes, qui met à disposition des compétences pour les Détritivores) ajoute : « il pourrait y avoir, dans 2-3 ans, 10 à 15 camions qui tournent dans la métropole, qui emploieraient 50 personnes qui en ont besoin ! »

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